Des pas dans la neige - Erik L'Homme

Par Emmyne

" J'ai longtemps roulé ma bosse aux confins du Pakistan et de l'Afghanistan, dans la chaîne des hautes montagnes de l'Hindou Kouch. Nous étions partis, mon frère Yannik, notre ami Jordi et moi, dans les années 1990, en quête de l'Homme Sauvage ( que les Occidentaux confondent avec le Yéti )... Pendant des mois, nous avons arpenté ces régions reculées du monde et j'y ai vécu quelques uns des moments les plus forts de ma vie. Des années plus tard, ce récit est né de mes souvenirs et de mes carnets de notes, un récit qui dormait dans ma tête et dans mon coeur depuis plus de quinze ans. "

- Gallimard - Scripto -

En prologue, l'écrivain Erik L'Homme, connu pour ses romans adolescents ( Le livre des étoiles, Les Maîtres des Brisants, Phaenomen puis A comme Association projet conçu avec Pierre Bottero ) prévient son lecteur de la véracité de son récit. Un texte autobiographique pour une expérience et une expédition initiatiques.

" Je vais ouvrir la porte à mes souvenirs et j'ai peur. J'appréhende de me découvrir, d'apparaître sans masque, sans les voiles si commodes du subterfuge romanesque. C'est une chose d'utiliser des bouts de sa vie dans un roman, de recourir aux gens que l'on connaît, aux pays que l'on a visités, aux événements que l'on a vus ou vécus. C'en est une autre de parler de soi. De se mettre en scène. "

Un voyage doublement initiatique puisque ce livre découvre une région du monde ainsi que le genre du récit de voyage au lectorat adolescent, dans le meilleur esprit de cette collection Scripto.

Le périple est à la fois une enquête et une quête, celle du Barmanou, cet Homme Sauvage ignoré par les scientifiques. La motivation n'est pas un prétexte à l'aventure, la démarche est sérieuse, appuyée sur une documentation fournie, le protocole rigoureux, les témoignages et des croquis de l'ami Jordi Magraner, naturaliste, étayent ce récit qui est aussi celui de la découverte d'un autre versant du monde, d'une autre culture et surtout d'un autre mode de pensée, de traditions, de légendes et d'autres croyances, d'autres valeurs, qui, paradoxalement, enseignent beaucoup sur soi et son propre univers.

" Des agissements, des comportements considérablement éloignés de ceux auquels nous étions habitués mais que nous apprîmes peu à peu à ne pas juger. Juger, condamner, faire la leçon : des travers bien accrochés à nos âmes d'Occidentaux.

[...] On avait le droit d'en penser ce qu'on voulait mais le devoir de le garder pour nous. Ce qui était valable en Europe ne l'était pas forcément ailleurs - "

Cette expédition sera celle de l'intensité des bonheurs et des douleurs, celle de liens qui se tissent ouvrant de nouveaux horizons. Elle mènera les trois compagnons bien plus loin qu'ils ne devaient l'imaginer, au bout d'eux-mêmes, tant ils furent soumis à des conditions éprouvantes aussi bien physiquement que psychologiquement, qui, pourtant, éveillent et élèvent l'esprit.

" ... nous avions oublié que la nature vivait sa propre vie, en indépendance totale de la nôtre, et que c'était à nous de nous adapter, pas l'inverse. "

Au fil des saisons, ce texte, rythmé par des chapitres aux paragraphes titrés marquant les souvenirs et la chronologie, par des photographies noir et blanc en vignettes de Yannik L'Homme, sont des pages ouvertes sur ces peuples de montagne. Comme tout récit de voyage, il alterne les descriptions d'explorations et de rencontres, les péripéties et les observations, les réflexions à de nombreuses informations sur les différentes ethnies et religions, sur l'historique géopolitique de la région avec une narration, certes engagée, limpide et fluide.

Et ce livre, c'est aussi la mémoire des amis perdus.

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" Plusieurs errances dans les collines herbeuses, puis à travers des pierriers gigantesques et enfin sur de vastes étendues fangeuses, quelques nuits sur des éperons rocheux, sous un ciel à couper le souffle ou sous les gifles d'un vent mouillé de pluie, nous permirent de nous rendre compte de l'immensité et de la rudesse de la zone que nous nous étions appropriée.

Il faut imaginer un endroit où il n'y a plus ni terre ni ciel mais tout en un et un en tout, des montagnes si hautes qu'elles se fondent dans les nuages et des horizons si profonds que l'on ne sait plus si les sentiers qui y conduisent sont tracés dans la poussière du sol ou dans celle de l'azur. Un endroit minéral où les pierres et roches reflètent en les amplifiant mille fois tous les jeux du soleil, où les arbres, tapis dans les combes et sur les versants les plus sauvages, dissimulent dans leur ombre les secrets d'être encore inconnus."

- Pakistan -

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- le billet de Jérôme -

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