Les faisans de Ghorepani

Publié le 06 mars 2008 par Yvan

Un lodge original à Chomrung

A Ghorepani, je fais l'impasse sur le "pélerinage" à Poon Hill, une colline avoisinante s'élevant à 3200 mètres, célébrée par tous les guides de voyage pour la vue qu'elle dispense au lever du soleil sur les massifs de l'Annapurna et de la Dhaulagiri. En conséquence, quotidiennement une longue procession de touristes s'ébranle depuis les lodges de Ghorepani pour cette modeste ascension matinale qui impose quand même de se lever tôt. Il est vrai qu'un tel effort mérite bien une récompense : le panorama depuis cette éminence est réellement époustouflant.
Une aire d'atterissage pour hélicoptères est même aménagée à proximité de cette bourgade sans charme afin de permettre aux touristes fortunés et paresseux d'être à pied d'oeuvre pour le point d'orgue de leur virée au Népal : la contemplation passive des prestigieux sommets himalayens ! Je réprouve comme vous pouvez l'imaginer ce genre de pratique polluante et incongrue et la simple idée de cotoyer cette catégorie de voyageurs hérisse le "puriste" que je suis.
Aussi je préfère tracer ma propre route et cheminer en solitaire vers mon objectif du jour, le village gurung de Chomrung. D'ailleurs le col de Deorali que je dois franchir atteint aussi une altitude supérieure à 3000 mètres et se révèle un site aussi propice que Poon Hill à l'observation des montagnes.
A mon réveil, la fatigue accumulée au fil de ce long trek se mêle à l'excitation mais bien vite, dès que mes jambes ont mouliné les premiers hectomètres, elle se dissipe au profit de la perspective attrayante de nouvelles découvertes.
L'itinéraire que je choisis est le plus direct pour rejoindre la piste principale qui mène au Camp de Base de l'Annapurna. J'ai lu cependant, je ne sais où, qu'il était déconseillé de le parcourir seul en raison de son caractère sauvage et retiré. On prétend même qu'au coeur de la forêt de Ghorepani des voleurs guettent les voyageurs solitaires pour les détrousser ! Je ne m'inquiète pas outre mesure, faisant la part de la légende et de la réalité. La construction de ce mythe est probablement fondée sur quelque événement avéré, mais qu'en est-il de sa fréquence ? Je fais confiance à maa bonne étoile et la pensée d'une mauvaise rencontre est loin de m'obséder. J'ai certainement plus de chances de rencontrer des bandes de singes langurs que de bandits de grand chemin, qu'on appelle dacoïts sur tout le sous-continent indien. Décidément si l'on suivait à la lettre toutes les mises en garde, entre les maoïstes et les dacoïts on ne partirait jamais trekker au Népal !
Oubliant toutes ces fantasmagories, je me concentre sur les dangers autrement plus concrets du terrain...
Il subsiste ça et là quelques plaques de neige dans la profonde forêt de pins bleus et de rhododendrons où pointent quelques bouquets de primevères. Tandis que je m'élève elles finissent par recouvrir de plus larges portions de sous-bois, masquant par endroits le sentier ombragé. La neige est gelée, il s'agit de bien négocier sa progression afin de ne pas dégringoler dans le petit ravin qui borde la trace. Je devine d'ores et déjà que j'en aurais quelques bonnes dizaines de centimètres dans les contrées plus élevées, sur le trek de l'ABC ! Mais la neige ne m'effraie plus, après le Thorong La... Le parcours de ce sentier verglacé aura finalement été le plus grand "péril" affronté aujourd'hui.
Bon finalement, ni détrousseurs de touristes, ni, à mon grand regret, de singes langur je n'ai croisés. En revanche, des chants d'oiseaux m'accompagnent tout au long de cette marche matinale. A plusieurs reprises, je me retouve nez à nez, si j'ose dire, avec de bien curieux spécimens de l'avifaune : des eulophes (Pucrasia Malocropha), une espèce de la famille des faisans, endémique dans tout l'arc himalayen., dont le mâle porte sur la tête un joli toupet de plumes vert brillant. A mon approche, ils se carapatent dans les sous-bois en criaillant, sans pour autant paraître bien effrayés. A Deorali, le panneau d'une lodge est d'ailleurs orné d'un dessin grossier de ce Common Koklass, tel que le volatile est dénommé en anglais. C'est sans nul doute la curiosité locale, mais peut-être, je l'ignore, fait-il partie des espèces protégées ? L'un des emblèmes officiels du Népal est une autre espèce de gallinacé, le faisan impeyan, ou danphé, que l'on rencontre assez couramment dans le Parc National de Sagarmatha (Everest). 


Eulophe macrolophe (famille des Phasianinés)