Chili : le cinéma ramène sa bobine à l’international

Par Anthony Quindroit @chilietcarnets

L’affiche du film “Violeta se fue a los cielos”, primé à Sundance et en route pour les Goya en Espagne

Cocorico ! Pardon : Empanadas et borgoña pour tout le monde. Le 29e Sundance film festival de Robert Redford a distingué deux films chiliens ce samedi 28 janvier 2012. Violeta se fue a los cielos (que l’on peut traduire par Violeta est monté aux cieux) d’Andrés Wood repart avec le grand prix international du jury. Joven y alocada (Jeune et folle) de Marialy Rivas décroche le prix du meilleur scénario. Un joli doublé pour le Chili.
Le premier raconte l’histoire de Violeta Parra (si vous ne la connaissez pas, c’est une figure emblématique du Chili dont Chili et carnets évoquait ici le destin). “Nous acceptons ce prix au nom de la communauté chilienne”, a déclaré Andrés Wood, tout sourire, en montant sur scène.
Le second est un drame familiale suivant les pas de Daniela, une adolescente de 17 ans, dont les parents évangélistes découvrent qu’elle a fauté. Emue, Marialy Rivas a évoqué, dans son discours, la dictature chilienne et son envie d’exorciser cette période trouble en devenant rálisatrice “pour échapper à cette violente réalité”.
Deux films sélectionnés, deux prix. Pour le Chili et pour son industrie cinématographique, c’est un carton plein. Mais c’est aussi une exception. Car l’industrie cinématographique au Chili peine à exister. Sur ses propres terres, dans ses propres cinémas, il est difficile de trouver un film chilien. Et aussi des spectateurs : ils ne se vend qu’environ 13 millions de billets chaque année au Chili, pour une population d’environ 18 millions d’habitants.
Mauricio tient une petite boutique de DVD près de l’avenue Mac Iver. Dans son magasin, les blockbusters US, pléthore de films français et italiens, les grandes séries télés… Mais les films chiliens sont presque inexistants. On trouve un exemplaire de Post Mortem, Santiago 73 (sorti en France et chroniqué ici). Pas représentatif d’un cinéma en mutation. Quant aux films de actalogue, ils semblent être purement et simplement introuvables !
Longtemps, le cinéma chilien, traumatisme oblige, n’a évoquer que la thématique de la dictature, au travers de fictions, d’histoires vraies ou de documentaires. L’accumulation a saturé le public, plus prompt à consommer un pop-corn movie.

  • “A part Mon ami Machuca, le cinéma chilien ne marche pas très bien au Chili. Les gens vont voir les films américains, ou les films étrangers pour ceux qui cherchent à se cultiver. Mais ils ne veulent pas voir des histoires qui sont trop proches de leurs vies. Et, bien souvent, le cinéma chilien, c’est ça”, analyse-t-il.

De fait, même les réalisateurs chiliens ont dû mal à faire exister leurs films dans les salles obscures du pays. Le joli film Bonsái de Cristián Jiménez (voir la chronique sur Chili et carnets) a connu un succès d’estime dans les salles de France, soutenu par son distributeur français. Le film n’était même pas encore programmé dans son pays d’origine au moment de sa sortie française. “C’est compliqué au Chili pour qu’un film sorte”, reconnaissait alors Cristián Jiménez. Compliqué car peu rentable. Peu rentable donc peu soutenu : un cercle vicieux. Mauricio, au milieu de ses DVD, raconte ses déboires de cinéaste en herbe :

  • “Il n’y a pratiquement aucune aides pour réaliser un film ici. Au contraire, il faut presque payer partout pour tourner. Ca fait vite grimper le budget et ça n’incite pas les jeunes à se lancer, à proposer de nouvelles choses. Et comme le label “film chilien” ne déplace pas les spectateurs, les exploitants de salles rechignent à les prendre.”

Difficile aussi de concurrencer la télévision ou le piratage – pour quelques pesos, on trouve dans la rue les derniers films à la mode – et le mode de consommation des DVD. Pour favoriser son exploitation en salle, les longs-métrages ne sortent en DVD qu’après le retrait totale de l’oeuvre du circuit des exploitants de salles. Encore faut-il qu’elle sorte cette oeuvre. Et cela donne lieu à quelques tour de passe-passe. Exemple autour du film Violeta… Le DVD officiel a été vu à la vente dans une grande enseigne chilienne et avait disparu deux jours après sans explication. Une organisation… atypique qui n’aide pas à la découverte.

A Santiago, quelques cinémas pour adultes ont encore pignons sur rue. Pour ce type d'établissement en revanche le nombre d'entrées n'est pas connu... (photo Anthony Quindroit)

Pourtant, Santiago, la capitale, dispose de nombreuses salles (dont le fameux Normandie) où sont diffusées des oeuvres moins entertainment. Mais on y projette là encore essentiellement des films étrangers (rétrospectives David Lynch ou Kusturica par exemple). On trouve aussi encore pas mal de salles de cinémas… pour adultes. Mais Chili et carnets n’est pas encore allé en reportage dans l’une de ces salles aux affiches étoilées.

Et pour un petit aperçu des films primés, les bandes annonces – dont celle très originale de Joven y alocada :