D. 1, Lord Faureston

Par Icecool

- DOSSIER PEDAGOGIQUE -

D 1, Lord Faureston

Ayroles, Maïorana & Leprévost

Delcourt, 2009.

Dossier d'analyse à lire en ligne :

41. D. 1, Lord Faureston : analyse de couverture

L’intrigue en résumé 

D. 1, Lord Faureston (2009) :

De retour d’une expédition en Afrique, l'explorateur Richard Drake fréquente la haute société victorienne. Il tombe sous le charme de Miss Catherine Lacombe, une Lady au caractère bien trempé. Drake va dès lors devoir affronter l’intriguant Lord Faureston, un dandy qui exerce un mystérieux pouvoir magnétique sur les femmes. Faureston, semblant cacher sa vraie nature, est surtout la hantise de Mister Jones, un obscur employé de banque qui, la nuit venue, devient chasseur de vampires !

D. 2, Lady d’Angerès (2011) :

Etant désormais certain de la monstrueuse identité vampirique de Lord Faureston, Richard Drake et l'improbable Mister Jones suivent sa piste du fog londonien jusqu'aux brumes de la lande anglaise. Le temps leur est compté car la belle Miss Lacombe, victime d’une agression, paraît sombrer dans les ténèbres. La traque s'intensifie et les chasseurs vont se découvrir une autre redoutable concurrente : la mystérieuse Lady d'Angerès.

 


 

Crayonné préparatoire pour la visuel du t.1.


Questionnaire pour les élèves

La couverture d’une B.D. comporte deux messages : l’un écrit, l’autre dessiné.

On pourra observer avec les élèves le schéma de progression suivant, en leur ayant soumis ou non le résumé des ces deux albums :

A.   Etude des textes et paratextes

1.   Relevez le titre de cette série et sa typographie.

Que nous apprend-il sur le genre du récit ?

Quelles hypothèses de lecture peut-on en tirer ?

2.   Quels renseignements supplémentaires nous donne les sous-titres « Lord » et « Lady » ?

3.   Relevez le(s) nom(s) du ou des auteur(s).

Leur rôle respectif est-il renseigné (vérifier en page de titre si ce n’est pas le cas) ?

Le nom de l’éditeur apparait-il ?

B.   Etude des images et dessins

4.   Décrire l’illustration principale, sans commenter ni juger :

-   Plan employé (vue d’ensemble, plan moyen ou gros plan) ?

-   Cadrage (visée frontale, plongée ou contreplongée, oblique) ?

-   Profondeur de champ (1er plan, 2nd plan, arrière plan) ?

-   Présence d’un hors champ ou d’une vue subjective ?

-   Couleurs dominantes ?

-   Présence ou non de personnages identifiables ?

-   Lieux, époque et actions ?

5.   D’après l’ensemble des éléments dessinés listés (1ères et 4èmes de couvertures), quelles hypothèses de lecture peut-on désormais formuler ?

6.   Quelles informations trouve-t-on à la fois dans le titre de la série et dans l’illustration ?

Quelles informations supplémentaires donne éventuellement l’image ?

7.   Que suggèrent les couleurs employées ?

8.   Cette couverture vous donne-t-elle envie de lire la B.D. ? Pourquoi ?

En quoi peut-on dire que la couverture est la « vitrine » d’une B.D. ?

 

 

Différentes études de personnages par B. Maïorana.

Lecture et analyse de la couverture 

 

Après le succès de leur série Garulfo (6 volumes parus chez Delcourt de 1995 à 2002), et avant le succès de la série romanesque Twilight (création de l’américaine Stephenie Meyer dès 2005, la saga est adaptée au cinéma à partir de 2008), Alain Ayroles et Bruno Maïorana s’attaquent au récit vampirique en sachant éviter avec soin le parcours tracé par Bram Stoker dans son Dracula, personnage auquel renvoie pourtant directement la signature de la série (D). Ayroles parvient en un seul album à instaurer une ambiance d'époque, des lieux et des personnages qui semblent jongler avec les mots comme avec la curiosité du lecteur. En un mot, à « croquer » de manière détournée tout un pan de la littérature populaire fantastique…

Le deuxième volume de la série D, Lady d’Angerès, permettra essentiellement aux auteurs de contourner une nouvelle fois les ficelles traditionnelles d’un genre devenu de nouveau mirifique suite aux créations multiples ayant suivie le succès de Twilight ; constatons que l’histoire commence à dépasser largement la cadre de la rivalité entre Faureston et Drake, et annonce un univers foisonnant propice à de nombreuses découvertes. En parallèle au récit principal, les révélations sur le passé d'explorateur de Drake font émerger un être complexe et violent, qui semble cacher bien des surprises… Riche en cases mais dynamique, cette suite laissera donc les lecteurs sur les dents et fera une nouvelle fois attendre la suite avec impatience.


Encrage et version finale du visuel du t.2

Les origines du vampire, si elles ne sont pas cinématographiques, sont pourtant liées de près au 7ème art. Invention littéraire, le vampire naît en effet quasiment en même temps que la machine des frères Lumière. En décembre 1895 se déroule la première projection du cinématographe, l’Entrée du train en gare de La Ciotat, et moins de deux ans plus tard, en 1897, est publié Dracula de Bram Stocker, ouvrage fondateur du mythe.

Souvent mis en relation avec le personnage historique roumain de Vlad l’empaleur, le personnage fictif du comte Dracula - et par extension celui du « vampire » - n’apparaît pourtant pas dans la littérature par hasard. L’ensemble du XIXème siècle coïncide en effet avec une période où les mythes populaires et fantastiques se croisent pour former un hybride parfois monstrueux avec la deuxième révolution industrielle et l’essor des sciences. La société doit assimiler en très peu de temps tant de changements bouleversants que les peurs primaires refont surfaces, telles les refoulées de la modernité, et donnent naissance, outre Dracula, à plusieurs classiques successifs des genres Fantastique et Science-fiction : Frankenstein (Shelley, 1818), Dr Jekyll & Mister Hyde (Stevenson, 1886), L’ile du Dr Moreau et L’homme invisible (Wells, 1896 et 1897). Ces créatures s’épanouiront naturellement de la littérature au grand écran en passant par la bande dessinée, dès les premières tentatives de fiction, muettes et sommaires. Les vampires suceurs de sang se propagent dans le cinéma naissant de manière d’abord informe. C’est le nom qui effraie : en 1909 avec Vampyr of the coast aux Etats-Unis, en 1912 dans le court-métrage suédois Vampyr Inn, en 1913 dans The Vampyr aux Etats-Unis encore. En 1916, Louis Feuillade réalise le feuilleton Les Vampires, sans lien avec le mythe littéraire, mais fantasmant une fois de plus ce nom majestueux. Un fantasme qui donnera naissance à la même époque, à partir d’un poème de Rudyard Kipling datant de 1897 (The Vampire), à la Vamp, créature féminine précédant la femme fatale, mais partageant avec elle les attributs d’une dangereuse séduction.


 

Affiches des films Le Cauchemar de Dracula (T. Fisher, 1958) et Dracula et les femmes (F. Francis, 1968).

A l’évidence, la 1ère de couverture du tome 1 de D semble rassembler plusieurs éléments issus de la cosmogonie vampirique, tout en jouant sur le non-dit, le doute ou du moins le silence de l’incertitude. Le nom de la série demeure énigmatique sauf à le rapprocher (typographie comme écrite à la plume et plongée dans le sang oblige…) du nom « Dracula ». Symboliquement la lettre D fait aussi référence au monde divin (d comme dieu), à l’aristocratie (la particule « de »), à l’androgynie (l’association masculin-féminin induite par l’association d’une ligne droite et d’une courbe dans la forme de la lettre), ainsi, dans l’album, qu’à l’explorateur Drake. En vérité, ce seront donc à la fois le titre de la série et celui de l’album qui agiront de pair comme un révélateur, en accord avec le visuel : Faureston est bien l’anagramme de Nosferatu, terme popularisé par Bram Stoker dans son propre roman mais emprunté à Emily Gerard, auteur de nombreux ouvrages sur le folklore de Transylvanie. Le terme « nosferatu », qui désigne en roumain le « non mort » ou le « vampire » selon les versions auxquelles on se réfère, sera repris par le réalisateur Friedrich W. Murnau en 1922 pour le titre d’un film (devenu l’un des chefs-d’œuvre du cinéma expressionniste allemand) livré telle une adaptation muette de Dracula.


Nosferatu...

Le visuel de Lord Foreston est dominé par le motif de la mort : il s’agit d’une scène d’enterrement sous un ciel grisâtre, l’atmosphère sinistre étant renforcée par les dominantes noires et rouges, qui assimilent immédiatement les couleurs du titre au personnage central. Ce dernier, qui domine non seulement la triste l’assemblée (maintenue telle un bloc uniforme sur une ligne d’horizon qui rejoint sa main gauche) mais aussi notre propre regard « d’outre-tombe » en contreplongée (le lecteur étant bel et bien, dans ce jeu de regard, à la place du cercueil… ou du cadavre !), semble esquisser un ultime geste romantique sous forme d’adieu. La rose jetée dans la tombe prendra ainsi son sens premier d’hommage raffiné offert lors des funérailles, au profit d’un message parfaitement significatif : « je vous aime ». A cette ambiance autant digne du roman gothique anglais que du roman social et historique stendhalien (Le Rouge et le Noir, 1830) se superpose l’ensemble des références vampiriques : le personnage de Lord Faureston est-il sincère ou fait-il appel au réveil d’un corps en apparence dénué de vie, comme sa main droite ouverte semble en partie le suggérer ?

La rose rouge, fleur fraichement coupée, devient également un symbole extrêmement ambigu : en tant que symbole chrétien, le rosier, arbuste épineux aux fleurs puissamment parfumées symbolise l'amour, la beauté et la pureté. En Transylvanie, on place une rose sur la poitrine des morts pour prévenir toute réanimation. Des épines de la plante sont parfois répandues dans le cercueil, piquées dans le suaire et jetées en travers de la tombe pour "clouer" sur place le revenant… Fleur de la beauté et fleur du mal, la rose rouge dédouble en quelque sorte l’intriguant Foreston, qui semble de fait s’être ici débarrassé d’une âme dont il aura lui-même coupé l’essence de la vie, et renvoie tel un miroir au titre D rougeoyant de la série.


La rose en couverture du tome 11 de la série La communauté du sud par C. Harris (2011).

Esquisse de personnage.

En 1ère de couverture de Lady d’Angerès, les auteurs choisissent fort logiquement une continuité stylistique : mêmes teintes, mêmes symboliques, même jeu de regard vers un lecteur hors-champ envouté par la présence magnétique du vampire. Au lord s’est substituée une mystérieuse lady dont l’éventail gracieux laisse transparaitre la cruauté sanguinaire (on songe à la fameuse comtesse hongroise Elisabeth Bathory (1560-1614), qui sera accusé du meurtre de très nombreuses jeunes filles). Dans ce jeu diabolique des sens et des illusions, la vue devient prédominante sur l’odorat (odeur de la fleur ou de la mort) et le toucher (les mains de Faureston et l’éventail de d’Angerès) : seul celui qui aura vu la réalité saura…et pourra éventuellement survivre ! Cette remarque rejoindra du reste l’épigraphe du roman de Stendhal précité : « La vérité. L’âpre vérité ». L’arc de cercle que décrit l’éventail déplié de la lady, bien loin de charmer, enferme ainsi sa proie dans un espace cerné de « dards » constitués par les brins matériels constitutifs de l’armature de l’accessoire féminin. Dans la même logique que sur le précédent visuel, le titre est donc « dans la tombe », cerné de noir et transpercé du nom du principal meurtrier. Saisi entre bestialité et humanité refoulée, le personnage du vampire s’offre à notre regard, mais reste dénué de toute culpabilité : l’œil - le nôtre - était donc dans la tombe, et regardait… Dracula !


Couverture du comic The Tomb of Dracula (n° 03 de février 1980, éd. Marvel). Couverture par Bob Larkin.

Pistes supplémentaires 

http://www.editions-delcourt.fr/catalogue/bd/d_1_lord_faureston

http://www.editions-delcourt.fr/special/D/

Pages consacrées à la série sur le site des éditions Delcourt.

http://bruno-maiorana.com : site officiel de Bruno Maïorana.

http://www.vampirisme.com/interview/maiorana-interview-du-dessinateur-de-d : interview du dessinateur.

http://www.youtube.com/watch?v=-7KmMMntg9E : reportage de France 3 consacré à la série.

www.vampires-fr.com , www.morsure.net et www.vampirisme.com : sites de références sur les vampires (origines, mythes, médias, etc.).

http://www.ebooksgratuits.com/ebooks.php?auteur=stoker_bram : texte intégral de Dracula sur ebooks libres et gratuits.

 

  Décors mis en couleurs par Thierry Leprèvost.

Dossier réalisé par Ph. Tomblaine.

Images toutes ©Delcourt - Ayroles, Maïorana & Leprévost. 2009 - 2012.