Whitney Houston : hommage batemanien

Publié le 12 février 2012 par Macadam Cowgirl

Vu aujourd'hui sur le Twitter de Bret Easton Ellis :

En substance, ça donne : "Whitney Houston : oui, ce soir, quelque part, Patrick Bateman pleure, est choqué mais pas surpris, et il commande trois putes au lieu de deux...

Probable aussi qu'elles vont passer un sale quart d'heure.

Whitney Houston est morte aujourd'hui, à 48 ans. C'est donc le pire jour possible pour Patrick Bateman, le héros déjanté d'American Psycho. Il y a 27 ans, Breat Easton Ellis faisait à travers Pat la meilleure critique possible de l'artiste. Une critique de fan hardcore, mais qui lui rendra justice mieux que tout le verbiage des nécrologies AFP.

"C''est en 1985 que Whitney Houston a fait une apparition fracassante dans le paysage musical, avec l'album qui porte son nom, lequel comportait quatre titres premiers au hit-parade, dont The Greatest Love of all, You Give Good Love et Saving all my Love for you, et devait en outre remporter le Grammy Award de la meilleure performance vocale féminine pour les variétés, ainsi que deux American music Awards, celui du meilleur album de rythm and blues, et celui de la meilleure vidéo de rythm and blues. De plus, les magazines Billboard et Rolling Stone la sacraient meilleure nouvelle chanteuse de l'année. Avec un tel battage publicitaire autour de cet album, on est en droit de s'attendre à le trouver décevant et terne, mais Whitney Houston (Arista) se révèle un disque de rythm and blues étonnamment plein de chaleur, de finesse, somme toute un des plus satisfaisants de la décennie. Quant à la voix de Whitney, elle défie l'imagination. Il suffit de voir la photo de couverture (robe Giovanne de Maura) et celle, assez sexy, qui lui répond au verso (maillot Norma Kamali) pour deviner que ce n'est pas là l'habituel filet d'eau tiède du professionnalisme : certes, la musique est fluide, mais c'est un fluide intense, et la voix de Whitney se joue si bien des limites, avec une telle capacité d'adaptation (encore que Whitney demeure essentiellement une chanteuse de jazz), qu'il est difficile de s'imprégner de l'album à la première audition. Mais là n'est pas le but. C'est un disque à déguster, encore et encore.

Les deux premiers morceaux, You Give Good Love et Thinking about you, tous deux réalisés et arrangés par Kashif, bénéficient d'un arrangement jazzy, chaud et luxuriant, mais avec une rythmique contemporaine au synthé; ce sont là deux très bonnes chansons, mais l'album ne décolle vraiment qu'avec Someone for me,  réalisé par Germaine Jackson, que Whitney chante avec avec mélancolie, sur un rythme diso-jazz très enlevé, créant ainsi un décalage extrêmement émouvant. Saving all my Love for you est la ballade la plus sexy, la plus romantique de l'album. Elle bénéficie d'un fantastique solo de saxophone par Tom Scott, et l'influence des groupes vocaux féminins des années 60 y est perceptible (elle a été coécrite par Gerry Goffin), bien que ceux-ci n'aient jamais atteint un tel degré d'émotion ou de séduction (ni une telle qualité de son). Nobody loves me like you do, un fantastique duo avec Germaine Jackson (et qui l'a également réalisé) n'est qu'un exemple de la qualité des chansons de cet album. La dernière dont il souffre est bien le manque de textes valables, ce qui arrive généralement quand une chanteuse n'écrit pas ses propres chansons et doit laisser son producteur les choisir pour elle. Mais Whitney et ses amis ont été heureusement inspirés.

How will I know, à mon sens le meilleur morceau de danse des années 80, évoque avec allégresse les tourments d'une fille qui ne sait pas si un garçon s'intéresse ou non à elle. Le riff au clavier est superbe, et c'est le seul titre de l'album qui soit réalisé par Narada Michael Walden, l'enfant prodige. La ballade que je préfère, personnellement (mis à part The Greatest Love of all, qui demeure au-dessus de tout), est All at Once, l'histoire d'une femme qui s'aperçoit soudain que son amant s'éloigne d'elle. L'arrangement des cordes y est magnifique. Rien dans l'album ne semble être du remplissage à part, peut-être, Take Good care of my heart, un autre duo avec Germaine Jackson, qui s'éloigne des racines jazzy de l'album, et paraît trop influencé par la dance music des années 80. 

Cependant, nous retrouvons le talent de Whitney, plus grand que jamais, dans l'extraordinaire The Greatest Love of all, une des plus fortes, des meilleures chansons jamais écrites sur la dignité et le respect de soi-même. De la première à la dernière ligne (dues à Michael Masser et Linda Creed), c'est une ballade qui parle, de façon magistrale, de la foi en soi-même. C'est là une proclamation pleine d'intensité, que Whitney chante avec une noblesse qui confine au sublime. Son message universel dépasse toutes les frontières, pour instiller chez l'auditeur l'espoir qu'il n'est pas trop tard pour s'améliorer, pour être plus humain. Puisque, dans ce monde, il nous est impossible de nous ouvrir aux autres, nous pouvons toujours nous ouvrir à nous-même. C'est la un mesasge important, essentiel en vérité, que ce disque nous transmet superbement."

Là, Bateman-Ellis fait également la critique de son deuxième album, puis conclut : "Nous attendons encore beaucoup de choses de Whitney (elle a fait une apparition bouleversante aux J.O 1988, nous offrant un magnifique One moment in Time), mais même si ce n'était pas le cas, elle demeurerait néanmoins l'une des voix noires les plus passionnantes et les plus originales de sa génération."

Extrait (comique) du film American Psycho relatif à Whitney Houston :

Eh oui : Bateman est la preuve qu'on peut être extrêmement sensible et adoré les threesome sanguinolents... réalisés sur la musique de Whitney Houston bien sûr.