Portugal de Pedrosa

Publié le 02 février 2012 par Un_amour_de_bd @un_mour_de_bd
Suivons Simon, trentenaire déraciné et paumé dans sa recherche du bonheur.
Sans envie de travailler, d’aimer, ou de construire, Simon est en pleine perte de sens. il se cherche et ne sait à quoi se référer, ni quelles sont ses racines. Petit fils d’Abel, émigré portugais, il vit dans le souvenir lointain et flou d’un Portugal fantasmé par la famille…

Collection “Aire libre”
Dessin et scenario de Cyril Pedrosa
sortie le 16/9/2011
Sélection officielle 2012 au Festival d ‘Angouleme

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Public conseillé : Adolescent / Adulte, homme ou femme

Style : Récit intimiste et initiatique
Références : “L’auberge Espagnole” (2001) de Cédric Klapisch, “Le premier jour du reste de ma vie” (2008) de Rémi Bezançon

Présentation de l’éditeur

Quand un retour aux sources imprévu devient renaissance à soi-même.
Plus vraiment d’inspiration, plus d’envies et pas de projets, l’auteur de BD Simon Muchat végète doucement dans son boulot d’animateur scolaire, et exaspère Claire, sa compagne, qui le voudrait plus investi.
Invité à passer quelques jours au Portugal, dont sa famille est originaire et où il n’était plus allé depuis l’enfance, il va y découvrir une autre façon d’exister et d’être – et peut-être le début d’une nouvelle inspiration ?
Cyril Pedrosa nous livre un récit introspectif qui explore les plis et replis existentiels d’un quotidien sans histoire, devenu sans consistance et sans saveur. Le récit, aussi, d’une renaissance à soi, à travers la redécouverte d’un lieu d’enfance, noyé dans les brumes du souvenir.

Ce que j’en pense

Cyril Pédrosa nous gatte. J’avais été très ému par son “3 ombres” paru chez Delcourt. Son trait nerveux et son découpage clair m’avait captivé. J’avais plongé avec délectation dans cette fable sensible sur la perte d’un enfant. En me souvenant de toutes les émotions qui m’avaient envahies en lisant son dernier album, j’ai acheté avec bonheur et espoir ce nouvel opus.

Bon, c’est vrai, j’ai retardé cet achat (parution en Septembre ) au vu de l’épaisseur du volume (250 pages) et de son prix. 35 euros, ce n’est pas rien, mais si on le rapporte au temps de lecture et au bonheur de déguster ce pavé, c’est parfaitement justifié.
Car cet album se lit doucement, petit bout par petit bout. C’est avec le temps et la patience qu’on en perçoit toutes les nuances. Il se déguste par chapitre, tranquillement.

Mais quel en est le sujet ? le Portugal magnifié par le trait et les souvenirs de son auteur ?

Pas vraiment en fait… Pédrosa nous embarque dans “son” quotidien de trentenaire déraciné et paumé, en manque d’envie : envie de travailler, envie de s’investir amoureusement parlant, envie de construire, envie de vivre tout simplement…
Simon, son personnage est en pleine perte de sens. Il se cherche et ne sait à quoi se référer, ni quelles sont ses bases, ses racines. Petit fils d’Abel, émigré portugais, il vit dans le souvenir lointain et flou d’un Portugal iconisé par la famille, mais sans réalités à laquelle se rattacher.

De tout ses doutes, son manque de racines familiales, les non-dits à son propos (Quelles sont les raisons du choix d’Abel et son refus de retourner au pays ?) est visiblement ce qui le mine le plus. Il se trouve à ce tournant de sa vie ou il doit se construire son identité propre et sa raison de vivre en tant qu’adulte. Avec la fin de la jeunesse, des rêves perdus et des ratages quotidiens, il fau se réinventer et s’accepter.

Visiblement, Simon n’a pas fait ce travail. Il n’a plus envie de rien et laisse sa vie se déconstruire. De rencontres professionnelles en réunions familiales, il va apprendre à s’accepter, en intégrant son passé et celui de sa famille.

Bien sur, Pédrosa ne nous narre pas son histoire par le menu. C’est là, sa force. Par les petits moments partagés, les scènes de vies touchantes et vraies, nous touchons du doigt les errements et les interrogations de Simon. Ses changements sont lents au hasard de ses rencontres. Pédrosa témoigne de la démarche intérieure de Simon dans son quotidien. Il nous met en relation directe avec son personnage, en nous faisant partager sa vie intime.

Ce voyage intérieur m’a touché profondément. En lisant ses moments de vie tout simple, je me suis senti très proche de Simon. J’ai ressenti une vraie compassion pour lui car Cyril Pédrosa ne juge pas. Sans aucun but moraliste, il se contente de raconter à la première personne et au présent la vie intérieure de Simon. Il montre ses paradoxes et ses ratés, sans jamais prendre partie.

Bon, la fin “positive” (pas de grande fin heureuse, juste une éclaircie dans sa vie, une ébauche de nouveau départ) m’a aidé à prendre partie pour ce personnage si perdu. Le message est simple et on a envie d’y croire : Simon trouvera tant bien que mal un nouveau moteur pour avancer. Son retour au Portugal, pou comprendre et digérer son passé lui donnera le terreau pour se forger, pour grandir.

L’album est long, vraiment long, et suit pendant les deux tiers du récit, de nombreux tours et détours.
De discutions oiseuses en moments perdus ou en réunions de famille, Simon s’y perd et s’y noie avec grâce. Ce n’est qu’à la fin du récit qu’il se décidera à visiter son “Portugal” et à y puiser de nouvelles forces. N’attendez donc pas 250 pages dédiés à la beauté de ce pays. C’est 250 pages de souvenirs et de moments de vies que vous aurez à déguster.

Graphiquement, c’est un flamboiement auquel Pédrosa nous convie. Comme dans ”3 ombres” son trait est changeant. Sensible, aérien, il est souvent approximatif, mais toujours (et c’est étonnant) JUSTE pour traduire une émotion, une sensation. C’est la grande qualité de Cyril. Il croque avec une justesse incroyable les gueules, et les sentiments de ses proches. Il nous les explique, par son dessin avec efficacité. Aucun doute sur l’émotion qu’éprouve la petite mamie qui passe, la tante un peu saoule ou la cousine qu’il a perdue de vue. Sans connaitre sa multitude de personnages secondaires, on les reconnait tous. On les aime tous.
C’est une des caractéristiques de cet album : le changement graphique qu’il se permet d’une planche à l’autre. Son dessin s’adapte aux émotions, comme si son monde était influencé par sa perception. Les moments de doute sont sombre, torturés, terreux, tordus. Les moments de grâce et de sérénité sont lumineux, aériens, élégants, légers. Ce traitement aussi visible autant dans son trait que dans ses couleurs.

Pour résumer, Cyril Pédrosa nous offre un moment de vie (sa vie ?). Il nous entraine avec Simon à la recherche de ses racines et d’un nouvel équilibre. C’est un beau témoignage auquel il nous convie, avec pudeur et émotion. On ne peut que ressentir de la compassion pour son Simon si fragile et humain et si proche de nous. Ne cherchez pas dans ce pavé de grande aventures, ni de leçon de morale bien sentie. C’est à chaque lecteur d’y trouver son bonheur, en partageant ces moments intimes et sincères avec son auteur.

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