Nicole Bricq (Ps) : «Les étrangleurs des classes moyennes, c’est en face !»

Publié le 31 décembre 2011 par Letombe

(Nicole Bricq - Capture d'écran Dailymotion - Senat - cc)

La suppression pure et simple de la taxe sur les loyers abusifs des micro-logements par la majorité de gauche au Sénat fait débat. Nicole Bricq, sénatrice PS, rapporteuse générale de la commission des finances, défend cette décision. Interview.

Selon l'UMP, le budget alternatif que vous avez défendu au Sénat matraque les classes moyennes. S'il était adopté, combien de contribuables paieraient davantage d’impôt et lesquels ?
La droite fait diversion. Elle refuse de solder les comptes du TEPA, en sanctuarisant notamment les droits de succession qui profitent aux plus riches. En revanche, son augmentation de TVA frappe tout le monde, y compris ceux d’en bas. S’il est exact que le taux restera à 5,5 % pour les produits alimentaires et les appareils destinés aux handicapés, il augmentera dans des secteurs aussi sensibles que les logements sociaux ou les services à la personne. Le gel du barème de l’impôt sur le revenu pénalisera tous ceux qui acquittent aujourd’hui cet impôt, et rendra imposables des contribuables qui ne l’étaient pas. Sans compter que l’entrée dans le barème de l’impôt sur le revenu fera perdre à certaines personnes âgées le bénéfice de dégrèvements de taxe d’habitation et de taxe foncière.
Si l’ensemble de ce que j’ai proposé était adopté, seules les couches supérieures seraient mises à contribution. Le retour à l’ancien barème de l’ISF serait supporté par définition par les 500 000 contribuables qui payaient cet impôt jusqu’en juillet 2010. La création d’une tranche marginale d’impôt sur le revenu à 45 % au-delà de 100 000 euros par part rapporterait 500 millions d’euros, acquittés par 300 000 contribuables. Je rappelle que près de 20 millions de foyers fiscaux sont imposables à l’IR. Quant au retour aux droits sur les successions et les donations d’avant la loi TEPA (à l’exception des conjoints survivants, qui resteraient exonérés), cela aboutit à imposer un quart des successions au lieu de 5 %. Cela signifie que les trois quarts des successions resteraient exonérées. Et celles qui seraient taxées ne le seraient pas de manière confiscatoire.
Si ce contre-budget préfigure la politique fiscale d'un président socialiste, quelles sont les injustices les plus criantes, favorables à certains contribuables, défavorables à d'autres, que vous corrigeriez ?
L’autre chemin que je propose, qui tient compte de la crise des finances publiques, consiste à faire rentrer tout le monde dans l’impôt progressif. Les contribuables bien conseillés, qui profitent des prélèvements libératoires (capital et travail), seront moins favorisés. Ainsi, seuls une vingtaine de milliers de foyers sont avantagés par le prélèvement libératoire sur les dividendes, dont je propose la suppression dès à présent. Plus largement, d'après les propres chiffres de Bercy repris dans mon rapport sur le collectif budgétaire, la soumission au barème de l'IR de tous les revenus du capital ferait 2,4 millions de perdants dans les tranches supérieures, et 5,7 millions de gagnants, des petits épargnants, le tout rapportant 1,6 milliard d'euros par an à l'Etat. Ces chiffres illustrent d'ailleurs bien la concentration du capital et des revenus patrimoniaux. Le plafonnement les niches à 10 000 euros sans part variable sur le revenu ne toucherait que 32 500 contribuables, mais rapporterait 245 millions d’euros. Encore une fois, on est loin d’une fiscalisation renforcée des classes moyennes.
Au contraire, les classes moyennes et populaires seraient gagnantes. Par exemple, nous sommes revenus sur la hausse des droits de partage, décidée en juillet et qui revient à faire financer l’allègement de l’ISF par ceux qui divorcent, quel que soit leur niveau de revenu. Nous avons indexé le barème de la prime pour l’emploi. Nous avons ciblé le bénéfice du prêt à taux zéro pour l’acquisition de son logement sur les revenus inférieurs à 64 000 euros par an. Nous avons relevé les taux et le plafond du crédit d’impôt pour aider à financer les travaux dans les logements classés en zone Seveso. Bref, nous avons multiplié les mesures susceptibles de faciliter la vie de ceux qui n’ont pas des revenus élevés.

Propos recueillis par Daniel Bernard | Samedi 31 Décembre

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