Luc Chatel, vous me décevez beaucoup.

Publié le 17 janvier 2012 par Variae

Monsieur Chatel, je suis bien marri de devoir vous le dire, mais vous me décevez beaucoup.

Je n'ai jamais été de ceux qui ironisaient sur votre parcours peu banal, de la vente de shampoing et de produits de maquillage au ministère de l'Éducation Nationale, des faux cils à Jules Ferry. J'y voyais même avec plaisir une élévation réjouissante de la matière au concept, de la beauté extérieure à celle de l'Esprit. Ainsi que l'édification d'un pont prometteur entre les illusions de la jeunesse - le savoir, la culture - et son probable destin - pousser son caddie de RMIste devant des murs de gel douche frappé du sceau de Liliane, et préalablement vu à la télé.

Mais dimanche, Monsieur Chatel, quelque chose s'est cassé entre nous. Quand vous avez déclaré : " A chaque fois que les socialistes ont été aux responsabilités, on a eu une fuite en avant budgétaire et on a fait reposer sur la génération future les avantages sociaux de la génération précédente. On a fait payer à crédit la cinquième semaine de congés payés, la retraite à 60 ans [...] M. Hollande, il était où quand les gouvernements socialistes ont fait la retraite à 60 ans à crédit, la cinquième semaine de congés payés à crédit, ont mis en place les 35H à crédit? ".

Je n'ai pu réprimer, sachez-le, un hoquet rageur, un rictus d'indignation, un tressaillement outré, en lisant ces propos rapportés par les gazettes. N'avez-vous pas honte, Monsieur le Ministre ? N'est-il pas honteux de voir un tel étalage d'inculture historique chez le grand ordonnateur de l'instruction publique ?

Car les responsabilités de la perte de notre trésor national - le AAA - sont bien plus anciennes et profondes.

Le Conseil National de la Résistance, ce ramassis de crypto-socialistes, puis la IVème République marxiste ont laissé se produire une fuite en avant budgétaire, en faisant reposer sur la génération future la sécurité sociale. Il était où François Hollande, quand on a mis en place la sécurité sociale à crédit, hein ?

Émile Ollivier, ce dangereux agitateur député sous Napoléon III, a laissé s'installer les conditions d'une fuite en avant budgétaire, en faisant voter en 1864 la loi instaurant le droit de grève. Et laissant ainsi reposer sur la génération future le coût de toutes ces journées perdues à ne pas travailler, pendant que nos voisins prussiens et l'arrière-arrière-grand-mère de Madame Merkel explosaient déjà les records de temps de travail et de productivité. Il était où François Hollande, quand on a mis en place le droit de grève à crédit ?

Victor Schoelcher, cet inconscient de la IIème République, a toléré avec inconscience une terrible fuite en avant budgétaire, en abolissant l'esclavage dans les colonies. Je vous laisse imaginer l'incommensurable perte de compétitivité, reposant uniquement, une fois de plus, sur la génération future. Il était où François Hollande, pouvez-vous me le dire ? Pourquoi est-ce qu'on ne l'a pas entendu condamner la dérive budgétaire à ce moment-là ?

Monsieur le Ministre, si vous aviez un peu de culture historique, vous auriez compris que les racines du mal socialiste - donc de la fuite en avant budgétaire, donc de la perte du triple A - remontent bien plus loin que François Mitterrand et Lionel Jospin, et que, pour dire les choses franchement, si nous rétablissions l'esclavage dans les banlieues, l'interdiction de grève et de syndicat, et si nous abolissions la sécurité sociale, ce n'est même plus le triple A que nous pourrions viser, mais le quadruple, le quintuple, le centuple A+++² - le compteur des agences de notation risquerait même d'exploser.

Je vous remercie de l'attention que vous voudrez bien accorder à ces considérations.

Romain Pigenel