Le legs de Jean-Baptiste Vermay peintre français à Cuba

Publié le 27 janvier 2012 par Quiricus


Entrée du Templete, place des Armes, Cuba ; au fond, une peinture de JB Vermay ; le buste représente le peintre ; dans l’urne en marbre, se trouvent les cendres de JB Vermay et de sa femme ; source : http://www.cubafotos.net Il devient célèbre et est nommé “Peintre de la Chambre du Roi” par le roi d’Espagne. On dit que l’histoire de la peinture cubaine commence avec l’arrivée de Vermay à Cuba. Il meurt le 20 mars 1833 à l’âge de 47 ans, victime d’une épidémie de choléra qui ravage l’île.
Il n’y a pas de doute que l'Académie San Alejandro a introduit un facteur de progrès dans la culture insulaire et, à partir de sa création, les préjugés envers les arts plastiques se sont atténués. Par contre, cela ne veut pas dire qu'il a été facile de maintenir une telle entreprise. Après le décès d'Alejandro Ramirez en 1821, Vermay a dû faire face à des temps très difficiles, devant même renoncer à son salaire comme directeur. Ensuite il a mis l’accent sur l'apprentissage  du dessin, non seulement parce que c'était la seule discipline qui pouvait être enseignée à moindre frais, mais aussi parce qu’elle justifiait mieux qu'aucune autre l’existence de l'Académie.
En 1837, José Antonio Saco a écrit : « De toutes les branches des beaux arts, l'île de Cuba ne possède pas plus qu’une académie de dessin, située dans des cellules obscures, fétides et insalubres du couvent de San Agustín de La Havane. Ses ressources sont si faibles et elle est si abandonnée par le gouvernement, qu’elle ne peut à peine payer le salaire du professeur ; et si elle n’a pas été fermée, cela se doit à l’abnégation généreuse de son défunt directeur et à la noblesse de ses élèves ».
Quatre ans avant, le 30 mars 1833, le peintre français se trouvait parmi les victimes d’une épidémie de choléra. Un homme dont l’importance dans le milieu artistique havanais clarifie l'épitaphe que lui a dédiée son ami, le poète José María Heredia :
« Ci-gît Vermay. Sa lumière pure /
D’enthousiasme illumina son esprit, /
Il eut une âme chaude et ardente/
D’artiste le coeur et la tendresse. /
Ce peintre, semé sur notre sol /
Laissait de son art le germe puissant /
Et dans toute poitrine tendre et généreuse /
Amour profond, consternation et deuil  ».

El Templete


« La primera misa », le plus détérioré des trois tableaux, a été entièrement restauré. L’étape la plus difficile du sauvetage a été maîtrisée par les spécialistes Rafael Ruiz, Àngel Bello et Lidia Pombo, aux côtés du technicien Leandro Grillo. Dans cette équipe se trouvaient aussi, comme collaborateurs, Juan Carlos Bermejo, Yanín Hernández, Laina de la Caridad Rivero et Daymis Hernández, de jeunes diplômés du premier cours d’officiers de restauration de l'École Atelier « Gaspar Melchor de Jovellanos » qui s’est terminé en 1994.

Par miracle les trois toiles qu’il a peintes, comme figure première de l'Académie et que l'évêque Espada a payées, ont perduré.
Construit à l'ombre de la supposée ceiba (fromager) où, le 16 novembre 1519 ont eu lieu la première messe et la première réunion du conseil de la ville de San Cristóbal de La Habana, El Templete est consacré à perpétuer la tradition et, à la fois, à célébrer l’anniversaire de la reine Josefa Amalia de Sajonia, avant-dernière épouse de Fernando VII.
Cet édifice est considéré comme la représentation la plus significative du Néoclassique dans l'architecture coloniale cubaine, très semblable aux anciens temples (une assise rectangulaire dotée de colonnes rondes avec des chapiteaux doriques et une base attique etc.), bien que pourvu d'un détail autochtone comme les ananas de bronze qui ornent la grille.
L'ouverture officielle a eu lieu le matin du 19 mars 1828 avec une messe de l'évêque Espada. À cette cérémonie étaient présentes, aux côtés du gouverneur général de l'Île, Francisco Dionisio Vives, les plus importantes personnalités du gouvernement, de l'armée, de la marine, du clergé et de l'aristocratie, ainsi que des grandes familles havanaises. Près de cent personnes ont toutes été peintes par Vermay dans son monumental tableau dédié à l'événement, y compris l’artiste, de dos, faisant le croquis de la messe au crayon. À sa gauche, dans le groupe des dames agenouillées, se trouve son épouse.
Trois mois lui avaient suffi pour peindre, en 1826, les deux autres toiles placées dans le monument : La primera misa et El primer cabildo, selon le régisseur Francisco Rodriguez Cabrera.  Dans son rapport publié dans le Diario de la Habana à la demande de Vives, le 16 mars, trois jours avant l'inauguration, l'auteur du document décrit les tableaux avec de nombreux détails. A propos de La primera misa il dit :
« La ceiba à l’ombre de laquelle apparaît l’autel, le perroquet qui repose dans son nid, les chardons et les nopals dispersés sur le sol, l'horizon clair et dégagé quand le soleil s'élève à l'est : tout indique que la scène a lieu sur le rivage d’une mer d'un pays proche de l'Équateur. L’autel du sacrifice se situe au Nord-est, derrière cet arbre on découvre la baie et une partie de la colline de la Cabaña, sur son flanc, la plage qui s’étend jusqu'à l'anse de Marimelena. La dite messe a été célébrée le jour de San Cristóbal, invoqué depuis lors comme patron et protecteur de la nouvelle ville. Le prêtre est représenté avec des ornements pourpres et, ressortant parmi toutes les figures de la toile, celle de Don Diego Velásquez de Cuellar, le chef des Espagnols et des habitants de cette Île. On le distingue facilement par les insignes de son rang et par son attitude noble et respectable. Il manifeste aussi de l'affabilité avec les Indiens qui se trouvent à ses côtés, tentant d'approcher l’un d’eux à l'autel ou de lui expliquer ce qui est accompli, ce qui n’est pas étonnant car que ce soit par curiosité ou par crainte avec laquelle ils observaient ces étrangers qui se sont établis sur cette terre depuis 1511, les premiers colons ayant toujours été accompagnés d'un « ministre » de la religion, de nombreux autochtones étaient instruits et même baptisés. D’où leur représentation dans cette cérémonie. L'autre groupe compte dix Espagnols, écoutant la messe, bien mis en évidence par leurs vêtements et leur physionomie. Le génie fécond de l'artiste est admirable, comme la maîtrise et le talent dans l'exécution, car tous sont pénétrés des mêmes sentiments, la piété et la dévotion, et ils se manifestent en eux sous différentes expressions. L’étendard royal de Castille flotte sur tous, car l’île appartient à ce royaume depuis que l'Amiral Christophe Colomb l'a découverte et en a pris possession, puisque son entreprise a été payée par la Reine doña Isabel, sans l’intervention de son époux, le Roi don Fernando d'Aragon ».
Maintenant qu’elle est totalement restaurée, nous pouvons apprécier les détails de la toile et comprendre sa signification pour l’esprit illustré de l’époque. Préserver cette toile et les deux autres tableaux est un hommage à la ville et à ceux qui se sont engagés à la sauvegarder, y compris ce peintre français dont la vie et le destin seront à jamais une énigme.