A l’instar de la nageuse Laure Manaudou, revenue à la compétition en juillet, de nombreux athlètes tentent une renaissance après avoir annoncé leur retraite sportive. Mais ce retour s’avère souvent difficile et les sportifs peinent à retrouver leur niveau de performances d’antan.
En janvier 2009, la nageuse Laure Manaudou déclarait : « c’est décidé, j’arrête. Cela n’a pas été une décision facile à prendre. Elle s’est imposée à moi petit à petit. Ce n’est pas un coup de tête. Tout cela a mûri doucement ».
Après son échec aux JO de Pékin en 2008, à 23 ans, elle mettait un terme à sa jeune carrière d’une manière prématurée. Les raisons invoquées semblaient alors futiles : « depuis janvier, j’ai appris à prendre soin de moi, je profite de la vie que je n’ai pas eu avant. C’est bête, mais prendre le temps de me maquiller ou de me coiffer, ce sont des choses que je ne pouvais quasiment pas faire quand je nageais deux fois par jour ».
Elle quittait donc la scène pour « se retrouver », fuir aussi une pression médiatique forte. Mais ce qui rejoint tous les sportifs qui ont pris leur retraite est le manque « d’envie », la perte de « plaisir », comme une lassitude qui ne s’estompe jamais.
La joueuse de tennis belge Justine Hénin évoquait elle aussi un « long cheminement » car elle ne trouvait plus de sens à ce qu’elle faisait. Il lui manquait « la hargne, l’envie, l’amour de ce que je fais ». Elle avait décidé à 25 ans et avec un classement de numéro un mondial de se retirer.
Si Laure Manaudou, Justine Hénin, Michaël Schumacher, Lance Armstrong, Ian Thorpe ou Kim Clijsters avaient décidé fermement de ne jamais revenir sur le devant de la scène, ils ont pourtant tous décidé de faire leur retour après une pause. Comment expliquer ce retour ? Quelles raisons poussent ces sportifs à sortir de leur « retraite » ? Quelles sont leurs attentes ?
Un sentiment de manque
Sortir de sa retraite nécessite d’avoir pris conscience de sa passion et d’avoir ressenti des manques qui n’ont pas réussi à être comblés en dehors du sport. Si beaucoup de sportifs n’ont pas l’envie de repartir sur les routes de la compétition, c’est souvent car ils sont parvenus à se réinvestir dans d’autres projets leur apportant leur dose d’adrénaline. Ils ont réussis à faire le deuil de ce besoin.
Ceux qui reviennent évoquent tous un « manque » et une envie retrouvée. On parle ainsi de la « passion » de Schumacher, « un drogué de compétition » qui trépignait de revenir sur les circuits. Laure Manaudou affirmait de son côté que « la compétition (lui) manqu(ait) trop. Quand on est dépendant, on est obligé de revenir ».
Le sportif « dépendant » est un sportif qui n’a pas encore fait le deuil de sa carrière et qui n’a pas réussi à se fixer des objectifs dans sa nouvelle vie méritant autant d’intérêt que celui de la compétition.
Revenir à la compétition serait donc un moyen de se « reshooter » à la compétition et de reporter à plus tard la question de la reconversion. Pour eux, la retraite était davantage synonyme de « pause » qu’une véritable envie de tourner la page et d’ouvrir un nouveau chapitre.
Le sportif éprouve un goût d’inachevé qui vient réveiller son désir. Justine Hénin parlait de cette « flamme qui s’est rallumée » et qu’elle pensait « éteinte à jamais ». Nul doute que le désir de prendre leur retraite est souvent sincère et signifie un vrai ras-le-bol, mais leur retour évoque aussi la difficulté à se réinvestir dans une nouvelle carrière.
Savoir se réinventer
On peut se demander comment le sportif aborde cette nouvelle carrière et surtout quels sont les objectifs qu’il est en droit de se fixer pour marquer l’histoire de son sport ?
Pour certains, la lassitude était liée à la réussite. Les sportifs qui ont été comblés éprouvent parfois une difficulté à renouveler leurs objectifs quand ceux-ci ont été atteints ou même dépassés. Comme Laure Manaudou qui a eu « tout ce qu’(elle) voulais, même plus que dans (s)es rêves » ou Justine Hénin qui n’imaginait jamais une aussi belle carrière et préférait quitter son sport au top.
Pour revenir, il leur a fallu réinventer leur désir et trouver de nouveaux défis à atteindre. Les Jeux Olympiques représentent pour Manaudou, Thorpe, ou Hénin un objectif qui donne un sens à leur réinvestissement dans la compétition.
Pour Laure Manaudou ou Kim Clijsters, le fait d’avoir été mère leur donne également une motivation supplémentaire : « inconsciemment, ce retour à la compétition est sans doute aussi pour que Manon soit fière de moi et pas seulement de mon passé », avouait la nageuse française.
Laure Manaudou s’est trouvée une motivation externe, celle de rendre fière sa fille. Cette motivation peut être discutable dans la mesure où auparavant, elle avait comme moteur son entraîneur Philippe Lucas et qu’elle n’a réussi à atteindre des objectifs que sous son aile. Maintenant, elle court pour quelqu’un d’autre, mais ce manque de motivation interne pourra être un frein à sa future évolution dans sa nouvelle carrière.
Pour d’autres, la motivation est surtout celle d’aller au bout de leurs capacités, comme Kim Clijsters ou Martina Hingis qui avaient quitté la compétition à cause de blessures. Leur corps avait décidé pour elles. Dès lors, un retour à la compétition pouvait être envisagé avec de nouvelles ambitions qui viennent suppléer leur carrière non aboutie.
Pour Lance Armstrong, l’objectif était plus de défier son corps et ses limites. Revenu après trois ans et demi de retraite, son retour était une forme de rédemption et un nouveau défi à se fixer après avoir vaincu la maladie.
Un retour compliqué ?
Cependant, le retour n’est pas toujours synonyme de réussite et ceci est particulièrement compliqué à vivre pour des sportifs qui ont été parmi les meilleurs de leur sport et qui ne peuvent pas supporter la médiocrité.
C’est le cas de Justine Hénin qui a arrêté prématurément sa seconde carrière, officiellement à cause d’un coude très abîmé. Sa saison 2010 n’a abouti qu’à une victoire à Stuttgart, et elle n’a pas dépassé le stade des huitièmes de finale en Grand Chelem. Si le coude n’a pas tenu, il est à parier également que le manque de résultat a pu également peser mentalement dans sa décision.
Martina Hingis a connu une fin plus malheureuse lors de sa « deuxième » carrière, précipitée par un contrôle antidopage positif à la cocaïne.
Seul Kim clijsters a réussi un retour glorieux en remportant l’US Open quelques semaines après son retour. Pour Clijsters, la donne était différente. Elle ne s’était pas préparée à des résultats et avait été très humble dans ses ambitions : « il faudra voir comment je parviendrai à combiner ma situation familiale avec la vie sur le circuit. Je suis désormais mère et épouse… Il faudra voir aussi comment je réagirai sur le plan physique ». Clijsters s’est ainsi mis des défis tout en ayant gardé en priorité sa vie de famille.
Le sportif fait face à une période d’incertitude lors de son retour et cette incertitude est forcément compliquée à gérer quand les médias attendent des résultats à la hauteur du champion qu’il a été.
Quand on demandait à Philippe Lucas si Laure Manadou pourrait réussir son come back, celui-ci émettait quelques doutes : « tu ne peux pas revenir comme ça sur le 400 en quelques mois, et récupérer le travail que tu n’as pas fait pendant des années en huit mois et demi ». Selon lui, il était préférable que Laure se lance sur des distances où elle ne s’est pas forcément investie auparavant. Il est donc indispensable de se lancer dans une discipline où elle n’a pas forcément de repères et surtout où elle n’aura pas à souffrir de comparaison avec ces anciens résultats.
La retraite sportive n’aura été qu’une parenthèse pour ces sportifs qui avaient besoin de redonner un sens à leur vie, à leur sport. Il n’est pas exclu de retrouver une envie qui soit suffisamment importante pour se lancer de nouveaux défis.
Mais le retour ne doit pas être un moyen de reculer l’échéance de se retrouver face à la question du sens à sa vie après une carrière sportive, car le corps finit malgré tout par imposer ses limites et qu’il faut se résoudre un jour ou l’autre à conclure ce chapitre de la vie.