Le Made in France façon Suzie Winkle

Publié le 19 février 2012 par Greenbeautiful @wa_off

Suzie Winkle est de ces jeunes marques, que j’apprécie presque moins pour son esthétique (et pourtant !) que pour sa capacité à nous faire redécouvrir, avec sincérité et fraîcheur, l’essence de la tradition de mode hexagonale.

Laury Aragues, la créatrice me reçoit dans ses locaux du 10ème arrondissement de Paris , en plein cœur des anciens quartiers de petites industries de la capitale (où boutiques et ateliers fleurirent dans le passé). Jolie coïncidence historique …

Un catalogue sous un bras, et des échantillons de tissus dans l’autre, elle m’invite à constater la qualité et la douceur au toucher des matières qui caractériseront la collection Printemps/Été 2012.

Son parcours

L’histoire commence par une école de commerce, au cours de laquelle elle a fait de nombreux stages dans la mode, son secteur de prédilection, notamment chez Agnès B, fervente activiste de la production locale, comme par prémonition.
Elle complète son parcours par l’Esmod pour se procurer les armes.

Puis, elle a l’opportunité de travailler 6 mois pour des ateliers en Inde. Une nouvelle occasion de « perfectionner son swing », avec la formation des employés locaux comme nouveauté, et le travaille de stylisme en freelance pour des créatrices de vêtements équitables.

Son expérience grandit et avec elle son envie d’indépendance.
Elle profite de cet apprentissage pour réaliser parallèlement sa petite collection à elle, sur place. De retour en France, elle cherche à commercialiser ses créations. Les petites ventes sont concluantes, elle travaille par ailleurs en indépendante chez les Fées de Bengale.
Maintenant, Laury souhaite transformer l’essai.

En 2007, sa propre marque Suzie Winkle voit le jour, mais le concept n’en est encore qu’à ses balbutiements. Depuis 2009, Laury s’y consacre à temps plein.

Ses tribulations sur le terrain, bercées par l’éthique d’Agnès B et des Fées de Bengale, l’influenceront au point de déterminer le choix de sa philosophie de travail.

« Ma marque a fait ses premiers pas en Inde, au début par attrait pour cette vrai tradition textile. J’aimais l’échange de savoir-faire avec les petits tailleurs, je connaissais les ateliers et voyais passer des médecins, je n’aurais pas pu travailler dans d’autres conditions…Ensuite, la distance est devenue une contrainte à mon échelle, elle m’obligeait à passer la moitié de mon temps sur place. A mesure que mes recherches de belles matières progressaient, je m’apercevais que je tombais la plupart du temps sur des artisans français, qu’il s’agisse des tisseurs, des ateliers… et puis il y a également la proximité, la réactivité, tout en conservant cette tradition du textile, avec un service quasi sur-mesure. Je voulais faire les choses bien. Tout concordait dans le choix de faire du made in France Là, je me suis dit Banco on y va ! »

Laury en me racontant son itinéraire, me donne l’impression d’une passionnée, téméraire, avec une ténacité dans un parcours où la chance n’a pas sa place… Il y a en elle, en plus du talent, mais qui ne suffit pas toujours pour avancer, une sorte de détermination ardente.

Elle me parle de son après-midi passé avec un chapelier pour sa prochaine collection.

Et il ne s’agit pas de la rencontre avec un artisan, mais avec une véritable personnalité. Elle est fascinée par ces gens qui transpirent leurs passions. Les mégissiers (travail des peaux pour la production du cuir) du centre de la France, par exemple, parlent de leur métier avec une immense de ferveur…

« on passerai des heures à les écouter » me dit-elle avec un large sourire. « Il n’y a plus grand monde qui fait de la fabrication française, et je trouve hallucinant que des façonniers ne trouvent pas de jeunes qui ont envi de travailler avec eux. », déplore la créatrice.

Le Made in France : avantage ou  inconvénient ?

Laury n’es pas une passionaria (elle ne fait pas de bio…), c’est juste une créatrice qui fait les choses avec amour, donc qui a envi de les faire bien, c’est là son éthique :

«les ateliers ont ce souci du détail et de la finition que je ne retrouve nulle part ailleurs. C’est une chance d’avoir des façonniers qui confèrent, par leur expertise, une valeur ajoutée certaine aux produits, où la main de l’ouvrière fait toute la différence…le local, c’est aussi un bilan carbone allégé… », explique-t-elle.

Cette position n’est malheureusement pas sans contrainte.

« C’est moins confortable, moins rentable, mais je préfère me risquer à la naïveté, me dire que je peux le faire, mais c’est assumé. »

Ses collections et inspirations :

La marque cible la femme de 25 /45 ans, et aspire à proposer le vestiaire des basiques de la parisienne.
Elle envisage de retravailler des pièces de ses collections précédentes, pour en faire LE vêtement préféré de nos penderies et qui racontera l’histoire qu’on veux bien lui attribuer…

« Je souhaite que ces pièces deviennent des classiques Suzie Winkle. On aura notamment le manteau Dursley qui reviendra l’hiver prochain dans d’autres couleurs… Étant nombreux sur le marché, c’est bien d’avoir des classiques identifiable de la marque. »

Pour les prochaines collections, elle proposera des pièces plus abordables pour élargir sa clientèle et contenter tout le monde

« je ne veux pas frustrer la jeune fille de 20 ans qui veut s’acheter du Suzie Winkle », explique-t-elle.

Une ligne de tee-shirt, réalisés à partir de matières (elle en découvre de nouvelles au fur et à mesure de son expérience) un peu moins chères, en collaboration avec une illustratrice qui fait un travail remarquable. La volonté de la créatrice est de faire du moyen/haut de gamme.

En terme d’inspiration, elle part souvent des matières et des couleurs, de là un fil conducteur tisse naturellement l’histoire que la créatrice aime raconter dans la collection.

Pour l’Automne/Hiver 20 11, elle avait imaginé le récit d’une balade à moto dans la campagne anglaise :

« on y retrouve des détails sports, la découpe dans des blousons de moto a été déclinée dans des matières anglaises : tweed prince de Galles, chevrons, laine bouclette, des matières qui font très vieil anglais… les zip font très sport et moto, j aime quand les thèmes viennent se bousculer, contrarier les choses… » décrit-elle.

Pour la collection Printemps/Eté 2012, elle s’est amusée à faire un travail autour des textures, tout en vaporisant à nos yeux (à travers les vêtements, les couleurs et les matières), les images de tribulations que chacune de nous peut vivre sur une plage privée, avec tous ces moments que l’on s’accorde, cette petite parenthèse de plaisir , imprégnées d’effluves de monoï, parfum de glaces, de tutti frutti…

Que répondrais-tu au cliché de la mode Bio ou Made in France c’est pour les riches ?

« Mieux vaut acheter moins et mieux… En ce qui me concerne, j’ai bien conscience que mes créations ne sont pas à la portée de tous les budgets, mais j’ai la volonté d’élargir la gamme, pour la rendre plus démocratique… Je ne suis pas une Ayatollah de l’écologie et de l’éthique, mais le tout est de faire de son mieux, quand on peut faire un petit effort, on le fait : c’est cette succession de petits plus plus plus, qui mènera à de vrais changements… »

« Je préfère aller chez mes copines Charlotte Sometime, Eple and Melk, Warmi, qui travaille avec des coopératives de tricoteuses en Colombie… », complète Laury.

Pour sa marque, elle prépare une collaboration avec Centre Commercial sur des vêtements (déjà réalisée su le modèle Dumfries en bleu marine et gris foncé), mais il faudra attendre l’été prochain pour en savoir davantage, car pour l’heure, elle désir entretenir le, mystère sur la nature de la collab’…