Les gauches de la gauche

Publié le 19 mars 2012 par Copeau @Contrepoints

Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon et deux candidats trotskistes, Nathalie Arthaud et Philippe Poutou, cherchent tous à déborder Hollande sur sa gauche.

Par Marc Crapez.

Le positionnement personnel d’Eva Joly contribue à expliquer que cette intellectuelle passe mal. On murmure que la candidate d’Europe Écologie les Verts a, comme Jean-Vincent Placé, atterri chez les Verts faute d’avoir obtenu une bonne place au MoDem qu’elle avait démarché. Toujours est-il qu’elle représente un courant de gauche qui n’a pas su faire la synthèse avec l’aile centriste (Nicolas Hulot), ni avec l’aile environnementaliste (Antoine Waechter).

Tout le paradoxe de cette écologie politique à la Noël Mamère est qu’elle milite bien davantage pour le mariage gay qu’elle ne se préoccupe de défense de la nature. Si bien qu’elle s’adresse aux rats des villes et même aux bobos des centre-ville. Les rats des champs les plus en contact avec la nature, agriculteurs et chasseurs, sont parmi les plus réticents.

Féminisme oblige, Nathalie Arthaud succède à Arlette Laguiller, qui faisait partie du paysage et avait passé la barre des 5% à deux reprises. Pas commode, Lutte ouvrière fait des procès en diffamation et, dans la tradition troskyste, n’hésite pas à « barrer la route aux idées réactionnaires », concept élastique pouvant servir contre quiconque n’est pas d’accord à 100%.

Extrême-gauche recherche ouvriers désespérément

Le syndicaliste CGT Philippe Poutou est une aubaine pour tenter de redorer le blason du Nouveau Parti Anticapitaliste. Car ce NPA est, de tout le spectre politique français, le parti qui séduit le moins les ouvriers. Il est le successeur de la Ligue communiste révolutionnaire d’Alain Krivine, un vieux caïman d’extrême-gauche. Son dauphin, Olivier Besancenot, qui a fait ses classes à SOS-racisme, n’a jamais réussi à franchir la barre des 5%, même en profitant du manque de charisme de Marie-Georges Buffet, du retrait d’Arlette Laguiller et du décès du troisième larron trotskiste Pierre Lambert.

Le vivier électoral du NPA se limite aux étudiants et aux fonctionnaires retraités. Ses priorités sont la défense des immigrés et le « développement des services publics », selon la formule de Poutou. Le décalage est abyssal avec les aspirations des électeurs qui réclament davantage de justice sociale. Les trotskystes se revendiquent néanmoins du communisme. Pour eux, Mélenchon fait des efforts louables, mais reste un réformateur social-démocrate soucieux d’accommoder le capitalisme sans rompre avec lui.

Ce dernier fait partie de ces jeunes loups mitterrandistes passés de trotskiste à sénateur en l’espace de 10 ans ! C’est dire s’il était pressé de s’affirmer et ne demandait qu’à s’assagir… Cela dit, on ne saurait lui dénier de la droiture. Son punch et sa faconde méridionale ne sont pas nécessairement du populisme. Il est soutenu par un économiste sensé comme Jacques Sapir. Son programme est cohérent et applicable, même si ses détracteurs disent qu’il ruinerait la France en six mois.

Au Sénat, la « gauche démocratique » est un groupe, jadis immense, aujourd’hui minuscule, le plus ancien et le plus centriste de tous. « Front de gauche » est une marque déposée d’une toute autre nature. Cela renvoie à l’héritage du spartakisme, l’extrême-gauche insurrectionnelle, le front de classe contre la bourgeoisie capitaliste et son chien de garde fasciste (c’est imaginaire, bien sûr, mais c’est joli). C’est peut-être même un clin d’œil à l’appellation d’un groupuscule d’extrême-gauche dans l’Allemagne des années 20 (peut-être, car c’est un intellectuel mais pas non plus un érudit).

Pas étonnant qu’il se montre plus tribunicien que Marchais, cite Lénine et défende Chavez. Mélenchon a quitté le Parti socialiste pour lancer un Parti de gauche, qui évoque le sigle malencontreux de PDG. Puis il a formé son Front de gauche en additionnant les communistes. Réplique de Die Linke, la gauche en allemand, basée sur une scission à gauche de la gauche contre une dérive dite « libérale ».

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