Sarkozy meuble trois mois dans l’urgence ou la panique

Publié le 31 janvier 2012 par Copeau @Contrepoints

Sarkozy s’est donc, dimanche soir, fendu d’un discours d’entrée en campagne. Passage obligé de tout chroniqueur politique, en voici son analyse, volontairement à froid pour éviter les réactions épidermiques naturelles devant un socialiste épileptique et brouillon.
Ce dimanche soir, Nicolas Sarkozy aura donc détourné le cours normal du flot de purée télévisuelle habituel pour entretenir les Français de ses doutes, de ses propositions pour les prochains mois et surtout pour faire passer, aussi discrètement que possible, la nouvelle ébouriffante de sa candidature à sa propre succession.

Et c’est donc à trois mois du scrutin que notre président se lance dans une vague de réformes dont on se demande si elles sont dictées par l’urgence ou la panique.

Certes, l’urgence de la situation, compte tenu des chiffres catastrophiques du chômage (à ce propos, les Français devraient en tirer toutes les conséquences, hein, Nicolas), de l’état de la zone euro, des finances publiques et des tensions du marché, n’est pas à écarter.

Mais l’aspect « panique » non plus tant on sent que cette prise de parole élyséenne vient directement en réponse au discours de François Hollande dans lequel la presse a cru déceler le réveil d’un homme d’état et s’en est fait bruyamment l’écho.

À l’aune de cette remarque, et sans même se pencher sur le contenu des propositions sarkoziennes, on sait déjà qu’il y aura matière à critiquer. Si gouverner, c’est prévoir, tout indique que cet exercice, réalisé quasiment du jour au lendemain, verse bien plus dans la réponse impulsive que dans la préparation mûrement réfléchie qui préside normalement à la destinée d’un pays. L’exercice de gouvernement, ici, tient plus du pilotage de rallye (avec un copilote qui prend des photos, l’air détaché et peu concerné) qu’à la prise de cap posée et réfléchie d’un capitaine de gros bateau majestueux sur des eaux agitées (et si l’image du Concordia vous imprime imperceptiblement la rétine, c’est normal).

A présent, au-delà de cette simple remarque, que trouvons-nous dans les propositions du chef de l’Etat ?

Eh bien il a pris la mesure du problème français, s’est rendu compte que l’Etat dépensait des sommes folles en pure perte, que les Français se sentaient engoncés dans un carcan de lois liberticides, et a décidé de couper dans les dépenses, d’arrêter de créer de la dette, de libérer les énergies en assouplissant des milliers de page de codes divers et variés (fiscalité, emploi, bancaire, etc…) ! C’est génial.

Non, c’est une blague.

Dans la plus parfaite continuation de ce que fut son quinquennat, Sarkozy s’est ici borné à aligner quelques propositions cosmétiques et quelques autres qui se résument essentiellement à accroître encore l’impact de l’Etat dans la vie et les finances déjà tendues des citoyens français.

Et ça commence ainsi par une augmentation de la TVA de 1.6 points, l’amenant à 21.2%. La pression fiscale et taxatoire française continue d’augmenter. Comme elle n’a pas cessé de le faire sur les quarante dernières années et que cela s’est traduit par la situation qu’on connaît actuellement, on a donc déjà une bonne idée de ce que ça va donner.

L’excuse ici est d’utiliser les « finances » ainsi dégagées pour baisser les charges patronales. On pouffe et je prends les paris que ces charges ne diminueront pas ou en tout cas dans une proportion si faible que l’impact sera nul. Le chômage va continuer à augmenter. Et la consommation va baisser, le pouvoir d’achat diminuant d’autant que la TVA monte… (A ce propos, le prix des péages d’autoroutes aussi augmente. Comme l’essence. Comme le reste. Tout va bien.)

Pour le logement, Sarkozy a choisi, là encore, de continuer ce qui a toujours été fait : faire intervenir l’état, continuer à tordre le marché bien au-delà de son point d’équilibre, en augmentant, arbitrairement, de 30%, les surfaces constructibles sur les terrains où cela est possible. Pourquoi pas 20% ? Pourquoi pas 50% ou 100% ? Mystère et boule de gomme. L’Etat Omniscient sait pourquoi. Si, dans les mois qui viennent, les loyers et les prix de l’immobiliers tombent, cela ne sera certainement pas dû à ce bricolage.

Pour l’apprentissage, Sarkozy propose — comme c’est surprenant — d’augmenter les amendes des vilaines et méchantes entreprises qui ne prennent pas d’apprentis, et, dans la foulée, en a augmenté les quotas. Je dis « quotas » puisqu’il s’agit de ça : un peu comme les handicapés, les femmes ou les minorités visibles, les entreprises françaises, citoyennes et éco-conscientes, se font fort de respecter maintenant tout un tas de petits quotas bien classifiés pour leur personnel. En définitive, ce sont les institutions de l’Etat Omniscient qui définissent ce qui est bon pour l’entreprise (car il sait mieux qu’elle). On voit mal en quoi l’impact de ces nouvelles brimades va instantanément améliorer le sort des milliers de jeunes chômeurs.

Parallèlement, on croit deviner l’envie, pour Sarkozy, d’en finir une fois pour toute avec les 35H. Pourquoi pas ? Mais dans ce cas, pourquoi maintenant, à trois mois des élections ? Cette simple question permet de comprendre qu’il n’en sera rien : les 35H ne seront pas touchées. On est ici dans la pure cosmétique électoraliste.

Enfin, côté Grand Mal Absolu, à savoir les finances, Sarkozy ménage un peu le secteur en lui évitant l’anathème hollandais. Il n’en reste pas moins vissé sur ses positions anti-libérales primaires, ce qui a bien sûr le don d’agacer les autres socialistes (officiels).

À ce sujet, il est piquant de voir nos élites se battre pour paraître le plus socialiste possible, tout en accusant en même temps le pays de sombrer dans le turbo-néolibéralisme...

Relançant l’idée fadasse d’une n-ième mouture de fonds d’investissement d’état à la CDC mais en version rikiki, passe-partout ou modeste, le chef de l’Etat propose une banque spécialisée dans l’investissement industriel. Comme disent les Américains : « been there, done that, got the t-shirt ». On sait déjà que ceci n’aboutira au mieux sur rien de concret, et au pire sur une nouvelle structure institutionnelle pour garer des amis.

Enfin, et toujours dans le chapitre de la Folle Finance Qu’il Faut Réguler (Encore Plus), la taxe Tobin, sortie par la porte il y a quelques années, revenue par la fenêtre il y a quelques mois, et repartie à la faveur d’un retournement d’actualité, réapparaît par la cheminée : avec 0.1% sur les transactions financières, c’est sûr, l’Etat est sauvé et la Folle Finance domptée. Pas fou, on sait déjà que cette taxe ne touchera pas les obligations (d’état, notamment), et qu’elle a lamentablement foiré lorsqu’elle fut appliquée dans d’autres pays, ce qui fait autant de bonnes raisons pour l’appliquer chez nous, en fanfare.

Bref.

Si l’on évacue les petites piques, les mouvements de bras, les phrases floues et les promesses bidons (désolé, Lejaby), il ne reste qu’un régiment d’augmentations de taxes, de mesures spécieuses et de petits bricolages qui ne résoudront absolument aucun des problèmes français.

Pas de doute : ce pays est foutu.
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