LA CRÉATION SONORE
ET L'EXPRESSION PUBLIQUE
L'art est public !
C'est un mot d'ordre, un slogan, une revendication, un parti-pris, une posture, un engagement, un appel, un manifeste...
prôné par les artistes de rue dans leur journée "Rue libre".
J'aime cette petite phrase, ce jeu de mot pas si anodin qu'il n'y paraît, cette façon de dire que faire de la création,
exercer son art, est (aussi), en tout cas pour ceux qui admettent ce postulat, une question publique.
Social, économie, sécurité, écologie, l'artiste à son mot, son image, son texte, sa sculpture, sa danse, son son, à dire, et
pour dire, dans l'espace public.
L'art dit sonore est-il public ?
Oui si l'on considère qu'il se diffuse et se montre régulièrement dans des espaces publics, et pas forcément s'il ne s'engage
pas dans une vie sociale et politique parfois pleine de fureur et de bruits.
Bien-sûr, chacun a le droit de se cantonner dans une recherche esthétique qui ne prenne pas le parti d'un engagement
social.
L'art sonore manie régulièrement la parole, ou bien la parole use de l'art sonore... Parole militante, témoignages parfois
dérangeants, contestations au porte-voix, les sons mis en scène, côté politique, se perdent souvent dans les dédales d'une Polis qui aurait perdu ses agoras.
Néanmoins des performeurs, activistes sonores peuvent encore interroger nos oreilles parfois embrumées par nombre de discours
anesthésiants.
Les sons propagandistes peuvent être démontés, voire désarmés par une écoute accrue (à cru), qui tenterait de ne pas se
noyer dans un brouhaha médiatique consensuel.
Oui il faut plaider pour une écologie sonore, dans tous les sens du terme, réapprendre à écouter pour ne pas s'en laisser
conter, et faire en sorte que la question publique soit et reste sonnante, et donc parfois trébuchante.
Enregistrer une ville, ses paysages sonores, ses tensions et ses trépidations, ses zones d'apaisement et ses colères, sa
quiétude et ses violences, ses richesses et sa misère, en évitant les non-dits, les prises de position en l'emporte-pièce, les pressions des écoutants bien-pensants n'est pas chose facile. Et la
faire entendre dans ses rumeurs diffuses et antinomiques ne l'est pas plus.
Restituer sans concession une dramaturgie urbaine et la mettre en débat public, installer des sons qui prônent une qualité
d'écoute de et dans la cité n'est finalement pas chose si courante que cela.
L'expression sonore a encore beaucoup à dire pour se faire entendre de la sphère publique.