UN BRILLANT AVENIR, de Catherine CUSSET

Par Geybuss

Roman - Editions Gallimard - 370 pages - 21 €

Parution en août 2008. Existe aussi en Folio

L'histoire : La vie d'Elena la jeune roumaine, d'Helen l'américaine, de Lanoush pour ses intimes.

Elena est une jeune fille qui vient de Bessarabie. Le destin la mènera en Roumanie, en Israël et enfin, aux Etats Unis. C'est le portrait d'une femme décidée, de caractère, qui sait ce qu'elle veut et qui sait d'où elle vient. Une femme qui, exilée de la Roumanie de Causescu, connaît le prix de la liberté et les pièges de ses apparences.

Un portrait de femme qui traverse plus d'un demi siècle, en passant du communisme totalitaire à l'ultra libéralisme américain, d'une éducation très stricte à une époque où les moeurs la dépassent. Mais au cours des années, une constante : sa famille, son mari, son fils, qu'elle protège contre tout danger, contre toute invasion... notamment, celle de sa brue...

Tentation : L'occasion d'une lecture commune avec Tiphanie

Fournisseur : Ma PAL, où se livre hibernait depuis 3 ans...

Mon humble avis : Et dire que ce roman dormait depuis 3 ans dans ma PAL, depuis le soir où, assistant à Rennes à la conférence "Rencontre des Goncourt", j'ai acheté et fait dédicacer ce livre. Pourquoi ne l'ai-je pas lu plus tôt ? (réponse : parce que j'ai lu d'autres livres ).

Un brillant Avenir est une histoire si riche qu'il sera impossible ici d'évoquer les multiples sujets qu'il traite ou qu'il effleure. Mais ce qui m'a surtout fascinée, c'est sa subtilité, ou celle de l'auteur, à dire les choses en silence. Catherine Cusset laisse une grande liberté au lecteur dans leur appréciation des personnages et des situations qu'ils vivent. Bien sûr, tout le monde se révoltera des ignominies infligées par le communisme totalitaire roumain de Nicolae Ceaușescu et chacun prendra la mesure de ce que représente l'absence de liberté et le rêve, parfois chimérique, de celle ci. Mais face à Elena, alias Helen, j'ai l'impression que l'auteur nous laisse le choix de l'aimer et de l'admirer pour son courage et sa tenacité ou de la trouver à son tour" tyranique" et capricieuse. A moins que, comme moi, vous oscilliez dans vos sentiments à son égard.  Je n'ai pas su la cerner vraiment car, à l'image du roman entier, Helen est un exemple de la complexité humaine, et mondiale... Il y a dans ce livre ce dont l'Homme est capable de meilleur, comme de pire. Attention, ce que je viens de dire n'évoque pas de violence physique et insupportable. Il s'agit plus de la domination et de la manipulation, que cela soit au niveau d'un Etat ou au sein d'une famille. Comme des contradictions humaines. Elena veut devenir américaine, mais ne fait pas grand chose pour se créer des liens amicaux...

L'écriture est soignée, agréable et très fluide.(Seule une phrase d'un dialogue semble très inapropos, elle a sans doute échappée à la correction). Pas d'aphorisme à droite et à gauche, mais une rivière qui coule des jours heureux sans heurts. Le livre commence en 2003, puis à chaque chapitre, change d'époque. On remonte jusqu'à 1958 au fin fond de l'Europe de l'Est pour terminer en 2006, dans le Metropolitan Muséum à New York. J'avoue qu'au tout début, ces voyages dans le temps m'ont un peu perturbée et puis... Catherine Cusset a su m'emmener avec elle dans la vie d'Elena en Roumanie, pour me ramener régulièrement dans celle d'Helen sur sa terrasse à Manhattan ! Deux histoires d'un même personnage qui se rejoignent. Et Jacob qui épouse Eléna, vient ensuite leur fils Alexandru. Puis débarque Marie, prétendante d'Alexandru. Et là, une tension monte, devient palpable à chaque page au point de mettre dans ce roman un agréable suspens... La situation va forcément exploser...

Mais attachons nous tout de même aux sujets qui m'ont bien plu et qui m'ont amenée à méditer...

L'égocentrisme qui prend au autre visage, une autre identité suivant le prisme de celui qui l'observe et l'étudie.

Les difficultés de communication au sein même d'une famille, l'effet devastateur des non-dits

L'antinomie d'une femme qui a toujours rêvé d'émigrer (donc d'être acceptée ailleurs) et qui refuse à Marie, la fiancée de son fils, la bienvenue dans sa famille...

Les sacrifices parentaux pour l'avenir (rêvé) de leurs enfants leur donnent ils le droit  de s'immiscer dans les choix de ces derniers concernant leur vie (professionnelle ou personnelle) ?

Un homme doit il obligatoirement porter sur ses épaules le poids des sacrifices effectués par ses parents pour qu'il parvienne à la meilleur éducation possible (Havard, dans le cas présent)...

Finalement, chaque génération ne reproduit elle pas les erreurs des générations précédentes, sous prétexte que c'est pour le bien de sa progéniture...

Comment refuser une différence en 1990 que l'on a eu tant de mal à faire accepter en 1960 par ses propres parents ?

Comment vit on dans sous un régime totalitaire, communiste, sans connaître avec certitude l'identité de ses parents ?

Suffit il de devenir Américain civiquement pour le devenir dans l'âme ? Comment effacer de ses habitudes des années de dictatures ?

La vie des émigrés et des émigrants, les difficultés à s'intégrer, l'énergie de "Tout recommencer".

La différence de mentalité entre les exilés (plus ou moins volontaires, voire pas volontaires du tout, par rapports aux habitants des pays occidentaux... Ces familles peuvent rester des années sans se voir, ne pas assister aux événements essentiels de la vie des siens (genre les funérailles), pour cause de visa et de frontières fermées. La relation à la famille est tout autre que dans notre douce France où, lorsque j'étais adolescente, un dimanche n'était pas envisageable sans la présence de mes grand-mères, où l'on s'envoie des texto pour un oui pour un non etc...

Une histoire, des personnages, une écriture, un livre qui m'ont portée et m'ont procuré une très brillante lecture ! Une Elena mystérieuse, souvent insaisissable. Que je n'ai pas particulièrement aimé mais dont j'ai suivi le destin avec passion. Une femme qui, à son insu,  me fait dire qu'avant de juger, il faut s'interroger...

Lecture commune avec Tiphanie, allons donc lire son avis !