Boîte à outils de lutte contre la corruption à Cuba

Publié le 03 mars 2012 par Copeau @Contrepoints

La lutte contre la corruption n’est pas seulement le rôle de l’État ou du Contrôleur Général de la République. Tous les citoyens doivent s’impliquer avec l’assurance que quiconque a mis la main dans les caisses de l’État doit être signalé.

Par Yoani Sánchez, de La Havane, Cuba.

Il y a déjà quelques mois un ami m’a offert ce magnifique manuel intitulé « Boîte à outils pour le contrôle citoyen de la corruption ». Accompagné d’un CD et avec beaucoup d’exemples pratiques, je l’ai lu à la recherche de réponses, face à un fléau qui nous frappe chaque jour davantage. En ce moment même, nous sommes submergés d’appels à éliminer les détournements de ressources et les vols dans les entreprises d’État. Je me suis donc plongée dans les pages de ce livre pour apprendre ce que nous, individus, devons faire, face à de pareils actes. Sans surprise, j’ai découvert un mot qui revient sans cesse tout au long des chapitres : transparence. Une campagne anti-corruption efficace doit aller de pair avec l’exposition et la dénonciation dans les media nationaux. Chaque malversation justifie une information détaillée, chaque détournement  mérite la plus intense des critiques publiques.

Pourtant les appels à éliminer le secret lancés par le Général Président lors de la dernière conférence du PCC ne semblent pas suivis d’effet pour mettre toute la lumière sur les actes de cette nature. Il y a une sélection évidente entre ce que l’on peut dire et ce dont on ne peut pas parler, une délimitation claire entre ce qu’il est permis de publier et ce qui ne l’est pas. Par exemple, jusqu’à aujourd’hui la presse nationale n’a pas donné de détails sur la corruption à l’Institut d’Aéronautique Civile qui a conduit à la destitution de son Président Rogelio Acevedo. Pas un mot non plus du dernier scandale du système bancaire qui a conduit à la mise en examen de plusieurs de ses employés, alors qu’aucun de ses hauts dirigeants n’a été « inquiété ». Et que dire de la liaison de fibre optique entre Cuba et le Venezuela qui, au lieu d’Internet, ne nous a apporté que des rumeurs sur des fonctionnaires licenciés pour avoir détourné une partie du budget ? Il ne s’agit pas que de ragots : il suffit de passer par le tunnel de la rue Linéa, récemment réparé pour s’apercevoir qu’une bonne partie des matériaux destinés à sa restauration n’ont pas servi à cet usage. Pourquoi la télévision ne parle-t-elle pas de TOUT cela ?

On retombe dans la même erreur : la verticalité. La lutte contre la corruption n’est pas seulement le rôle de l’État ou du Contrôleur Général de la République. Tous les citoyens doivent s’impliquer avec l’assurance que quiconque a mis la main dans les caisses de l’État doit être signalé. Si on continue à donner l’impression qu’il existe des « intouchables », des voleurs qui ne peuvent pas être jugés à cause de leur passé politique ou de leur tendance idéologique, alors nous ne pourrons pas avancer. Le jour où je verrai un de ces insubmersibles critiqué à la télévision pour détournement de marchandises, manipulation des prix ou mensonge sur des chiffres de production, alors je commencerai à croire que nous sommes en bonne voie d’élimination d’un si large problème. Entretemps je regarde le manuel que j’ai maintenant entre les mains et qui me paraît n’être qu’une liste d’actions improbables, un réservoir d’illusions impraticables ici.

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Traduction : Jean-Claude Marouby.