Comment un faux billet de 50 euros a permis d’annuler 300 euros de dettes dans un village du Poitou.

Publié le 22 décembre 2011 par Bernard Deson

La dame de Saint-Innocence Nous sommes à Sainte-Innocence,un bourg de cinq-cents habitants proche de Poitiers.  Une jeune femme d’apparence convenable débarque du TER de 13H46  et se rend à l'Hôtel de la Gare. Elle réserve une chambre pour la nuit et, comme elle n’a pas de bagages, elle laisse en acompte un billet de 50 euros, neuf. Puis, elle s’en va visiter la vieille ville. Le pâtissier qui a vu la scène dit au patron : « Ça fait 6 semaines que vous me devez 50 euros pour la pièce montée que j’ai livrée à l’occasion de la communion de votre fille ». Le patron lui donne le billet de bonne grâce. Comme cette scène a été vue par d’autres, elle se reproduit à cinq reprises car le pâtissier devait  50 euros au minotier lui même redevable de la même somme  au garagiste qui avait une ardoise de ce montant chez le boucher qui en profita pour régler les 50 euros qu'il avait promis au représentant de la maison Olida lequel à  son tour paya la chambre réservée pour la nuit à l’hôtel de la Gare. Ainsi, le patron de l'hôtel récupère en fin d'après-midi le billet  donné par la cliente. Notre dame revient de promenade. Elle annonce qu’elle annule sa réservation. Ce qui arrange l’hôtelier qui, entre temps, a reçu une demande d’un de ses vieux clients. L’hôtelier lui rend donc son billet qu’elle brûle aussitôt. « Il était faux », dit-elle en souriant. Ce faux billet a permis d’annuler 300 euros de dettes dans le village.

Pourquoi un faux billet a t-il été capable de catalyser autant d’échanges? Parce qu’un billet est de la monnaie fiduciaire (du latin fiducia = confiance). C’est donc exclusivement une « valeur de confiance » entre les membres d’une communauté. Dans un autre pays, il n’aurait pas été accepté. Un billet faux perd « sa valeur » seulement au moment où il se révèle faux et n’est plus accepté par celui qui le reçoit. C’est celui qui le détient en dernier qui en assume la perte. Dans cette histoire, il n’y a pas eu de perte sauf pour la dame de Saint-Innocence qui savait de toute façon qu’il était faux. En effet la Dame de Saint-Innocence, en réservant sa chambre, a accru de 50 euros la masse monétaire du village, ce qui a permis à 6 personnes d’éteindre leurs dettes. La « qualité » de la monnaie utilisée, bonne ou mauvaise, est indifférente. Seule compte la confiance accordée ou non.

Quelques rappels utiles pour les profanes:

1. Non, ce n’est pas l'épargne préalable d'un autre client que le banquier va prêter en prenant une commission au passage (l'intérêt).

2. Il y a une phrase que chaque banque devrait graver au-dessus de ses guichets : Ce ne sont pas les dépôts qui permettent les crédits, mais ce sont les crédits qui permettent les dépôts.

3. Il n'y a pas de « banque nationale ». La Banque Centrale Européenne est une émanation des Banques Centrales des états membres, ces Banques Centrales étant elles mêmes des "réunions" de banques privées.

4. L'article 104 du traité de Maastrisch interdit aux États et aux Collectivités de créer de la monnaie. Ce privilège échoit au système bancaire sous surveillance de la BCE dont le seul mandat des États est de limiter l'inflation.

Comment la monnaie crée-t-elle de la richesse simplement en circulant? Un déposant fait un dépôt initial de 1000€ dans la Banque A. Comme il faut un début dans cet exemple, on peut supposer que ce dépôt initial est issu de la Banque Centrale. De ce dépôt, la Banque A peut créer 900 € de crédit si les règles prudentielles limitent le crédit possible à 90% des dépôts. Ces 900 € de crédits serviront par exemple à payer un fournisseur qui va déposer son chèque dans une banque B. A son tour, la banque C pourra créer 90% de crédit à partir du dépôt de 810€, soit 729 €. Ces 729 € pourront être déposés à leur tour dans une autre banque, lui permettant de ce fait de créer 656€.Si l'on poursuit l'exemple avec 9 crédits en cascade, ceux ci permettront de créer 5513€ de monnaie secondaire et temporaire, productive d'intérêt pour le système bancaire, à partir d'un dépôt initial de 1000€ et sans qu’aucun de ces dépôts soient pour autant indisponibles. Et enfin… Ce multiplicateur de crédit nécessite au moins deux banques privées. C'est donc le système bancaire pris dans son ensemble qui est créateur de monnaie. Dans la réalité, c’est 6,5 fois plus de monnaie de crédit que de monnaie centrale, et les intérêts que l'ensemble des emprunteurs vont devoir payer au système bancaire ne pourront qu'être issus de nouveaux crédits proposés par ce même système bancaire, dans une spirale sans fin.

Sur le rôle de la BCE au sein de la zone euro : Depuis le Traité de Maastricht, « il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres, d'accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l'Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres[1] ». Mais est ce qu'une erreur doit être, pour autant, constitutionnalisée? Donc, puisque les Banques Centrales n'ont pas le droit de prêter de monnaie centrale aux Etats, ceux ci sont tenus de financer leurs déficits par des emprunts sur les marchés financiers. De ce fait, chacun des citoyens de nos pays doit payer un intérêt au système bancaire privé, pour l'usage de la propre monnaie que la Nation pourrait émettre elle-même sans intérêt.

Comment sont gérées les dettes collectives ? Maurice Allais[2] considère que « dans son essence la création de monnaie ex nihilo actuelle par le système bancaire est identique … à la création de monnaie par des faux monnayeurs. Concrètement elle aboutit aux mêmes résultats. La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents. » La monnaie à travers les transactions est échangée contre le travail ou le produit du travail que sont les marchandises. La boucle est bouclée. Or il faut savoir que la quantité de monnaie mise en circulation par l’Institut d’émission pour payer le travail est égale à zéro, et si la monnaie circule quand même, c’est parce que nous l’empruntons aux banques qui possèdent le droit de la créer par jeu d’écriture. La conséquence est que tant qu’elle circule, la monnaie reste due et donne lieu au paiement des intérêts. C’est l'augmentation de la masse monétaire qui nous permet de produire des équipements collectifs d'utilité publique en ayant donc pour seule contrepartie les emprunts émis auprès des banques privées, emprunts chargés d'intérêts conséquents... Dans une économie dite moderne la première étape d’un processus qui se présente comme une cascade de cause à effet est le travail. Sans lui, il ne se passerait rien, ce serait la mort de la civilisation et vraisemblablement celle de l’humanité. Le travail (1ere étape) engendre la production (2eme étape). Celle-ci doit nécessairement être échangée et apparaissent alors les transactions (3eme étape), qui nécessitent l’usage de la monnaie (4eme étape). Si l’emprunteur est l’Etat, il fait payer les intérêts par le contribuable, à travers les impôts directs ou indirects. Si l’emprunteur est une entreprise, elle fait payer les intérêts par le consommateur en alourdissant les prix. Si elle n’y parvient pas il ne lui reste qu’à déposer son bilan.

Une politique d’austérité a-t-elle la moindre chance de réussir en 2012?Thomas Edison écrivait  il y a un siècle déjà : « Il est absurde de dire que notre pays peut émettre des millions en obligations, et pas des millions en monnaie. Les deux sont des promesses de payer, mais l'un engraisse les usuriers, et l'autre aiderait le peuple. Si l'argent émis par le gouvernement n'était pas bon, alors, les obligations ne seraient pas bonnes non plus. C'est une situation terrible lorsque le gouvernement, pour augmenter la richesse nationale, doit s'endetter et se soumettre à payer des intérêts ruineux. » Si l’emprunteur est un particulier, il paie les intérêts deux fois. Une première fois en participant comme tout le monde au paiement des intérêts dus par l’Etat et les entreprises et une seconde fois à l’échéance en payant les intérêts de son propre emprunt. Nous le voyons, personne ne peut échapper au paiement des intérêts. En juin 2011, la dette de l’Etat français s’élevait à 1646 milliards d’euros. A la même date, l’endettement des ménages représentait 77% de leur revenu disponible. La monnaie ne pouvant être obtenue que par l’emprunt, il paraît contreproductif de vouloir résorber la dette par des économies car même si nous réduisions nos dépenses à zéro, nous serions tous morts et notre dette ne serait remboursée qu’à hauteur de 25%.



[1] Traité de Maastrisch, Article III-181.

[2] Prix Nobel d’Economie