Droneavion : suite

Publié le 25 décembre 2011 par Egea

Le débat lancé l'autre jour a été repris ailleurs : par l'hérétique, qui s'interroge non seulement sur la question stratégique, mais aussi sur la question politique (quelle décision) et celle de la BITD. En plus il l'a crosspublié sur le site de Marianne, d'où un afflux de connexions, et plein de commentaires (sur Marianne, et sur l'Hérétique) : j'en extrais quelques uns qui nourrissent notre réflexion. Je passe sur les passages désagréables de ceux qui m'expliquent que je n'ai rien compris, et qui parfois m'affublent de noms d'oiseaux. Désolé de vous infliger mon incertitude par rapport à vos certitudes.

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(nb : le lecteur attentif aura remarqué que l'inaugure une nouvlle catégorie "drone et robot" avec ce billet : et puisqu'on parle de robot, j'incite vivement à lire la série d'articles du général Yakovleff sur le sujet (N° nov, déc et janvier de la RDN) : ce qu'il y dit (notamment la répartition senseur, effecteur, logistique) me semble adaptée à notre réflexion sur les drones).

Tout d'abord, merci à l'hérétique de poursuivre le débat. Je suis comme lui, circonspect et sans opinion formée. Mais je trouve intéressant qu'on s'intéresse à ce qui se passe : il y a en effet des questions stratégiques (quel choix aujourd'hui, mais aussi pour demain : prendre les exemples d'aujourd'hui ne suffisent pas à répondre aux besoins de demain, et il est bon de réfléchir, et de ne pas avoir trop de certitudes). Il y a également des questions industrielles et économiques. Il y a enfin des questions éthiques que peu de commentateurs ont soulevées.

Je n'ai pas de réponses, mais poser des questions, même saugrenues, est utile. Et vos réponses et commentaires (même les plus assurés !!!!!) le sont également.

Comments Marianne (sélection) :

  • Alain M : Il ne faut pas enterrer trop tôt l'avion piloté. Fin des années 50, début des années 60, il a avait été évalué que le futur étaient aux missiles et plsu aux combats tournoyants (corps à corps), si bien que les nouveaux avions occidentaux étaient dépourvus de canons. Les guerres du Moyen Orient et du Vietnam ont bien vite démontré l'erreur de cette conception et il a fallu en urgence revenir aux canons. Les drones resteront vulnérables ne fut ce que parce que le pilote a plus l'impression d'un jeu video que d'un combat et n'est plus capable d'évaluer correctement la menace. de plus cela a un autre effet pervers, on tire beaucoup trop vite car les cibles aussi ne sotn plus que des éléments du jeu video. Les drones ont leurs places mais si il n'est pas possible d'en faire des développements nationaux c'est bien parce que les besoins sont nettement inférieurs à ceux des avions de combat
  • Abs Salam : les drôles servent à remplir un certains type de missions... et non à remplacer les avions de combats. Un avion de combat ne sert jamais à rien en temps de paix... c'est pas une raison pour en conclure que les avions de combats sont dépassés et appartiennent à une époque révolue !
  • Dominique Lelièvre : Évidemment, tant qu'on se limite à des guerres asymétriques (chevaliers blancs contre pouilleux infidèles) on n'a besoin que d'arrosoirs à bombinettes et de caméras de guidage de missiles. Sans trop s'occuper de précision, dans la grande tradition US: les pouilleux sont bien contents d'être libérés, ils peuvent bien subir quelques pertes. Allez, en avant les drones (aériens, maritimes et terrestres, on y vient). Mais se dépouiller de l'arme de contrôle du ciel que représente un avion de combat au top (un avion de combat de seconde catégorie c'est du fric foutu en l'air), et en laisser le monopole aux empires agressifs qui n'ont pas le moins du monde disparu, bravo! Maginot pas mort!
  • JL Marguerin : drones européens: il faut d'abord maitriser le maping,la géolocalisation GPS (tributaire certainement de l'armée US )ou Galiléo dont on en parle plus beaucoup (est-il tombé dans l'oubli) et puis l'informatique embarquée ,de ce côté,la France en particulier et l'Europe ont du laisser tomber depuis longtemps. l'abandon de certains secteurs industriels a été catastrophique comme l'informatique, l'informatique industrielle et le control commande dans les centrales nucléaires,par exemple
  • Michael SPecht : C'est une drone de guerre. Dassault propose de longue date le démonstrateur NeuroN développé conjointement avec quelques Européens. Mais les participants Européens traînant les pieds, la France se retrouve également freinée dans sa demande d'un drone performant, surtout qu'il y a plusieurs type de drones selon les missions. Mais il serait faux de croire que la France reste en retrait ! Elle propose déjà des drones de qualité pour des missions spécifiques, comme le Sperwer de Sagem, le Vigilant de Thales (observation) est aussi en opération. Comme d'habitude, le petit suédois Saab propose déjà le sien (Skeldar), aux capacités certes limitées par rapport à l'énorme Global Hawk américain, mais qui peut déjà faire du travail d'observation, de coordination et de ciblage sur un champ de bataille, exactement comme son Gripen. Et pendant que tout le monde réfléchit, Saab vend (des Gripen à la Suisse, l'Afrique du sud, etc.). Habitués à l'Otan et son matériel américain, on comprend que nombre de pays européens rechignent à investir eux-mêmes dans l'ingénierie du drone. La Bundeswehr se contente encore très volontiers d'un armement américain, les Italiens s'en fichent, les Espagnols ont d'autres chats à fouetter, etc. Il est en revanche intéressant de constater avec quel zèle chacun défend son industrie du char, outil qui n'a plus beaucoup servi de nos jours, excepté en Irak. Alors qu'un drone semble déjà être l'arme fatale de demain.

Comments sur "l’hérétique" (sélection) :

  • JF : Oh là! Il y a ma semble t-il beaucoup de "coquilles" techniques dans ton billet. Alors, remettons les choses à leurs places. 1/ Les bombes guidées laser ainsi que les missiles "intelligents" (c'est à dire ceux à "tête chercheuse", pour parler dans le langage enfantin de certains dessins animés), c'est maîtrisé depuis très longtemps par la France. Depuis environ 30 ans, voire bien plus (je ne tiens pas les archives des armements français) pour les bombes guidées laser, depuis plus de 15 ans pour ce qui concerne les missiles air-air à guidage dit "auto-actif", depuis 2002 ou 2003 pour les missiles de croisière Scalp EG, à guidage terminal autonome. Et les dates dont je parle (en me trompant probablement d'ailleurs, mais comme j'ai pris une fourchette large, j'ai fait traîner les dates...), sont celles de mise en service opérationnel dans notre propre armée de l'air. 2/ Au delà, il y a le problème des drones. Il existe deux types de drones: les drones de renseignement et les drones d'attaque. 3/ Au niveau renseignement, les Européens sont à la pointe, via EADS qui possède une filiale spécialisée dans les drones. 4/ Les drones d'attaque (qui ressemblent à des avions de combat mais sans pilote) ont toujours été un fleuron américain. Peut-être qu'Israël, via la société IAI, a fait des progrès en ce domaine. Personnellement, je n'en sais trop rien. 5/ C'est d'ailleurs avec IAI que Dassault a conclu un partenariat dans le domaine des drones. Des drones qui ressemblent effectivement de plus en plus à des avions de combat... 6/ Mais la comparaison s'arrête là. Tout comme pardonne-moi de te le dire, la crédibilité de ton billet s'arrête là. Un drone d'attaque, c'est aujourd'hui un missile de croisière évolué, qui peut rester en stationnaire, en attendant de fondre sur sa cible. Un avion de combat, c'est quand même toute autre chose...Pour le moment du moins, après on verra.
  • JF (Suite) : Pour autant, après avoir travaillé personnellement - et de très près - sur un projet de drone franco-allemand, le BREVEL, et après avoir vu son échec du fait de dissensions franco-allemandes, je dois bien admettre que l'Europe est nulle! Car incapable de se mettre d'accord sur quoi que ce soit. C'est bien le problème des coopérations franco- je ne sais pas quoi. Au niveau de la défense, quand c'est franco-allemand, ça merde systématiquement, et soyons clairs, ça merde du fait de l'Allemagne (Apache MAW, Brevel, Crismas, etc, autant d'échecs que j'ai vécus). Quand c'est franco-britannique, ça marche, mais dans la douleur, parfois même dans la douleur extrême. Mais ça marche! Querelles d'egos, querelles de priorités... Sur au moins le premier point (celui des egos), je suis prêt à parier que les ingénieurs de chez Dassault (qui se croient les maitres du monde) vont beaucoup "s'amuser" avec ceux d'IAI. Pourtant, objectivement, toutes les compétences sont là pour réussir.
  • I4U : Les exemples les plus récents (F35, EF) semblent indiquer que la coopération n'est pas la panacée: complexité ingérable pour satisfaire les besoins des bénéficiaires, volonté de retour industriel qui ajoutent à la complexité industrielle du projet, moindre réactivité et capacité d'adaptation pour répondre aux modifications des besoins, perte de contrôle de la part des nations minoritaires dans le programme (le cas échéant). Une nation capable (une volonté politique déterminée et constante, des compétences scientifiques et industrielles au niveau) a sans doute plus de chance pour aboutir à un produit satisfaisant à un prix acceptable. Dans le projet nEUROn (à ma connaissance, premier drône de combat européen), la France essaye de prendre le rôle dominant, mais il s'agit seulement d'un démonstrateur, pas d'un programme complet.
  • tschok : Vous posez la problématique du drone par rapport à celle de l'avion, comme si c'était naturel et que c'était la seule façon de penser la chose. Or, il faut comprendre que c'est déjà un choix doctrinal, voire dogmatique, de poser le problème ainsi car en pratique, le drone n'a pas fait son apparition sur le champ de bataille en concurrence avec l'avion, mais en complémentarité de l'avion. En clair, le drone peut aussi être pensé comme un concept autonome, différent de l'avion piloté, même s'il est possible qu'à l'avenir les deux concepts se rejoignent: un jour viendra peut être où on mettra un homme dans un drone, un jour viendra peut être où on ne mettra plus d'homme dans un avion. Le drone, c'est déjà une vieille histoire. Les premières pages de son emploi opérationnel intensif ont été écrites au Vietnam. (http://www.cieldegloire.com/batailles_vietnam_drones.php). En gros on a droné deux fonctionnalités propres de l'avion piloté: l'attaque et la reconnaissance. Mais on a également droné deux autres fonctionnalités qui ne sont pas propres à l'avion: le leurrage et la guerre électronique. Une troisième fonctionnalité a également été dronée: l'entrainement au tir (drone cible, drone tracteur de cible, drone vecteur de cible). Même si le dronage se concentre actuellement sur les deux fonctionnalités de reconnaissance et d'attaque, cela ne signifie pas pour autant que le potentiel des fonctionnalités qui peuvent être dronées est pour autant épuisé. La surveillance maritime (police des mer), le soutien logistique, le secours en mer ou sur terre, l'alerte avancée (imaginez un AWACS qui serait en fait un drone) sont des fonctionnalités qui sont potentiellement dronables. On réfléchit aussi à des drones vecteurs de moyens qui agiraient en meute et accompagneraient l'avion piloté pour lui fournir du carburant, porter les missiles à sa place, leurrer l'adversaire aller renifler ses radars, etc (un Rafale, par exemple, agirait au sein d'une meute de Neuron, organisée comme le sont les poissons pilotes autour du requin, ce qui élargirait la panoplie des moyens dont il peut disposer). Vous voyez donc bien que loin d'opposer les deux concepts, on peut les combiner. Quel est l'enjeu? Il y a en au moins un qui est facilement identifiable: pour un pays comme la France, actuellement, le drone est un produit de haute technologie mais de petite série, d'où prix prohibitif et en conséquence nécessité d'alliance avec des partenaires étrangers pour mutualiser les coûts. C'est la pire des configurations industrielles possibles. L'idée est donc de droner le maximum de fonctionnalités pour allonger les séries à partir d'une cellule de drone suffisamment polyvalente pour assumer des missions variées. En somme, appliquer le concept du Rafale au drone. Cette stratégie est-elle engagée en France? Clairement, non. Y-a-t-il le potentiel pour cela? Clairement, oui. Pourquoi on ne le fait pas? Parce que les technologies ne sont pas matures et qu'on ne sait pas quel genre de drones concevoir pour quel genre de guerre future. La guerre du passé on sait la gagner, donc on fait les drones qui correspondent à ces guerres là, par reproduction des comportements. Mais la guerre du futur, on ne sait pas ce que c'est. Moralité de l'histoire, l'avenir du drone est suspendu à une réflexion doctrinale sur la guerre. En France, cette réflexion s'est amorcée. Il ne reste plus qu'à attendre qu'elle porte ses fruits.

Merci à tschok pour son dernier commentaire, qui me semble bien conclure le débat et ouvrir les bonnes perspectives.

O. Kempf