Urbanisme à Handan - Une ville en pleine expansion

Publié le 27 décembre 2011 par Neoyak

La Chine est un eldorado pour les urbanistes en mal de grands espaces à conquérir.

Cette vérité assénée peut paraître creuse - il n'en est rien. Nous sommes allés récemment au hall de l'urbanisme de Handan (邯郸规划馆) - ou exposition du planning de la ville - pour avoir un aperçu des projets passés et futurs concernant l'expansion de notre chère ville adoptive. Le niveau de planification est édifiant.

Handan a vécu plusieurs périodes de développement depuis les années 50. Après le plan 2000-2010, nous sommes maintenant entrés dans le plan 2010-2020. La photo ci-dessous prise dans le grand hall de l'exposition montre une vue d'oiseau en 3D de la ville de Handan telle qu'elle sera en 2020.

Toute la partie à droite (est) de l'axe autoroute-TGV représenté par la ligne rouge est actuellement COMPLETEMENT VIDE. Il n'y a rien, ou plutôt si : il y a des champs et des villages. C'est d'ailleurs de là qu'est prise la photo qui orne l'en-tête de ce blog : c'est bien la campagne autour de Handan. Il en est de même pour toute la zone au nord, et en fait aussi pour certaines parties du centre ville même, où il subsiste encore quelques "villages dans la ville".

Le nouvel axe de développement pour 2010-2020 est extrêmement clair : cap vers l'est ! Le planning prévoit un doublement de la population en 10 ans, pour atteindre 2 millions de citadins partant du million actuel. Le planning 2000-2010 prévoyait le passage de 500 000 à 1 million, ce qui a été fait. En fait, la zone même où nous habitons actuellement ne figurait pas au plan 2000-2010 et a été ajoutée plus récemment, dans le cadre du "Grand Renouveau en 3 ans - 邯郸三年大变样". Et pour ce qui est de la population, on peut estimer qu'il y a de la marge car la population du département dont Handan est la préfecture regroupe 10 millions d'habitants, encore ruraux pour la majorité. L'urbanisation est galopante, c'est le moins que l'on puisse dire.

Et pour rester dans le vocabulaire fermier, une remarque plus légère : pour éviter que les paysans des environs n'arrivent en ville avec leurs gros sabots, d'autant plus que le quartier où nous habitons, qui sera très vite le plus moderne de tout Handan, n'est qu'à quelques centaines de mètres des champs, on trouve les panneaux ci-contre à l'entrée est de la ville.

Il faut dire que le passage de la campagne à la ville est pour le moins abrupt. J'adore en particulier le pont surplombant l'autoroute Pékin-Hainan traversant la ville (traversant la ville de 2020, pour l'instant elle est complètement à l'extérieur...) du nord au sud : on quitte vraiment les champs et les villages pour plonger dans une mer de gratte-ciels et de constructions modernes et flamboyantes. L'impression que cela fait est assez surréaliste : un changement de siècle en quelques mètres.

L'art de la planification chinoise est-il hérité des empereurs ou du communisme des années 50-60 ? Je ne saurais trancher la question, tant il est vrai que les empereurs ont par le passé été maintes fois capables de créer des villes immenses ex-nihilo : Pékin en est d'ailleurs un magnifique exemple, et comment imaginerait-on autrement une capitale historique dont les 4 km² du plein centre ville sont un immense palais et l'ensemble de la ville parfaitement quadrillé, si tout cela n'avait pas été planifié à l'avance et construit à partir de rien en suivant scrupuleusement des plans savamment établis ? En même temps, les plans quinquennaux toujours en vigueur en Chine Populaire sont plus à mettre au compte de la tradition communiste - même si nous avons nous-mêmes eu en France un Commissariat au Plan chargé des grands travaux durant les années du gaullisme.

L'art de la planification chinoise étant donc ce qu'il est, la logique veut - et c'est ce qui confère à la Chine un avantage indéniable sur l'Inde, au passage - que l'on commence par les infrastructures de transport. Routes, ponts, trains et autoroutes avant quoi que ce soit d'autres. Des mauvaises langues diront cette politique de colossaux investissements dans les infrastructures, parfois/souvent prématurés ne sert qu'à gonfler le PIB chinois et à occuper les masses laborieuses.

Il y a sans doute une part de vérité là-dedans, mais avec encore moins de doute beaucoup d'envie en voyant des milliers de kilomètres de TGV émerger en quelques années; et puis c'est la logique même que de mettre d'abord en place un réseau efficace de transports.

Voici donc ci-contre la limite de la ville, vue sous l'angle du "bout de la route", extrémité se déplaçant bien sûr jour après jour. Une véritable politique de la frontière, où l'enjeu est ici aussi d'étendre les frontières de la civilisation vers les campagnes avoisinantes, et ceci simultanément dans des dizaines ou des centaines de villes chinoises en développement.

Je pèse ici mes mots, et il ne faut pas se méprendre : les campagnes chinoises sont dans un réel état de sous-développement marqué comparé aux villes. Et parmi les villes, celles dites de "troisième catégorie" (comme Handan) sont également notablement sous-développées comparées aux métropoles comme Pékin, Shanghai ou Shenzhen (première catégorie), ou même aux capitales de province (seconde catégorie). Les habitants des campagnes gagnent un millier ou moins de yuans par mois - moins au fur et à mesure que l'on s'éloigne des villes, vivent sans chauffage dans de vieilles maisons en briques, et partent souvent chercher du travail très loin de chez eux - les "ouvriers migrants". La situation n'est pas forcément rose dans les villes, mais déjà bien préférable à celles des campagnes. Imaginer les campagnes chinoises comme de bucoliques prairies verdoyantes où des paysans vivent bien chauffés, reliés à l'eau courante et à l'ADSL, est une immense erreur. L'amélioration du niveau de vie moyen en Chine passe nécessairement par l'urbanisation massive de la population rurale, ce à quoi s'emploient - entres autres... - toutes les villes de Chine. Je ne reviendrai pas dans cet article sur les autres problèmes que cela pose, en particulier concernant l'immobilier.

L'on commence donc par construire des routes dans ce nouvel ensemble - après la destruction préalable des villages existants. Le résultat peut parfois être un peu oppressant, ainsi ces immenses avenues s'étendant à perte de vue dans ce qui sera prochainement la nouvelle zone de développement industrielle au nord-est de la ville.

Je m'y suis promené à vélo : tout seul sur une 4x4 voies par vent de face, dur dur ! Les routes sont là, les arbres sont plantés, ne manquent que les usines. On imagine aisément les risques en cas de retournement de la situation économique, ou plus simplement en cas d'erreurs de planning. Cela a conduit à des villes fantômes, comme Ordos en Mongolie Intérieure par exemple. Ce n'est évidemment pas ce que je souhaite à Handan, d'autant plus qu'habitant moi-même dans une zone nouvelle, j'aimerais bien que le taux de remplissage des appartements environnants commence à dépasser les 30% pour amener un peu d'animation !

Une promenade sur les berges de la rivière, pour les riverains de 2020

Je termine par une note positive : les habitants des environs sont jusqu'à présent relativement optimistes et enthousiastes quant aux années à venir. Ainsi cette sympathique famille vivant dans un village à 200m au sud de chez nous (là où on voit des grandes tours sur la première image de l'article), qui tient un restaurant de spécialités du Hubei (la région d'origine de Lina) : ils nous ont choyés toute une soirée, insistant pour ne rien nous faire payer alors même que les difficultés de leur commerce les poussaient à fermer le restaurant le lendemain de notre passage. Merci encore pour leur chaleureux accueil !