J. Edgar, de Clint Eastwood - un cinéma à veiller les morts

Par Timotheegerardin
Il est tentant de moquer les acteurs maquillés, masqués, momifiés de J. Edgar (le dodelinant Clyde Tolson, notamment, est plutôt rigolo). Mais alors soyons conséquents : demandons-nous ce que les momies viennent faire là. Et rappelons-nous que, dans Gran Torino, Eastwood s'est offert aux balles de ses ennemis, et qu'Au-delà était hanté de personnages dévorés, dé-réalisés par l'idée de la mort. Cette fois-ci, il a presque éteint la lumière, comme s'il fallait veiller d'obscures âmes défuntes.
La photographie si sombre de J. Edgar a cette vertu de limiter le champ de vision : de rabattre toujours le regard sur ce qui vient en premier, sur ce qui est le plus évident. Une façon de marcher, de jeter un œil à la fenêtre, l'emportera toujours sur une vision politique ou un secret d'état. Peut-être est-ce là la faiblesse du film - il n'y a pas de point de vue sur le personnage de Hoover - mais il est sûr, parallèlement, que c'est son atout : avant d'être ceci ou cela (parano ou visionnaire), Hoover n'est qu'une transition corporelle de la jeunesse à la vieillesse.
Et cette transition est une somme de souvenirs qui sont venus s'ajouter, s'empiler un à un jusqu'à former sur son visage ces rides, le masque de sa vieillesse. Vous l'avez votre momie : ces images comme autant de bandelettes qui, à mesure qu'il repasse sa vie devant ses yeux, s'enroulent autour de lui et l'amènent à la mort. C'est beau comme du cinéma.