MSF relance sa campagne contre Novartis

Publié le 27 février 2012 par Sequovia

L’association Médecins sans Frontières fête ses 40 ans et lance une nouvelle campagne de mobilisation pour la préservation des médicaments génériques en Inde, et plus particulièrement contre le suisse Novartis. En effet, le groupe pharmaceutique entame une nouvelle action en justice pour le brevetage de son anticancéreux Glivec, refusé par la justice indienne en 2006.


  • 40 ans de lutte pour MSF

Médecins sans frontières (MSF) est une association fondée en décembre 1971 par un groupe de médecins et journalistes. Une partie d’entre eux vient de médecins de la Croix Rouge intervenus au Nigéria pendant la guerre de sécession du Biafra et voulant créer une association «plus libre de sa parole et de ses actes».  Les autres sont membres du journal médical «Tonus», qui a lancé à l’époque un appel aux médecins pour intervenir au Pakistan et porter secours aux victimes d’inondations.

L’association intervient depuis dans toutes les régions du monde pour porter secours aux populations victimes de la guerre, de catastrophes naturelles, d’épidémies ou pandémies ou d’exclusion des soins. Elle remporte en 1999 le prix Nobel de la paix, et à cette occasion le Dr Philippe Biberson (président de MSF) rappelle : «Il ne s’agit pas d’un combat pour la paix, mais pour la protection et la dignité des personnes victimes de la guerre et des autres formes d’injustice. Dès sa fondation, Médecins Sans Frontières a choisi de se battre au quotidien pour associer le secours et le témoignage en faveur des populations en danger, en rupture avec la tradition des organisations humanitaires. Autrement dit : nous ne sommes pas sûrs que la parole sauve toujours, mais nous sommes certains que le silence tue».

Les 900 000 Euros du prix Nobel seront investis pour créer un fonds pour les maladies négligées telles que la maladie du sommeil, la leishmaniose, la tuberculose et le paludisme. C’est ce qui donnera naissance à la CAME: Campagne d’Accès aux Médicaments Essentiels.

L’un des fers de lance du combat de MSF concerne l’accès aux médicaments dans les pays émergents.

  • Accès aux médicaments pour tous et droit des brevets

Dans sa campagne Access Campaign, MSF défend le marché des génériques en réponse au problème d’accessibilité des médicaments aux pays du Sud. En effet, on assiste notamment à une baisse de 99% du prix des traitements antirétroviraux du VIH sur les marchés des génériques en Inde, au Brésil ou en Thaïlande.

Mais les accords internationaux sur la protection des droits de la propriété intellectuelle (ADPIC) régulent la production de génériques lorsque les molécules sont protégées par brevet dans le pays d’origine du producteur. Dans ces accords, l’OMC a prévu l’existence de «licences obligatoires», qui sont des dérogations accordées par les autorités et permettant de produire un médicament breveté sans l’autorisation du détenteur du brevet (essentiellement pour le marché intérieur).

Selon Aziz Rehman, conseiller juridique de MSF Access Campaign : «Dans le système actuel de protection intellectuelle, la solution réside dans les licences obligatoires». MSF incite donc les pays émergents à faire usage de ces licences pour la production ou l’importation de génériques pour les maladies prioritaires. Cependant, chaque pays est relativement libre de déterminer les conditions d’attribution de ces licences obligatoires puisque les ADPIC ne précisent pas les raisons pouvant justifier leur attribution.

  • Nouvel appel de MSF contre Novartis

MSF se lance à nouveau en campagne contre le laboratoire pharmaceutique Novartis et ses attaques en justice contre le gouvernement indien. Dans son slogan, MSF lance un appel à mobilisation : « Novartis, stop aux attaques contre les médicaments génériques ». En 2007, 500 000 personnes avaient signé la pétition de MSF contre Novartis.

En effet, Novartis intente une nouvelle action en justice contre la loi indienne sur les brevets. En effet,  sa demande de brevet pour l’anticancéreux Glivec avait été rejetée en 2006, la justice indienne estimant qu’il ne s’agissait que de la nouvelle formulation d’un médicament déjà existant.

La loi indienne sur les brevets a pour objet d’éviter les dépôts de brevets abusifs par les groupes pharmaceutiques. Plus précisément, c’est la section 3 (d) qui dérange l’industrie pharmaceutique, puisque cette section indique qu’une nouvelle forme d’un médicament connu ne peut être brevetée. Cette section est pourtant très importante pour des raisons de santé publique puisqu’elle préserve la fabrication de génériques, l’Inde étant l’un des principaux fournisseurs de médicaments génériques de qualité et à prix modéré pour les pays émergents.

  • Avis Sequovia

La lutte de MSF pour la préservation du marché des génériques indien correspond à un enjeu majeur de santé publique pour les pays du Sud. En effet, la vie de millions de personnes dépend de l’accès à ces traitements. Même si la pétition lancée en 2007 par MSF n’a pas eu l’effet escompté puisque Novartis n’a pas abandonné ses poursuites à l’époque, ce nouvel appel pourra peut-être ébranler le groupe.

L’accès aux médicaments et aux soins est aussi de la responsabilité de l’industrie pharmaceutique, il s’agit d’un enjeu éthique incontournable pour les groupes pharmaceutiques, dont les prix des traitements trop élevés ont des conséquences sociales et humaines importantes. Plusieurs moyens d’actions sont possibles et déjà utilisés : le don de produits pharmaceutiques, l’application de tarifs préférentiels, le transfert de technologies et les dérogations sur les droits d’exploitation.