L’Allemagne a laissé tomber la Grèce

Publié le 13 février 2012 par Copeau @Contrepoints

Manœuvres de Berlin pour tenter de pousser la Grèce à la sortie de l’Union Européenne, tout en préservant l’image de l’Allemagne.

Par Pasm, Bruxelles, Belgique

Depuis quelques jours, il apparaît de plus en plus probable que Berlin a pris la décision de cesser l’aide à la Grèce. L’échec de l’accord sur le dernier plan d’austérité n’est qu’un indice de plus à l’appui de cette idée. Les déclarations récentes sur la mise sous tutelle de la Grèce et les propos de Neelie Kroes vont dans la même direction.

1) Politiquement, le tout grand problème quand on prend la décision de laisser tomber un partenaire, c’est de ne pas passer pour le salaud de service. Après tout l’argent qui a été gaspillé, le gouvernement allemand ne peut pas annoncer benoîtement qu’il laisse la Grèce faire défaut. Non seulement, il serait politiquement affaibli, mais il n’est pas sûr que les partenaires européens ne trouveraient pas un moyen pour lui forcer la main. De plus, si les choses tournent mal (et elles tourneront mal), il passera pour le responsable du désastre aux yeux du monde entier. En négociation, il existe une solution très simple pour contourner cette difficulté, il s’agit d’affirmer son désir de continuer la relation tout en y mettant des conditions telles que le partenaire ne peut que refuser d’y souscrire. Ainsi, c’est l’autre qui fait le pas décisif et qui porte la responsabilité de la rupture. J’interprète de cette façon la demande récente faite par l’Allemagne de placer la Grèce sous tutelle et de confier la responsabilité budgétaire à un commissaire européen spécialement désigné. Il aurait été totalement impossible pour la Grèce d’accepter cette proposition. Hélas pour Mme Merkel, les partenaires européens, dont une bonne partie vont bientôt suivre le chemin de la Grèce dans la crise, se sont refusés à entériner une proposition qui allait les concerner dans le futur. Échec.

2) Le coup suivant est venu des Pays-Bas. Le 7 février, la commissaire européenne Neelie Kroes a déclaré qu’il “n’y aurait pas mort d’homme si la Grèce quittait l’Euro”. Le jour même, le premier ministre néerlandais, Mark Rutte, s’est déclaré « d’accord » avec Mme Kroes. Il s’agit évidemment d’une manœuvre en service commandé par Berlin. Les Pays-Bas sont un des derniers États triple-A d’Europe et, comme l’Allemagne, doivent payer pour tout le monde. Quelques jours avant la sortie de Mme Kroes, les pays triple-A s’étaient donnés rendez-vous à Berlin. Aucun doute que l’on s’est réparti les rôles. Encore un fois, il fallait préserver l’image de l’Allemagne et ce sont donc les Pays-Bas qui se sont chargés de tirer ce ballon d’essai et de tester la réaction des partenaires européens. On peut dire qu’elle n’a pas été franchement hostile. Bien sûr, Barroso a rappelé que la place de la Grèce était au sein de la zone Euro. Mais, là encore, il ne fait que jouer son rôle sans trop de conviction et on l’imaginait mal dire autre chose. Pour le reste, aucune réaction. Dans la population, par lassitude, le défaut grec semble être devenu une évidence et plus personne ne s’offusque de ce qui semblait inconcevable, il y a seulement 2 ans. Manifestement, l’opinion publique est mûre pour le défaut.

3) Enfin, cette nuit, les ministres européens des finances ont renvoyé les Grecs à leur copie concernant leur dernier (en date) plan d’austérité. On parle de l’obligation pour Athènes de préciser les moyens pour réduire les dépenses de 325 millions d’Euros. Dit comme ça, ça semble important, mais, en réalité, c’est une paille. Le nouveau plan d’aide en discussion porte sur 130 milliards et l’ensemble de l’aide à la Grèce représente le montant astronomique de 400 milliards d’Euros. On refuse leur plan d’austérité pour des imprécisions sur une somme équivalente à 0,1% de la facture totale ! À titre de comparaison, lors du prochain contrôle budgétaire, la Belgique doit trouver 2,5 milliards d’Euros, soit prêt de 8 fois le montant litigieux grec. Si la volonté d’aboutir était là, on ne ferait pas une telle montagne de montants aussi faibles. L’objectif est manifestement de se montrer à ce point exigeant que les Grecs finiront par refuser de se plier aux diktats allemands.

La décision est prise, la population est prête, et la récente hausse des marchés diffuse un dangereux sentiment de confiance. Tous les ingrédients sont réunis pour sauter dans l’inconnu.

Accrochez vos ceintures.

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