Dassault : réflexions supplémentaires

Publié le 17 février 2012 par Egea

Le retournement de la presse est incroyable : il était de bon ton, il y a trois mois encore, de brocarder le constructeur et d'expliquer, l'air entendu, qu'il était trop cher et qu'il ne savait pas vendre. Bon, en plus, le fait que l'entreprise soit également propriétaire du Figaro n'est pas non plus le meilleur moyen d'encourager une vue un peu distanciée des uns ou des autres : c'est vrai. Toujours est-il qu'on est surpris par le déferlement d'enthousiasme actuel : outre l'Inde, voici le Brésil, qui sait les Émirats, il se dit même que la Suisse se reprendrait et, peut-être, peut-être, il se murmure que la Malaisie, elle aussi....

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1/ Bien évidemment, voici une sorte de patriotisme qui arrive au devant de la scène : en fait, nous étions collectivement un peu humiliés de voir ce "meilleur avion du monde" se faire renvoyer de toutes les compétitions. Certes, toujours second, mais jamais premier. Et si on sait bien que le marché de l'armement est un marché très politique, on y voyait la preuve d'un pragmatisme anglo-saxon agaçant. Ce succès annoncé remet du baume au cœur, et la décision indienne qui ouvre la voie à d'autres décisions valide ex post la stratégie suivie.

2/ Car cela justifie, puisque l'on parle de décision politique, une certaine idée française de la BITD. Le Financial times est assez faux-..ul d'expliquer cette semaine que ce succès empêchera la recomposition de l'industrie française de défense : pour le coup, la décision confirme la stratégie nationale et donc la défense d'un intérêt national (français) qui n'est pas forcément du goût de ce sommet de l'establishment, le vrai, celui de la City et de Wall Street réunis.

3/ Un point rarement mentionné : dans toutes les compétitions, Dassaut arrivait toujours second. Cette fois-ci, il semble qu'il n'y ait pas eu de commission cachée et qu'effectivement, la procédure ait suivi rigoureusement le cahier des charges de la compétition. Ceci expliquerait-il cela ? D’ailleurs, subitement, on apprend que l'offre était "la moins chère" : mais si elle est la moins chère en Inde, elle est logiquement la moins chère partout : parce qu'un avion, c'est comme une voiture, ça a un prix, sur lequel on peut ristourner un peu de marge mais pas tant que cela. Bref, cet avion n'est pas aussi "dispendieux qu'on nous l'avait décrit ?

4/ On remarquera également quelque chose qui est peu évoquée : un des critères de choix des Indiens tenait au coût de possession, à l'horizon 2040. Tient, un appareil ne coûte pas seulement le prix de son achat sur étagère ? et il faut aussi prendre en compte le coût du MCO dans l'équation ? et même, se tenir à l'équation parce que si on réduit les séries ou qu'on les décale dans le temps, on augmente les dits coûts de possession ? Là, il y aurait presque des idées à prendre chez les Indiens, parce que le génie français, sur ce plan là, n'a jamais vraiment convaincu. Les LPM n'engagent que ceux qui y croient ?

5/ Enfin, l'expérience libyenne a certainement joué : car là, en opération, on a vu la différence entre les avions français et les avions anglais. Et y avait pas photo. Le proved at war a vraiment fonctionné.

En ces temps de six nations, peut-être peut-on enfin dire à nos amis anglais, en ce jour de sommet franco-anglais : sorry, good game !

O. Kempf