Les revenants de Laura Kasischke

Par Sylvie

ETATS-UNIS


Editions Christian Bourgois, 2011

Laura Kasischke est encore un auteur très confidentiel en France malgré ses nombreux prix littéraires aux Etats-Unis.

Ses romans mettent souvent en scène une adolescence tourmentée : violence, troubles psychologiques. Elle excelle dans la description d'univers lisses et aseptisés qui se fissurent tout à coup. Je l'avais découverte il y a quelques années avec  Un oiseau blanc dans le blizzard.

Dans son dernier opus, elle renouvelle avec beaucoup de maîtrise le récit mêlant fantômes et revenants.

L'auteur choisit pour cadre une université traditionnelle du Middle Ouest. Les élèves sont organisés en fraternités et sororités, ces confréries un peu étranges qui font se réunir les étudiants autour de rites de passage pouvant faire penser à du bizutage.

Nicole, une brillante étudiante, membre de la prestigieuse sororité "Oméga Théta Tau", trouve la mort dans un accident de voiture. Son compagnon, Craig, en réchappe miraculeusement.

Un an plus tard, il revient sur les lieux, malgré la vindicte des autres membres de la sororité qui vouent un véritable culte à Nicole, érigée en sainte sacrifiée.

Tout se complique lorsque Nicole semble hanter les soirées et les nuits de deux amis de Craig....Hallucinations ? Fait réel ? Complot ?

L'auteur va nous répondre, sur 600 pages écrites avec brio.

Cela aurait pu ressembler à un sitcom se déroulant dans un campus universitaire, avec ses histoires de coeur, ses rebondissements. L'auteur utilise d'ailleurs tous les ressorts de ces séries : courtes séquences se terminant par un suspense haletant, alternance des personnages...

C'est en fait un très bon roman psychologique, au suspense haletant, se déroulant dans une atmosphère à la fois poétique et glaçante.

Kasischke choisit de faire alterner le point de vue de multiples personnages : Perry, l'ami de Craig, qui va enquêter sur les apparitions de Nicole, Shelly, une enseignante de musique qui est arrivée la première sur les lieux de l'accident et qui n'a pas vu la même chose que les enquêteurs, Mia, l'universitaire spécialiste des coutumes liées à la mort, Josy, la compagne de chambrée de Nicole.

Multiplicité de voix et aussi alternance entre le récit des événements passés et l'enquête présente.

Le tout raconté de manière très poétique, dans une langue à la fois simple et imagée. Un campus, du brouillard, de la neige et le clair de lune. Il n'en faut pas plus à l'auteur pour créer une véritable atmosphère glaçante.

Roman psychologique, enquête, thriller, roman d'apprentissage...Les qualificatifs ne manquent pas pour ce récit à tiroirs qui évoque à la fois Virgin Suicides et Twin Peaks.

Ce roman fleuve se lit d'une traite et Omega Théta Tau nous hante encore plus, une fois le livre refermé...