C’est pour ton bien, de Alma Brami

Par Litterature_et_chocolat @HeleneChoco

L’enfer est pavé de bonnes intentions…

Vouloir faire le bonheur d’une personne est d’autant plus risqué que l’issue est incertaine. Alors quand tous les membres d’une même famille s’y mettent et décident d’agir pour le bien des uns et des autres, on court à la catastrophe. Et si un soupçon d’égocentrisme venait rétablir l’équilibre?

RÉSUMÉ :

Lili n’aurait pas dû tomber enceinte à 17 ans. Dans son milieu, on n’avorte pas, pas plus qu’on ne devient fille-mère. Lili mène sa grossesse en secret, enfermée dans sa chambre par des parents engoncés dans leur morale religieuse, jusqu’à la naissance de sa petite Charlotte. Rejetée par sa famille, Lili va former un couple fusionnel avec sa fille. Et tout faire pour son bien.

MON AVIS : une parfaite maîtrise des codes romanciers font de ce livre une vraie réussite.

Alma Brami chouchoute ses personnages. Tous ont droit au même traitement, l’auteur s’interdit le manichéisme simpliste et confortable du gentil héros affrontant ses méchants ennemis. Il en résulte un roman d’une troublante acuité sociologique et psychologique. Rares sont les livres dans lesquels tous les personnages, malgré leurs défauts criants, dégagent une telle authenticité. Leurs failles et leurs maladresses les rendent d’autant plus attachants et touchants. Dans l’univers d’Alma Brami comme dans la vie, rien n’est tout blanc ou tout noir, tout n’est que nuances d’un gris teinté d‘un optimisme et d’une joie de vie redoutablement efficaces qui font de C’est pour ton bien une lecture réjouissante et rafraîchissante.

C’est pour ton bien est une histoire atemporelle, qui n’appartient à aucune culture, à aucun lieu, à aucune religion : il y est question de la transmission de valeurs familiales, et de la façon dont chaque parent souhaite faire le bonheur de ses enfants.  D’un côté, les parents de Lili, rigides et sévères, pour qui le respect des principes religieux et la peur du qu’en dira-t-on constituent les gages d’une vie paisible et sereine. De l’autre côté, la profonde croyance de Lili que le bonheur de sa fille passera par un amour maternel inconditionnel, au risque de tomber dans une totale abnégation de son propre bonheur, pour faire de la vie de son enfant un plaisir de chaque instant. Pour autant, Charlotte sera-t-elle plus heureuse que sa mère?

L’auteur ne cherche pas tant à nous faire réfléchir sur le meilleur moyen de rendre les gens heureux, pas plus que sur l’éducation idéale. Dans ce qui ressemble à un huit-clos entre des personnages dont on ne sait finalement pas grand chose se dessine une interrogation : et si le bonheur des enfants passait d’abord par celui des parents?

JE VOUS LE CONSEILLE SI…

… vous pensez faire le bien de votre entourage malgré lui. Ce qui est bien pour moi l’est-il pour les autres? Ma conception du bonheur convient-elle à mes enfants? Peut-on faire le bonheur de ses enfants si on s’interdit soi-même d’être heureux?
… vous n’avez pas encore lu de livres d’Alma Brami. Cette jeune femme gaie, souriante, brillante, écrit de véritables romans, qui ne cachent ni psychanalyse, ni autofiction, ce qui est d’autant plus remarquable que ses personnages sont très finement ciselés.

EXTRAITS :

Sans jamais tomber dans la critique stérile et méchante, Lili analyse avec une perspicacité savoureuse les travers du genre humain!

Lili n’avait jamais supporté le rapport à Dieu des autres. Suppliant, priant pour qu’on les épargne, qu’on leur pardonne, priant pour des miracles.
Des mots adressés vers Lui, pour ne parler que d’eux, seulement d’eux, d’eux, d’eux. [...]
On L’abreuvait de prières pré-écrites, de rituels au lever, au coucher, avant et après les repas, tout était fonction de Lui et de la crainte perpétuelle de Le froisser.
C’était se donner beaucoup d’importance de croire que de si petits actes auraient une incidence sur Son humeur. La prétention des hommes, quel fléau!