Souhait pour 2012: un bon petit défaut ?

Publié le 27 décembre 2011 par Vonric Vonric

Écroulement du communisme en 1989, crise du capitalisme en 2007. En tous cas la finance a fait le plongeon avec l'affaire des subprimes. Cette crise a entrainé une violente récession : la contraction du crédit, l'explosion du chômage, l'envolée des déficits et des dettes, et les plans d’austérités.

Les banques sauvées par les contribuables, eux-mêmes plongés dans la crise

Les banques ont pu être sauvées, aux frais du contribuable (mais avait-on un autre choix ? Comme le rappelle l'économiste Frédéric Lordon sur France Inter "la ruine complète du système bancaire c'est le retour au jardin potager en 5 jours. Le système bancaire est de fait le conservateur des encaisses monétaires du public et le conservateur de l’intégrité du système des paiements. Or avec des banques en ruine, impossible de payer en carte bleue, impossible de payer par chèque, impossible de retirer du liquide au distributeur. Il reste le liquide que chacun a en poche !" ).

Petit rappel: en septembre-octobre 2008, c'est la contagion en Europe: un certain nombre de banques européennes sont au bord de la faillite et sauvées in-extremis par les Etats (surtout en Grande Bretagne, Belgique, Allemagne...). En France l'Etat prête aux banques à 8%, se félicitant au passage de l'opération, sans dire que en même temps, les banques, pour rembourser l'Etat par anticipation, ont emprunté à la Réserve Fédérale américaine à 0.25% ou même 0,01% et à la BCE à 1%. Une très bonne opération pour elles donc.
Par ailleurs, les Etats européens ont injecté au capital ~450 milliards d'euros. Mais comme ceux ci n'ont pas l'argent, ils ont donc émis des emprunts publics pour le financer, tout en demandant aux banques sauvées de les acheter. On a ainsi récemment appris que la Réserve Fédérale américaine a prêté près de .... 7 mille milliards à des taux proches de 0 (0.01% en décembre 2008 ) ; les banques françaises s'en sont servies pour acheter de la dette des Etats payant des taux de 3%. Gros bénéfice pour ces établissements financiers qui ont distribué de bons bonus à leurs traders ... pour avoir eu l'intelligence d'accepter cette manne gratuite !

Les malades retapés se vengent sur les docteurs

Les banques retapées, estimant avoir remboursé les prêts accordés par les Etats, se sont alors tournées vers les pauvres Etats épuisés en disant : hou là là, vous êtes très mal au point, c'est pas bon du tout (la dette britannique est passée de 40% à 80% du PIB en 4 ans).

Ainsi les politiques ont plié sous les désirs du dieu Finance (ou du moins ce qu'ils croient que les marchés souhaitent, car au final on n'en sait trop rien). On se trouve donc actuellement avec des plans d'austérité qui n'ont, selon Frédéric Lordon, strictement aucun chance d'aboutir aux objectifs qu'ils se sont donnés.

Pour qu'un pays comme la Grèce puisse se sortir de sa grave situation d'endettement, il y a uniquement 3 possibilités :

  1. dévaluer (impossible car Euro)
  2. baisser les taux directeurs (impossibles car ils sont déjà très bas)
  3. augmenter ses exportations, et donc que les pays autour fassent de la croissance (on est plutôt tous en récession).

Or la méthode appliquée en Grèce est tellement violente que les recettes fiscales se contractent plus vite qu'on ne réduit les dépenses et donc les dettes continuent d'augmenter (le mois dernier encore on a vu que le déficit budgétaire grec a continué a se creuser en novembre, à 20,5 milliards d'euros, en hausse de 5% par rapport au déficit cumulé des onze premiers mois de 2010, en dépit de la politique de rigueur suivie par le pays surendetté ). Solution? On en remet une couche encore plus dure... on peut prolonger la série, la Grèce ne pourra jamais rembourser.
Il se passera donc ce qui est déjà annoncé: la Grèce fera défaut.

Et pourquoi pas faire défaut?

Argh, le mot horrible. Naaan surtout pas ça ! Jean-Michel Six, le représentant de Standard&Poors en France prévient: regardez ce qui s'est passé en Argentine ; cela veut dire se couper des marchés financiers pendant 10 ou même 15 ans ! Pourtant, l’Argentine est souvent montrée en exemple.

Anne-Sophie Jacques a écrit un article très complet sur @SI. Elle se base sur les écrits d'un économiste et prof à l’Université de Pau pour expliquer que 

"le défaut raisonné est une hypothèse loin d’être idiote, et surtout, chose nouvelle, qu'elle peut se décider unilatéralement par les Etats (une sorte de bras d'honneur fait aux banques) : "A quelles conditions un Etat peut-il se passer de ses créanciers, s’il accepte l’idée de ne pas les rembourser ni leur payer d’intérêts sur les sommes empruntées ? Réponse : dès lors que ses recettes couvrent ses dépenses… hors remboursement de la dette et paiement des intérêts, donc à condition que le solde primaire des finances publiques soit nul ou positif, c'est-à-dire à partir du moment où il n’aurait besoin d’emprunter que pour honorer le service de sa dette.""

Cet économiste publie des tableaux comparatifs montrant que

""La zone Euro est structurellement excédentaire avant service de la dette et a été conjoncturellement déficitaire, globalement elle n’emprunte pas pour financer ses dépenses courantes." Conclusion de l’économiste : "On retiendra donc de ces tableaux qu’en termes de budget primaire l’Europe est beaucoup plus vertueuse que le Japon, la Grande Bretagne et les Etats-Unis. C’est dire que tout le ramdam qui est fait actuellement autour de la dette européenne est largement une mayonnaise montée de toutes pièces par des apprentis sorciers anglo-saxons, pour tenter de canaliser les flux financiers mondiaux vers leur propre endettement… pourtant beaucoup plus problématique : apprentis sorciers au sens où ils déclenchent une foudre qui finira probablement par s’abattre sur eux au vu de leur situation budgétaire authentiquement catastrophique.""

Mais le défaut a surtout une autre conséquence : chez ceux qui possèdent la dette, à savoir les assurances vie, banques et fonds de pension anglo-saxon (les retraites des britanniques... aie ma retraite aussi ! ) et globalement des investisseurs non résidents. Bien que personne ne sache actuellement (n'en déplaise à JM Six, l'agence France Trésor (AFT) ne peut pas identifier précisément les détenteurs de la dette française) qui possède la dette on peut savoir ou partent les intérêts, et donc on estime a 70% la part de la dette française détenue par des non-résidents. Comme par ailleurs on estime que 70% de la dette est détenue par 10% des ménages les plus riches, l'impacte ne serait pas vraiment dramatique pour monsieur tout-le-monde. Et l'Etat pourrait mettre en place un mécanisme de minimum garantit des retraites si besoin.

Où le défaut nous ramène à la crise bancaire

Mais le problème est que si demain on a un défaut généralisé (ou même un défaut de quelques "gros" Etats européens) cela entrainera immédiatement une seconde crise bancaire (contagion suite à un défaut grec par exemple). Mais cette fois ci, il ne faudra plus compter sur les Etats qui croulent déjà sous les dettes. Seule la banque centrale peut le faire. Et actuellement la banque centrale (sous la pression allemande notamment) ne le veut pas. Or sans système bancaire, on retourne au potager (voir plus haut).

Donc il faut qu'une banque centrale (de l'Union Européenne, ou d'un groupe d'Etats si celle ci ne le veut pas) vienne retaper les banques mais cette fois ci moyennant une refonte complète et radicale de toutes les structures bancaires et financières.

PS: au sujet du cadeau de Noël de la BCE de 489 milliards d'euros sous forme de prêts à taux d’ami, c’est-à-dire 1% sur 3 ans, cela rappellera les 700 milliards de dollars (environ 500 milliards d'euros) d'aides du plan Paulson de 2008. Mais cela jette aussi une lumière encore plus intéressante sur la révélation de Bloomberg au début du mois: entre 2007 et 2009, la banque centrale américaine, la Réserve fédérale, a mis sur la table... onze fois plus (7 770 milliards de dollars - "7,77 trillion", en anglais), pour sauver les banques de la faillite en leur prêtant de l'argent au taux de... 0.01%. En toute opacité, et sans que le Congres  ne soit mis au courant (il a fallu que Bloomberg, associée à Fox news, poursuive en justice la Fed et Clearing House, une association de lobbying des banques, pour obtenir la publication des comptes détaillés). A lire en détail sur le site d’Arrêt su Images

Comme dit Anne Roumanoff: On ne nous dit pas tout !

PPS: Et si malgré tout vous pensez qu'on va finir pas s'en sortir grâce aux politiques menées, écoutez les commentaires d'Olivier Delamarche
 

Je conseille vivement les émissions de Daniel Mermet sur France Inter, Là bas s'y j'y suis, du lundi au vendredi de 15h à 16h, et notamment celles dont j'ai repris les passages pour l'écriture de ce billet :
http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=2267
http://www.la-bas.org/article.php3?id_article=2326