CMU : les refus de soins confirmés. Mais que fait le Conseil de l’Ordre des médecins ?

Publié le 24 février 2012 par Frédéric Duval-Levesque

Enquête après enquête, et quelle que soit la région, la rengaine est la même : une proportion importante de médecins font de la discrimination envers les patients bénéficiant de la couverture maladie universelle (CMU).

Face à l’inertie des pouvoirs publics, ces chiffres ne devraient pas changer à l’avenir.

C’est la loi : aucun médecin ne peut refuser un patient au prétexte qu’il est bénéficiaire de la couverture maladie universelle (CMU).

Manifestement, 10 ans après l’instauration du dispositif, cette règle simple n’a pas encore été intégrée par les professionnels de santé.

Plus d’un quart d’entre eux dérogent sans complexe à leur obligation, comme en témoigne le rapport de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) publié hier, 1er juillet. Encore l’enquête, réalisée à Paris en 2008 sur la base d’un « testing » (1), ne tient-elle pas compte des refus « déguisés ». Par exemple au motif d’un manque de place, dont il n’est plus question 5 minutes plus tard pour un patient « normal ». Les chiffres réels sont donc probablement nettement plus élevés.

Des différences importantes en fonction des médecins ont été relevées. Les radiologues sont les plus vertueux, puisque « seulement » 5,2 % ont refusé les personnes bénéficiaires de la CMU. Les généralistes et ophtalmologistes de secteur 1, c’est-à-dire pratiquant les tarifs de l’assurance maladie, arrivent ensuite, avec environ 10 % de refus de soins. Ce qui est déjà considérable.

À l’autre bout de l’échelle, avec 30 % minimum de refus : les gynécologues, ophtalmologues et généralistes de secteur 2, qui pratiquent habituellement des dépassements d’honoraires (2).

Manque à gagner et éthique médicale

C’est précisément cette caractéristique qui semble expliquer le mieux les refus : prendre un patient en CMU suppose de facturer les consultations et les actes au tarif conventionnel de la Sécurité sociale, et de faire automatiquement le tiers-payant.

C’est donc un manque à gagner pour les médecins à honoraires libres, et, parfois, du temps perdu pour ceux qui ne sont pas équipés du lecteur de carte Vitale, puisqu’il faut remplir les papiers.

Même si elle est massive, cette discrimination, contraire à l’éthique médicale, est peu punie par le Conseil de l’Ordre des médecins.

C’est pourquoi la loi Hôpital patients santé territoires (HPST), récemment votée, précise les modalités de recours pour les patients. Mais c’est toujours la voie ordinale qui est privilégiée. Et la possibilité de considérer le « testing » comme une preuve de discrimination, pourtant présente dans le projet de loi, a été gommée du texte final. Il y a donc fort à parier que les prochaines enquêtes mettent en évidence des taux de refus de soins identiques, voire supérieurs.

1. Des acteurs ont sollicité au téléphone un rendez-vous en se faisant passer pour des bénéficiaires de la CMU.

2. Ces chiffres confirment l’enquête de plusieurs associations de patients montrant que les spécialistes de secteur 2 parisiens refusent massivement les patients en CMU.

Références: quechoisir.org, Anne-Sophie Stamane, IRDES, HPST, serment d’Hyppocrate