Europe : la folie du Planisme

Publié le 24 février 2012 par Copeau @Contrepoints

Dans quelques années, chacun se demandera comment un continent entier a pu ainsi basculer dans la crédulité collective face à une planification pareille.

Par Stéphane Montabert, depuis Renens, Suisse

Nous sommes dans les derniers jours de février, en l’an de grâce 2012. Après des mois de négociations laborieuses, à l’issue d’un n-ième sommet de la dernière chance, l’Union Européenne vient enfin d’arracher un accord avec la Grèce, les autres pays membres, le Fonds Monétaire International, la Banque Centrale Européenne et des représentants des créanciers du secteur privé.

Tout cela pour arriver à établir l’endettement grec à un niveau « soutenable » de 120,5% du PIB à l’horizon 2020.

Rien qu’en relisant la phrase précédente, on a un petit aperçu de l’absurdité totale dans laquelle s’est engouffrée l’Europe. Elle est absolue, abyssale, définitive. Mais nous sommes beaucoup trop le nez dans le guidon de notre course folle vers la faillite des régimes socio-démocrates pour nous en apercevoir.

Dans quelques années, bien avant le dénouement d’un plan voué à l’échec, l’évidence de ce délire pathologique nous sautera aux yeux. Rétrospectivement, chacun se demandera comment un continent entier a pu ainsi basculer dans la crédulité collective face à une planification pareille, et lui accorder ne serait-ce qu’une once de crédit.

Des politiciens professionnels probablement intelligents, grassement payés, conseillés par une armada d’experts de niveau international, abreuvés de dossiers, de résumés pour décideurs et d’une pléthore de diplomates et de techniciens Å“uvrant en coulisse pour mettre au point des accords internationaux de la plus grande complexité – une armée de cerveaux, donc – prétendent définir l’avenir économique d’un pays entier sur une période de huit ans.

Supposons qu’ils soient nombreux, motivés, compétents mêmes. Malgré tout leur talent, comment pourraient-ils déterminer à si long terme le destin d’un pays de 10 millions d’habitants, dans un continent avec 500 millions d’Européens, sur une planète comportant 7 milliards d’êtres humains ? Comment pourraient-ils prévoir la somme des comportements individuels d’autant d’acteurs économiques qui changent d’avis tous les jours ? Et sur huit ans, qui décident de poursuivre leurs études ou non, de se marier, d’émigrer vers tel ou tel pays, de plonger dans la criminalité, de se livrer au travail au noir ou de fonder leur entreprise…

Et encore, nos élites se sont battues comme des lions pour que le score d’endettement soit de 120,5% du PIB et pas 121%, au lieu des 120% initialement prévus. On admire la précision !

On pourrait croire que c’est réglé au millimètre mais en réalité, c’est juste grotesque. Un article du Point pudiquement intitulé La Grèce peut encore sombrer (quelle surprise !) fait la liste de quelques imprécisions et de leurs conséquences :

[Si] les Grecs dévient d’un seul de leurs objectifs, c’est la sortie de route assurée. Que l’excédent budgétaire primaire (avant déduction du paiement des intérêts de la dette) reste en dessous de 2,5% du PIB, comme c’est le cas actuellement, et la dette ne cessera d’augmenter. Que les revenus des privatisations n’atteignent que 10 milliards d’euros en 2020, au lieu des 46 milliards escomptés, et la dette ne descendra qu’à 148% du PIB ! Que la croissance économique soit inférieure à 1% par an jusqu’en 2020 et elle resterait à 143%. Que les taux d’intérêt d’emprunt du Fonds européen de stabilité financière (FESF), désormais chargé de lui prêter l’argent, augmentent de 100 points de base et la dette restera à 135 % en 2020…

Au final, l’option d’une sortie de la zone euro n’est pas totalement écartée.

« Pas totalement écartée », quelle heureuse tournure de phrase. Selon moi, les chances que la Grèce soit sortie d’affaire – enfin, si avoir un endettement du double des critères de Maastricht peut être considéré comme tel – et encore membre de la zone euro en 2020 sont très exactement de zéro.

Mais tout cela ne constitue que le hors-d’œuvre, c’est-à-dire les causes internes d’échec du plan. Il en existe une multitude d’autres, liés à l’activité économique mondiale et à la situation géopolitique que traversera le continent.

Ont-ils considéré tous les résultats électoraux possibles en Grèce ?

Ont-ils planifié la faillite prochaine du Portugal dans leurs équations ?

Ont-ils estimé l’évolution probable des régimes issus du « printemps arabe » sur les huit prochaines années, leurs conséquences à l’échelle européenne sur quelques facteurs annexes comme l’islamisme, la sécurité, l’immigration ?

Ont-ils intégré la prochaine guerre entre Israël et l’Iran, son effet sur les relations internationales ou le prix du pétrole ? Quel mois cela tombe-t-il exactement ? À moins que ces péripéties ne soient que des variables d’ajustement dans le Grand Plan ?

L’URSS avait ses plans quinquennaux ; l’Union Européenne fait beaucoup plus fort avec des plans sur huit ans. Ils ne fonctionneront pas davantage.

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