Mike Leigh, l’autre Discours de la Méthode

Publié le 20 décembre 2011 par Lg_blog_fr

Pour sa dernière Master Class de l’année, organisée dans le cadre du cycle « London Calling », le Forum des images a reçu le réalisateur anglais Mike Leigh. Tout en improvisation.


La Master class de Mike Leigh (VF) par forumdesimages

Il est des réalisateurs qui ne paient pas de mine. Sweat et pantalon côtelé un rien désuet, Mike Leigh est de ceux-là. Alors, quand il prend place aux côtés de Pascal Mérigeau, tête rentrée dans les épaules, presque à reculons, on en oublierait que ce Monsieur là a été Palme d’or au Festival de Cannes pour Secrets et mensonges en 1996. Première question du journaliste et critique du Nouvel Observateur. Clap de départ. Mike Leigh s’anime. Et on ne l’arrêtera plus. Tentant par instant de se débarrasser de ce micro qui l’encombre. « Je ne sais pas où le mettre », sourit le réalisateur. « J’aime bien faire des gestes quand je parle ».  C’est qu’avant de passer derrière la caméra, ce petit-fils d’un peintre miniaturiste né à Manchester s’était destiné à la scène. « A mes débuts, je voulais surtout échapper à ma vie triste et provinciale. Londres était une première étape. » Celle de la  Royal Academy of Dramatic Art, où il se heurte à un traditionalisme qui le désespère, lui qui, en 1960, est fasciné par l’émergence d’un nouveau cinéma. Celui d’À bout de Souffle et des 400 Coups. « Il était temps de jeter les conventions par la fenêtre ». Et sa carrière d’acteur avec. « Oui, ce n’était pas vraiment pour moi ». Ses nouvelles ambitions : écrire et mettre en scène.

Le sentiment d’espionner

1971, Bleak Moments, premier long-métrage, premier prix. Un Léopard d’Or à Locarno pour le portrait de Sylvia, une trentenaire en quête du bonheur. « Avec du recul, c’est intéressant de voir que j’ai donné à ce film un titre qui se réfère à l’expérience du spectateur, celle de regarder », pense-t-il tout haut. « Je crois qu’il s’agissait avant tout d’être dans ces moments ». « Ces moments », ceux de ses personnages. Et une première signature, celle de donner au spectateur le sentiment d’espionner, d’entrer de manière privilégiée dans la vie de Vera Drake interprétée par son actrice fétiche Imelda Staunton ou de Mary de Another Year incarnée par Lesley Manville. « Capter le monde réel et le transmettre tel quel, le cinéma ne devrait être autrement ».

Le jeu de l’improvisation

Son esthétique ? Une absence d’esthétisme, une omniprésence du réalisme. Celui qui en un gros plan sur un visage, vous fait…. Et au centre de tout cela : « Le jeu de l’acteur, tout tourne autour du jeu de l’acteur ». Un « je pense, donc jeu suis » où l’improvisation est tout, où l’acteur se perd dans son personnage, metteur en scène de sa propre histoire, double fictionnel du réalisateur. « Dans Vera Drake, il y a une scène où toute la famille est réunie pour célébrer les futures noces de la fille de la famille. Puis, soudain, les flics débarquent pour arrêter la faiseuse d’anges. Eh bien, aucun des personnages de la famille ne savait que la police devait intervenir dans cette scène. Nous avions installés nos plateaux dans un hôpital désaffecté avec d’un côté la maison de Vera Drake et, à l’autre extrémité, un commissariat de police, chacun ignorant l’existence de l’autre. Imaginez la réaction des uns et des autres lorsque, en une scène, tous sont réunis » révèle Mike Leigh. « C’est ainsi que l’on obtient des moments de vérité, c’est ainsi que l’on peut créer un monde pour faire émerger des histoires. Des histoires que, moi-même je ne connais pas jusqu’au clap de fin ».

Voilà, Mike Leigh vient de répondre à la première question de sa Master Class. Mais au fait, quelle était cette première question ? C’est ça le génie de Mike Leigh : vous amenez dans son monde et vous faire oublier pourquoi et comment vous y êtes entré.