Sarkozy: « La plus grande des inégalités ne réside pas dans les écarts de richesse »

Publié le 06 janvier 2012 par Juan
Il était parti à Poitiers, dans la région de Ségolène Royal. Nicolas Sarkozy poursuivait sa tournée des voeux, cette fois pour le monde de l'éducation. Ce fut sans doute le premier discours de promesses électorales.
Le candidat sortirait-il du bois ? Bien sûr que non. Il fallait encore profiter du Sarkobingo, le budget de l'Elysée pour faire campagne sans compter...
La ficelle était bien grosse. Depuis qu'il est élu, son bilan éducatif est terrifiant. La dernière loi de finances, votée pour 2012, avait déjà permis de mesurer l'hypocrisie du discours officiel.
Le « monde nouveau » de Sarkozy
Jeudi vers 12h00, le Monarque était tout souriant en arrivant sur son estrade dressée dans le Palais des Congrès du Futuroscope. Il venait de visiter le centre national de documentation pédagogique, le CNDP. A l'Education nationale, Nicolas Sarkozy pouvait décliner son nouvel argumentaire sur le monde nouveau. En 2007, le candidat faisait croire qu'il avait changé et qu'il fallait une rupture à la France. En 2012, il veut expliquer ses reniements et promesses non tenues par le mythe d'un monde qui aurait brutalement changé.
« Les idées nouvelles, c'est précisément ce dont la France a le plus besoin aujourd'hui. Dans ce monde nouveau, nous devons quitter les discours convenus. Et repenser notre façon d'appréhender les débats. En particulier sur l'éducation. (...) La crise qui secoue le monde est profonde. C'est une crise de civilisation, morale. (...) Cette crise a dévoilé la réalité d'une société, la notre, régit par le court terme, obsédée par la recherche d'avantages immédiats, trop accrochée au confort du présent. »
Croyez-le, ce Nicolas-là, il sait de quoi il parle. Crise morale ? Crise de civilisation ? « Partout où je porte mon regard, on me parle, à juste titre, d'une crise d'identité». Sans blague ? En 2007, il n'avait pas vu la crise écologique (elle serait donc apparu depuis). La crise financière ? Tous les Sarkozystes croient encore qu'elle est arrivée par surprise un beau jour de septembre 2008. Il y a 5 ans, Sarkozy voulait des subprimes à la Française que la crise des subprimes ravageait pourtant déjà l'Amérique. Trois millions de foyers américains étaient en situation de défaut de paiement. Crise économique ? Sans doute, évidemment, bien sûr. Mais qu'y -a-t-il de nouveau dans ce monde là ?
« Nous ne pouvons pas ignorer le monde » déclara Nicolas Sarkozy. Il l'ignore pourtant depuis 2006.
« L'éducation et la recherche constituent un formidable moyen de reprendre son destin en main. (...) En investissant depuis 2007, des dizaines de milliards d'euros dans l'enseignement supérieur, la recherche, les technologies d'avenir, nous avons, il me semble, apporté la preuve que nous ne parlions pas à la légère.» Sur ces « dizaines de milliards », combien ont été vraiment engagés ? Combien n'étaient que du reclassements d'emprunts ? L'arnaque des « investissements d'avenir » est connue depuis belle lurette. Il s'agissait d'un coup électoral, afficher une belle enveloppe (35 milliards d'euros) qui finalement n'était qu'une goutte d'eau dans l'océan de dette publique que Nicolas Sarkozy nous léguait à la fin de son mandat (600 milliards d'euros d'emprunt public supplémentaires en 5 ans)...
« Il n'y a pas de déclin inéluctable » voulait-il nous faire croire. Avec ou sans lui ?
Jeudi à Poitiers, le Président des Riches revendiquait ses choix, « l'excellence » (car « il n'y a pas de place pour la médiocrité ») et la « justice ». Il eut cette phrase déjà culte, incroyable, qu'il fallut attraper au milieu de ces 36 minutes de discours. Lisez donc la à voix haute. C'est plus fort.
« La plus grande des inégalités ne réside pas dans les écarts de richesses.»
Et il ajouta: « Mais dans la différence d'études. On a fait le choix de l'unité de la nation dans et par l'école.» Bien sûr... Nier la rente, le poids des inégalités de naissance est un grand classique des plus réactionnaires du pays. Nicolas Sarkozy, sur ce point, n'a pas changé. Candidat des Riches, Président de la Rente.
Sur l'excellence, Nicolas Sarkozy était auto-satisfait: « Quatre ans après le vote de la loi LRU, la quasi totalité de nos universités sont autonomes. L'enseignement supérieur a vu sa dotation augmenter de 9 milliards d'euros depuis 2007. (...) Une immense réorganisation du paysage universitaire est à l'oeuvre. Nous renforcons les liens entre recherche et innovation.
Prophétique: Le résultat, c'est que d'ici cinq ans, nous aurons en France un nombre significatif d'universités de dimension mondiale. (...). Ces changements étaient jugés impossibles. Les déclinistes ont eu tort.»
Evidemment, « cet effort vers l'excellence, n'aurait aucun sens s'il ne bénéficiait pas à nos enfants. » Lesquels de nos enfants ?
Comme le rappelait une enquête de l'OCDE rapportée par le Nouvel Obs, la France est l’un des pays qui « amplifie le plus sur le plan scolaire les inégalités sociales avec une part croissante d’élèves en difficulté : 15% en 2000 contre 20% en 2009 ». Nicolas Sarkozy n'y a rien changé. Pire, depuis qu'il est président, l'Education nationale ne représente plus que 21% du budget de l'Etat (en 2010) contre 28% en 2007. Alors même que la population et le nombre d'élèves augmentent. Quelle priorité !
Nicolas Sarkozy avait une proposition forte, la suppression du collège unique. Ce modèle d'intégration républicaine aurait fait la preuve de son échec, d'après le Monarque. Il faudrait le réformer. Et quel meilleur argument que celui de la « personnalisation » quasiment sur-mesure de l'enseignement. Le hic ? Il faudra moins d'enseignants, moins de moyens. Puisque que nous sommes « en crise ». Jugez plutôt.
Etape 1: « Nous avons confondu égalitarisme et égalité des chances. Ce qui était présenté comme un système ouvert à chacun était en réalité un entonnoir fermé à beaucoup. Ce fut le grand mensonge pour toute une génération. » 
Etape 2: « Il faut accepter d'adapter la pédagogie à la personnalité des élèves.»
Etape 3: ne vous inquiétez pas, Nicolas est là et il sait ce qu'il fait: « Il n'y a pas de déclin inéluctable. (...)  Le nombre d'élèves ayant des connaissances insuffisantes a fortement régressé en français (-13%) et s'est stabilisé en mathématiques.» C'était faux, il inventait ses statistiques. Mais il discourait. Personne n'était là pour lui porter la contradiction. Le candidat se planquait de tout débat.
Les 4 nouvelles promesses du candidat Sarkozy
Puis vinrent les propositions du candidat.Comment le CSA et la Commission des Comptes de Campagne considèreront cette intervention ?
1. Primo, « Il faut accélérer le rapprochement entre l'école et le monde du travail». C'est un peu la conséquence logique d'une autre affirmation du jour: « Accepter enfin de dire que la première mission de l'école est de préparer à la vie active. (...)  Si un diplôme ne débouche pas sur un emploi, mérite-t-il son titre de diplôme? » Rappelons que Nicolas Sarkozy évoquait le ... collège.
2. Secundo, Sarkozy veut supprimer le collège unique. La personnalisation avec moins de moyens, c'est toujours son dada. « Après avoir réformé l'école primaire et le lycée, la priorité c'est maintenant le collège. » Et Sarkozy a une idée: « Il faut mettre fin aux faiblesses du collège unique. Il faut certainement recentrer la 6 e et la 5e sur les enseignements fondamentaux. » La perspective est terrifiante: en 5 ans de mandature Sarkozy, le nombre classes primaires a baissé d'environ 500 par an alors que le nombre d'élèves en primaire a progressé de 52.000. Par un fâcheux miracle, les lycées ont perdu près de 65.000 élèves en 5 ans, année après année... alors que les collèges grossissaient d'environ 60.000 élèves sur la même période. Le décrochage fut flagrant. Depuis 2002, rappelait le Nouvel Obs ce jeudi, « la baisse a aussi été notable en ce qui concerne les moyens humains consacrés à l'éducation : plus de 154.700 postes d'enseignants ont été supprimés entre 2000 et 2011». Vous avez bien lu. La France a perdu plus de 150.000 enseignants ! On avait oublié la promesse du candidat en 2007: « Dans les quartiers où s’accumulent tous les problèmes de l’exclusion et du chômage, je propose de créer des classes de quinze élèves dans les collèges et les lycées » déclarait-il en mars 2007. Evidemment, il n'en fut rien.
3. Tertio, il faudra encore se serrer la ceinture: « Je veux le réaffirmer aujourd'hui avec force et une certaine gravité: dans la situation financière qui est la nôtre, nous devons et nous pouvons, dans l'Education Nationale faire mieux avec les mêmes moyens!»
4. Quatrième promesse, Sarkozy veut refondre le métier même d'enseignant. Comment ? On ne sait pas. Mais il veut « réformer ». Fichtre ! Que n'a-t-il fait depuis 5 ans ? Il a déjà massacré la formation des maîtres, en relevant en 2009 le niveau requis pour le recrutement des candidats aux métiers de l'enseignement. Le nombre de candidats au professorat a chuté de 35.000 en 2009 à ... 18.000 en 2010. « La priorité, c'est de redéfinir le métier d'enseignant. (...) Quelle est la mission des enseignants? Qu'attendons nous des enseignants? Vos missions sont régies par des textes de 1950. Est-ce que les enfants d'aujourd'hui sont ceux des années 50?» Ces formules avaient un parfum de « rupture » version 2007. A l'époque, le candidat Nicolas revendiquait déjà la « liberté pédagogique des enseignants, car rien ne remplace l’expérience de 20 ans d’enseignement.» Il avait menti puisqu'il n'a rien rien fait à part réduire le nombre de professeurs et expulser les étudiants étrangers dès leur diplôme. La Sarkofrance en 2011 sent le rance...
Sarkozy était tout content. Juste avant les élections, à l'automne dernier, il a fait augmenter le salaire des profs rescapés des suppressions de postes. « C'est un sujet majeur. Dès le premier février, tout jeune enseignant exercant à temps plein percevra un salaire d'au moins 2000 euros brut. Soit une augmentation de 18%.» Mais Sarkozy ne promettait plus rien de la sorte pour l'avenir. En revanche, il aimerait que « dès l'école primaire », se constitue « de véritables équipes de professeurs soudés autour du chef de l'établissement.» Et le chef d'établissement, devra-t-il s'auto-gérer ?
Dans la journée, on apprenait que Nicolas Sarkozy espérait s'assurer les services de Claude Allègre, l'homme qui nie le réchauffement climatique et qui voulait « secouer le mammouth » quand il était sous-ministre de Jospin. Les enseignants, traités voici 15 ans de « mammouths» seront heureux de l'apprendre.