Arcadia - Tom Stoppard

Publié le 05 janvier 2012 par Filipa

Pourquoi cette pièce ? Pour une raison simple et triviale : je suis tombée dessus à la Média et Tom Riley avait joué Septimus dans la pièce qui avait été montée à Broadway l'année dernière.

Titre : Arcadia
Auteur : Tom Stoppard
Edition : Actes Sud, adaptation française de Jean-Marie Besset

Résumé : "Qu'est-ce qu'une étreinte charnelle, Septimus ?" C'est une lady Thomasina Coverly de treize ans qui pose cette question à son précepteur dans une propriété du Derbyshire en avril 1809. Dans la scène suivante, de nos jours, un universitaire quadragénaire entre dans la même pièce : il fait une recherche sur un poète ayant séjourné dans la propriété au début du XIXème siècle.  Et derrière cette énigme, cette autre : pourquoi Byron a-t-il subitement quitté l'Angleterre en 1809 ? Quel scandale est arrivé à Sidley Park ? (...)

Pendant ma lecture je n'ai cessé de regretter deux choses : le fait de ne l'avoir découverte que maintenant et que la pièce n'ait pas été montée à Londres plutôt que New-York (car alors je serais allée la voir et l'aurait découverte plus tôt)

Dans Arcadia, deux époques se mêlent : l'année 1809 et le présent (on va dire 1993, année à laquelle a été montée la pièce), et chaque scène alterne entre l'une ou l'autre époque, parfois même mélange les deux dans un jeu de miroirs absolument magique où les personnages de 1993 ont une conversation avec ceux de 1809 (acte II, scène 7), où les personnages de 1809 écrivent ce que ceux de 1993 lisent au même moment, où l'on boit en 1993 l'eau versée dans un verre en 1809... 

Le ton est tellement vivant et plaisant, et les faits s'enchaînent si bien qu'on a l'impression de lire un roman. Sur le papier c'est fantastique, je n'ose imaginer ce que ça donnerait sur scène !

(1809 au premier plan. 1993 au second plan)

Tout l'intérêt et la force de la pièce réside dans ce mélange des époques : les questions que se posent les héros du présents dans une scène trouvent leur réponse dans les actions des héros du passé dans la pièce suivante. C'est d'ailleurs très drôle de voir les héros du présent se lancer dans des théories farfelues qui sont totalement démontées à la réplique suivante par un héros du passé.

Voilà d'ailleurs un autre point fort de la pièce : son ton comique. Les personnages (surtout du passé) prennent tout au pied de la lettre, jouent avec les mots, ironisent, se moquent, nous font lire entre les lignes... J'aime autant les personnages du présent que ceux du passé, mais j'avoue tout de même une préférence pour ceux du passé. Surtout Septimus et Lady Gray !

(Quand passé et présent se mêlent autour d'une même table...)

J'aime tout particulièrement cette scène entre Thomasina et sa mère :

Lady Gray : (...) Si bien que je peux dire avec le peintre : "Et in Arcadia ego!" "Et me voici en Arcadie!" Thomasina.... ?
Thomasina : Oui, maman, si ça vous fait plaisir....
Lady Gray : En a-t-elle après mon goût ou après mon latin ?
Thomasina : Les deux pourraient prêter à redire, maman. Mais c'est plutôt votre géographie qui est en cause...
Lady Gray : Il est arrivé quelque chose à cette enfant, depuis la dernière fois que je l'ai vu... Ce devait être hier soir... Quel âge avez-vous ce matin ?
Thomasina : Treize ans et dix mois, maman.
Lady Gray : Treize ans et dix mois ! Il n'est pas question qu'elle devienne insolente avant au moins six mois. Ni qu'elle ait des notions de goût encore longtemps.

Et une réplique qui montre à quel point Lady Gray a tout compris à la vie :

Lady Gray : A quoi servirait d'avoir des amis, si ce n'était à emprunter des livres ?
(Acte I, scène 3)

Et une autre scène avec Septimus :

Chater : (...) Enfin, en un mot monsieur, si vous avez à me parler, adressez-vous au capitaine Brice.
Septimus : Comme c'est étrange. (Au capitaine.) Votre femme, monsieur, n'est pas parue de la journée d'hier. Serait-elle souffrante ?
Brice : Ma femme ? Je n'ai pas de femme ! Que voulez-vous dire ?
Septimus (innocent, à Chater). Je ne suis pas sûr de comprendre le principe, Chater. A qui dois-je m'adresser si je veux parler au capitaine ?

Irrésistible n'est-ce pas ? ^^

Arcadia c'est, comme le dit la 4ème de couverture, une pièce où "le passé et le présent se mettent à dialoguer dans de virtuoses jeux de miroirs où se reflètent également d'autres débats, entre classicisme et romantisme, sensation et raison, géométrie et chaos, poésie" (...) Et oui, même si des fois on s'y perd un peu dans les débats, on ne peut qu'être fascinés par les discussions entre les personnages et leurs démonstrations qui semblent si... logiques.

A (re)découvrir. Vite !

PS : Les photos sont bien évidemment tirées de la pièce avec Tom Riley en Septimus. Et on dit merci à Broadway.com !