Et devant moi, le monde, de Joyce Maynard

Par Litterature_et_chocolat @HeleneChoco

 Salinger: un attrape-cœurs?

L’auteur du roman culte L’attrape-cœurs était un homme obscur, vivant reclus du monde, Pygmalion cinquantenaire attirant dans ses filets des jeunes filles à peine sorties de l’adolescence. Ce côté Barbe-Bleue, Joyce Maynard en a fait les frais. Après plusieurs décennies de silence, elle lève le voile sur une rencontre qui a bouleversé sa vie.

RÉSUMÉ :

A 18 ans, Joyce Maynard est devenue la porte-parole de sa génération grâce à un de ses articles paru dans le New York Times Magazine. Remarquée par JD Salinger, elle entretient une relation épistolaire avec lui avant de devenir, durant un an, sa maîtresse. Brutalement congédiée, la jeune fille ne s’est jamais remise de la rupture qui fût la pierre angulaire de toute sa vie.

MON AVIS : une personnalité complexe, pleine d’énergie et de contradictions.

Joyce Maynard semble n’avoir d’autre mérite que celui d’avoir été l’amante de JD Salinger. C’est en tout cas ce que s’attache à faire ressortir son autobiographie, dont la moitié est consacrée à l’idylle avec le grand homme. A l’issue des 460 pages, Joyce ne comprend toujours pas les motivations qui ont poussé Salinger à mettre une fin brutale à leur aventure – aveu d’autant plus sidérant que la raison semble plutôt limpide au lecteur. Anorexie, vaginisme, solitude, père alcoolique : le livre est truffé des nombreuses névroses de Joyce Maynard, sources probables de son incapacité à tourner la page sur sa relation avec Jerry Salinger.

Pourtant, Joyce Maynard est terriblement attachante. Travailleuse acharnée, extrêmement intelligente, elle force d’autant plus l’admiration et le respect qu’elle est dotée d’une modestie désarmante qui vire parfois à l’autodénigrement. Joyce Maynard a-t-elle conscience qu’elle a connu une destinée hors du commun, indépendamment de l’apparition fugace de Salinger dans sa vie? On s’attendrit – ou on s’agace, c’est selon – face à tant de naïveté et de fraîcheur chez cette femme, qui oscille constamment entre maturité intellectuelle et ingénuité d’adolescente.

Joyce Maynard savait prendre un risque en publiant Et devant moi, le monde, dont une partie repose sur la biographie non autorisée d’une autre personnalité. Les réactions ont été vives aux Etats-Unis lors de la sortie du livre : peut-on livrer l’intimité d’une tierce personne sans son accord? Mais s’il y a bien un trait de la personnalité de Joyce Maynard qui s’impose dans son récit, et qui fût le pilier de toute sa vie, c’est bien son insouciance face au danger.

JE VOUS LE CONSEILLE SI…

… le côté “Salinger, vieux méchant loup qui dévore un par un de jeunes et naïfs petits chaperons rouges” vous émoustille. N’y cherchez cependant ni analyse, ni explications, l’ensemble reste très factuel.
… vous voulez sentir le vent de liberté et d’esprit d’entreprendre qui soufflait sur la jeunesse américaine des années 1970, une époque où, à 18 ans, on pouvait encore conquérir le monde.

EXTRAITS :

Joyce Maynard se dévoile et se met à nue, sans fard, sans travestir la réalité :

Plus de vingt ans durant, j’ai révéré un homme qui ne voulait plus rien avoir à faire avec moi. Ce que Salinger représentait à mes yeux est ce que j’ai connu de plus proche d’une religion. Ce qui s’est passé entre nous a façonné ma vie de multiples façons pour longtemps après qu’il en est sorti.