Umar TIMOL (Île Maurice).

Par Ananda

CHRONIQUES MAURICIENNES OU LES CHRONIQUES DESABUSEES D’UN CHAT.

(1)

Permettez-moi d'abord, puisque la politesse l'exige et puis je suis d'une politesse extrême, de me présenter. Je suis Chaton le chat. Je dois reconnaitre que c'est un nom qui est loin d'être original mais il faut, si vous souhaitez en savoir plus à ce propos, en parler à mon maitre, le très honorable Monsieur T. J'imagine que certains parmi vous ont un sourire narquois aux lèvres, après tout les chats n'ont apparemment guère de compétences intellectuelles mais je vous prie de ravaler votre maudit sourire. Je suis Chaton le chat et je suis un chat pensant. Vous avez bien entendu. Un chat pensant. J’estime qu’il est temps d’en finir avec les odieux stéréotypes à propos des chats, j’en ai franchement marre de l’image quasi exotisante et impérialiste du chat, ainsi il serait paresseux, bête et doux. Je suis un chat pensant, je pense, je réfléchis, j’observe et j’exerce des réflexions fort complexes. Je ne peux évidemment pas communiquer avec les humains d’où ce malheureux malentendu à propos de mon identité réelle. Mais cela d'une certaine façon me sert car je peux disséquer l’humain dans sa pleine nudité. Je ne parle évidemment pas de sa nudité métaphorique, je ne m’intéresse guère à son corps, qui est le plus souvent grossier. Je tiens à apporter cette précision car, par les temps qui courent, on ne sait jamais, je ne veux certainement pas me retrouver à la une d’une quelconque feuille de chou, Chat bizarre épie son maitre dans la salle de bains.

Je crois qu’il est utile avant d’aller un peu plus loin de parler de mes origines. Le plus grand flou règne malheureusement à ce sujet. Ainsi je ne sais rien à propos de mes parents. Je rêve parfois d’eux. Qui étaient-ils ? Est-ce qu’ils m’aimaient ? Est-ce qu’on se reverra un jour ? Il y a en moi, dans les tréfonds de mon cœur, comme un vide. Je ne sais pas ce que je suis, d’où je viens. Ce qui explique sans doute mon tempérament philosophique, ce besoin constant d’interroger le monde, de sonder l’être et le paraitre. Ainsi est la destinée des chats, nous sommes des nomades et des exilés, en quête d’une origine, qui toujours nous fuit. Tout ce que je sais c’est que lors de l’éveil de ma conscience, j’étais dans les bras de Monsieur T, mon très honorable maitre. Je vis avec lui depuis bientôt cinq années. Il est âgé de trente ans et habite dans une petite maison à Rose-Hill. Il est enseignant et, pour des raisons qui m’échappent, toujours célibataire. C’est un homme tout ce qu’il y a de plus charmant. Il m’aime d’un amour quasi paternel. Il ne sait certes pas que je comprends le langage humain mais on communique autrement, par la pensée. On vit, à vrai dire, comme un couple, on a nospetites habitudes et nos petites manies. Ainsi la nuit, on se rend sur le toit de la maison et on observe, patte dans la main, longuement les étoiles. Avant de dormir, tandis que je ronronne, il me fait la conversation, il me parle du monde, du ciel et de l’univers.

Je crois pouvoir dire que je suis un chat heureux. Je suis désormais vieux et j’ai appris à modérer les velléités de mon tempérament de feu. Je consacre l’essentiel de mon temps à la quête intellectuelle. Mon maître dispose d’une belle bibliothèque et je nage, quand le temps me le permet, dans un océan de livres. Je m’intéresse depuis à l’histoire, à celle de la Chine notamment. J’espère puiser dans les livres un savoir qui m’aidera dans mon cheminement vers la vérité. Il m’arrive aussi d’écrire, rien de très sérieux évidemment, je n’ai pas de prétentions littéraires. Je me suis essayé à la poésie mais sans grand succès. Depuis peu j’écris des chroniques. J’en ai écrit plus d’une vingtaine, toutes consacrées à ce peuple admirable, les Mauriciens. Ai-je précisé que je suis mauricien ? Je ne le crois pas. Pardonnez ma mémoire défaillante. Je ne dispose bien sûr pas d’une carte d’identité à cet effet mais je suis fier d’être mauricien et quand il m’arrive de parler à des chats à l’étranger, grâce à la magie du net, je ne cesse de vanter les mérites de notre île paradisiaque. Mais qui dit amour dit aussi lucidité d’autant plus que je suis un fin observateur. Je vous propose donc de lire quelques-unes de ces chroniques. Je tiens à préciser, une fois de plus, que je n’ai aucune prétention littéraire. L’écriture est une maitresse qui requiert des sacrifices. Je me contente d’écrire pour le plaisir. Et qui prendrait, de toute façon, un chat écrivain au sérieux ?

Je veux tout simplement mettre ma sagesse au service de l’humanité.

à suivre…

Umar Timol