Initials B.B.

Publié le 20 février 2012 par Hongkongfoufou

Par Oddjob

Nous sommes injustes avec William Van Cutsem, né en 1935 à Anderlecht, et plus connu sous le nom de William Vance !

Injuste, oui, car si sa série la plus connue, XIII, est aujourd’hui le symbole pathétique d’une industrialisation galopante du 9ème Art, il n’en reste pas moins que les premiers épisodes de cette saga (disons jusqu’au tome 6, Le Dossier Jason Fly) sont d’excellente facture et continuent d’éveiller en nous de grands moments de lecture…

Injuste, encore, parce que la plupart de ses autres séries ne nous ont pas laissé de grands souvenirs, non pas en raison du graphisme "vancien", mais d’histoires peu excitantes.

Ainsi, les scénarios des aventures maritimes d’un Howard Flynn ou d’un Bruce J. Hawker, manquent cruellement de souffle du large et prennent souvent la tasse !

Quant aux chevauchées de l’agent de la Wells Fargo, Ringo, il faudra attendre le troisième et dernier tome, Trois Salopards dans la Neige, (avec un titre pareil, on est plus près d’un Peckinpah ou d’un Leone que d’un Ford…) pour flirter avec les canons du genre, Blueberry ou Comanche ! Il donnera cependant deux magnifiques Marshal Blueberry (toujours dans la neige !) avec Giraud au scénario… Collaboration qui tournera, malheureusement pour nous lecteurs, au vinaigre !


Enfin, on est toujours restés des plus circonspects à la lecture de ses deux séries médiévales, Rodric et Ramiro, joliment gothiques graphiquement mais lourdingues scénaristiquement.

Même "souci" que l’on retrouvera dans ses adaptations de Bob Morane, avec Henri Vernes à l’écriture : des couvertures somptueuses, dignes du grand écran, des planches flirtant par endroit avec le psychédélisme, voire l’abstraction (Druillet n’est pas loin dans L’Empreinte du Crapaud !!), mais des histoires frisant trop souvent avec une certaine niaiserie (Yann et Conrad n’auront pas à pousser beaucoup leur Bob Marone, tant les dialogues entre Morane et Ballantine prêtent trop souvent le flanc à tous les sous-entendus, même les plus graveleux…)

Alors que justice lui soit rendue, ici, avec les aventures de Bruno Brazil  et de ses acolytes du commando Caïman ! Car, avec Greg au scénario (signant Louis Albert), il trouvera l’occasion de nous gratifier de neuf albums essentiels (le tome 10 étant une "compilation" de planches de plusieurs époques, le fameux Dossier Bruno Brazil et le 11, La Fin, composé d’une histoire restée inachevée, complétée d’histoires courtes parues dans Tintin et Super Tintin).

Tout commence en 1969, donc, avec Le Requin qui mourut deux fois. Bruno Brazil est l’un des meilleurs agents des "services", l’organisation la plus secrète de défense internationale, dirigés par le colonel L. Ses cheveux sont déjà blancs (comme Bernard Prince, l’autre grand personnage de Greg…), bien coiffés. Il porte bien le costume élégant (certainement du sur mesure) et pilote une Mustang orange décapotable. Cette première mission le conduira dans un pays d’Amérique latine à la recherche d’un ancien dignitaire du 3ème Reich, que l’on croyait mort. Rien ne manque : gadgets, scènes de plongée sous-marine, jolie agent de liaison, courses-poursuites efficaces ! Toute référence à un ou des personnages existants est bien évidemment tout à fait fortuite… L’histoire est bonne, classique, et le dessin déjà en place, mais il manque encore le "plus" qui fera de cette série autre chose qu’une version bd d’un célèbre agent britannique.

C’est, en effet, avec le tome 2, Commando Caïman, que la série va prendre son envol, grâce à cette idée géniale d’associer à B.B. une bande de joyeux baroudeurs. Jugez plus tôt :

- Big Boy Lafayette, un ancien jockey,

- Gaucho Morales, un repris de justice,

- Whip Rafale, reine du fouet dans un cirque (et seul fille du groupe),

- Billy Brazil, le petit frère de Bruno (ça ne s’invente pas…),

- Texas Bronco, cowboy de son état.

Trois albums se détacheront du lot, et par leur graphisme et par leur scénario.

La Cité Pétrifiée verra le commando aux prises avec des "pirates du silence". Comme dans l’album de Franquin, une ville est attaquée par des malfaiteurs ayant au préalable endormi toute la population. L’action y est omniprésente et l’ambiance n’est pas sans rappeler New York 1997 et autres classiques du film d’anticipation, mais aussi l’épisode des New Avengers, Sleeper (Le S 95).

Avec La Nuit des Chacals et Sarabande à Sacramento, Greg et Vance vont nous gratifier de deux albums secs et violents, dans une Amérique des 70s qui nous est si chère, et véritables pendants graphiques des polars cinématographiques d’un Don Siegel !

 

Une autre "grande" idée sera de ne pas hésiter à tuer l’un ou l’autre des personnages principaux ! Ainsi, Big Boy trouvera la mort en mission dans Des Caïmans dans la Rizière et sera remplacé, dans l’album suivant, Orages aux Aléoutiennes (histoire assez glauque autour d’un trafic d’êtres et surtout de corps humains…), par un nouveau venu : Tony Nomade, au look hippie mais un as de la gachette !

Mais, en 1977, avec Quitte ou double pour Alak 6, le tome 9, ce sera une véritable hécatombe et surtout le chant du cygne : le petit frère, Billy, y passe l’arme à gauche, Texas Bronco est brûlé vif, Tony Nomade verra ses jambes déchiquetées et Whip Rafale quittera le service action, des suites de ses nombreuses blessures…

Bruno Brazil en sortira "brisé moralement, physiquement, (…) indemne, rassurez-vous !" (comme l’assène le Colonel L.). La série ne s’en relèvera pas, elle, assurant à Brazil un statut à part dans l’histoire des héros franco-belges !

Ainsi sont faits les (vrais) héros…