Lutte Ouvrière et les tripatouillages

Publié le 18 février 2008 par Dlaufer

Lorsque les nuages de la récession s’amoncèlent, autant lire Lutte Ouvrière : on s’y instruit de ces choses graves, mais en riant. Il n’y a que là qu’on peut trouver des perles comme ces « tripatouillages financiers organisés par les patrons ». On s’étonne presque de trouver la date du 16 février 2008 en haut de l’article, et non pas celle du 27 Pluviôse de l’an 216 de la Révolution. Car enfin rien ou presque ne semble avoir évolué depuis 200 ans dans cette gauche de la Gauche, ni la dialectique, ni la rhétorique. Pourtant, en lisant l’article en question, il me vient à l’esprit que si les sans-culottes ne se sont toujours pas rhabillés, les aristos, eux aussi, s’accrochent encore bien à leur perruque poudrée.

Il s’agit ce soir d’un bref article vengeur signé par un « correspondant LO », ce qui dans la tradition d’anonymat combattant de Lutte Ouvrière signifie un ouvrier de l’usine concernée. Il conte ce qui se passe actuellement dans une usine de Rennes, les Polymères Barre Thomas, tout cela dans son amusant langage archéologique. De 1'700 employés en 2006, la direction est en train de ramener l’effectif à 1'300, avec un train soutenu de mises à la porte et de préretraites. Rachetée en 2006 par un hedge fund américain, Silver Point Capital (appréciez la sobriété de leur site web), cette usine de pièces détachées automobiles est pourtant débordée de commandes et affiche des bénéfices coquets à la fin 2007. La logique est donc aussi transparente que banale: profit maximum.


Il se trouve que j’ai travaillé pour une des entreprises qui a rendu possible ce rachat. C’était dans la torpeur de l’été 2006 et on pavoisait dans toute la presse spécialisée : Barre Thomas, la plus grosse restructuration de l’année en France, et tous les emplois sont garantis ! Le mariage parfait entre le profit et le social ! Et voilà les journalistes pleurant d’admiration, de reconnaissance presque, devant un tel génie du montage financier si respectueux du tissu social. Le site web de mon entreprise affichait la nouvelle avec emphase et communiqué de presse en deux langues. Bref, c’était la gloire. Remportée par des gens qui, j’en témoigne, ignoraient absolument tout de l’industrie des polymères et l'avouaient joyeusement.

En y repensant et en me souvenant des discussions que j’avais eues alors avec ceux qui s’occupaient de ce dossier, tout cela ne me surprend pas beaucoup. Ca ne fait qu’accroître ma déception. Qu’on se rassure, je persiste à rire bien fort en lisant Lutte Ouvrière. Mais qu’il est difficile de nos jours d’être un capitaliste.