"MR 73" : sordide

Par Rob Gordon
Avec MR 73, Olivier Marchal s'adresse ostensiblement à ceux qui considéraient que 36 quai des orfèvres n'était qu'une version vaguement cinématographique d'un épisode du commissaire Moulin. Vous voulez du cinéma? Marchal va vous en donner. Du sordide, du torturé, du filmé avec les tripes, de l'hémoglobiné. Mais il ne suffit pas de se prendre pour Sidney Lumet ; encore faut-il avoir un minimum de talent.
MR 73 commence par le traditionnel carton "inspiré d'une histoire vraie", celui qui semble autoriser les auteurs à raconter n'importe quoi n'importe comment sous prétexte de retranscription de la réalité. Et c'est donc parti pour ce portrait d'un flic au bout du rouleau, qui traîne sa carcasse alcoolisée entre quelques bureaux sordides (y a pas de budget peinture, au ministère de l'intérieur ?) et des scènes de crime composées comme des tableaux de maître. Olivier Marchal fut lui-même policier, et sait donc a priori de quoi il parle ; mais il en rajoute tellement dans chaque détail de chaque description que son film en devient rapidement ridicule. Un peu comme quand Rambo raconte le Vietnam en pleurnichant et en ajoutant à la fin de chaque phrase "je sais ce que je dis, je l'ai vécu".
Et donc, parce que monsieur Marchal s'est pris pour un auteur, il a choisi de livrer non pas un simple polar à clé, mais un véritable drame d'une noirceur sans nom, où les êtres ne sont que des machines à malheur souhaitant simplement une dernière valse avant d'aller mourir. La trame de MR 73 est à mourir de rire, mélangeant rédemption, vengeance et dénonciation des magouilles policières. Un peu de finesse aurait été le bienvenu, mais c'était sans doute trop demander ; les personnages sont écrits à la truelle et l'enchaînement des situations pue le cliché. Par exemple, en fin de film, Marchal met en parallèle l'arrivée d'un nouveau-né et la mort d'un personnage-clé. Un être s'éteint, un autre s'éveille. C'est beau comme une pub pour de l'eau minérale.
MR 73 pue l'orgueil et la frime, tué dans l'oeuf par un désir artificiel de choquer son public. La violence froide et gratuite et les situations sordides choqueront sans doute le troisième âge ; certains détourneront peut-être les yeux de temps à autres ; mais qui peut être réellement impressionné par ça? Heureusement, Daniel Auteuil conserve une certaine crédibilité de bout en bout (il fait bien l'alcoolique), et donne à MR 73 ses moins mauvais moments. On n'en dira pas autant de Catherine Marchal et Olivia Bonamy, aussi mauvaises que leurs personnages sont mal taillés. Il faut dire que la pauvreté des dialogues (une grossièreté façon Bigard toutes les deux lignes) et l'incroyable fascination de Marchal pour les stéréotypes ne pouvait pas permettre à grand monde de sortir grandi de ce marasme pas recommandable du tout.
2/10