Robert McGinnis : opération séduction

Publié le 10 février 2012 par Hongkongfoufou

Par Hong Kong Fou-Fou

 

Comme nos lecteurs fidèles (on a des noms) l'auront remarqué, une bonne partie de la rédaction de Fury Magazine est friante d'un certain cinéma d'une certaine époque. Ca ne veut pas dire grand' chose, je confirme. Je parle de films aux couleurs saturées, dans lesquels les participants de ce qu'on appelait encore "fusillade" et non "gunfight" tenaient leur flingue à la verticale plutôt qu'à l'horizontale. Des films dans lesquels l'héroïne ne couchait pas dès le premier soir, sauf si son prétendant portait un matricule double-0, et encore non sans avoir émis un "Oooh, James..." réprobateur. Bref, des femmes au comportement aussi irréprochable que leur mise en plis. Des films, encore, dans lesquels les personnages se donnaient rendez-vous dans des clubs de jazz enfumés plutôt que dans des fast-food ou des cyber-cafés. Des films, enfin (j'aime bien les introductions à rallonge), dont l'affiche n'était pas réalisée sous Photoshop mais confiée aux pinceaux d'un illustrateur.

Robert McGinnis est l'un de ces illustrateurs. L'un des plus illustres de ces illustrateurs, même. Pour être parfaitement honnête avec vous - ça va faire cinq ans qu'on se connaît, je vous dois bien ça (je parle aux lecteurs fidèles) -, il y a quinze jours j'ignorais qui était Robert McGinnis. Disons plutôt que je le connaissais sans le savoir. Les affiches de Thunderball, Casino Royale, Barbarella, Our man Flint, Il était une fois la révolution, Diamants sur canapé, Matt Helm, c'est lui. Il a croqué Raquel Welch, Sophia Loren, Audrey Hepburn. Il les a croquées sans craquer. Que le grand cric me croque. Il devait travailler sur photos. Ou les mains attachées dans le dos, comme Ulysse à son mât. Pas possible autrement. Il a dessiné également Sean Connery, James Coburn, Woody Allen, même. C'est notre trop rare mais néanmoins vigilant collaborateur Getcarter qui m'a récemment fait découvrir l'univers de cet artiste. Et depuis je développe une addiction inquiétante à ses pin-ups de papier.

Je ne sais pas grand' chose sur Robert McGinnis, si ce n'est qu'il est né en 1926 et qu'il a fait ses premières armes chez Walt Disney. Heureusement pour nous, il en est vite parti. Ils n'aimaient peut-être pas là-bas la façon qu'il avait de dessiner Minnie et Daisy en bas couture, alanguies aux pieds de Mickey qui dégustait un scotch. McGinnis a réalisé dans les années 50-60 plus de 1400 couvertures de romans, notamment plusieurs "Modesty Blaise", "James Bond" et "Parker", le héros cynique et vengeur de Donald Westlake (sous le pseudonyme de Richard Stark). Un personnage qu'on aime bien, ce Parker, pas seulement en bouquins, mais aussi en BD (la sublime adaptation de Darwynn Cooke) et au cinéma (Point Blank, Mise à sac ou, plus récemment, Payback). Il a également réalisé au début des 60s quelques dessins plus osés pour le magazine de charme "Cavalier". Non signés, ce qui lui a permis de ne pas y aller avec le dos de l'écuyère en matière d'érotisme...

Je vous parlais il y a peu de Pierre Joubert, qui est certainement mon illustrateur favori. Les dessins de McGinnis ne remettent pas en cause l'admiration que je porte à Joubert, mais entre les chevaliers en armure, les scouts en short, les aventuriers en saharienne de l'un, et les bikinis, les robes fourreau, les chevelures étalées sur un oreiller de l'autre, j'ai vite choisi. J'ai honte de vous l'avouer, mais je n'en ai pas honte. Vous voyez à quel point je suis troublé.

Aujourd'hui, l'oeuvre de McGinnis serait vouée aux gémonies. Les féministes diraient que les femmes y sont réduites au rang d'accessoire de plaisir des mâles dominants. Les psychologues du dimanche diraient que l'arme que tiennent la plupart des hommes est révélatrice d'une impuissance larvée. Les moralisateurs diraient qu'on y fait l'apologie du tabac et de l'alcool. Foutaises. Il faut surtout voir dans ces peintures le témoignage d'une époque pas si lointaine et pourtant révolue où les hommes étaient (un peu plus) virils et élégants, et les femmes (un peu plus) féminines et sûres de leur charme. Et ce que j'apprécie par dessus tout : où leur peau dénudée n'était pas entachée de disgracieux tatouages. Regardez les dessins ci-dessous, et que celui qui n'est pas émoustillé me jette le premier escarpin...



Pour terminer, quelques extraits d'un DVD sur ce talentueux illustrateur, "Painting the last rose of summer" : 

http://youtube/YDTovoLGinE http://youtube/1_66YEbVtaA