Jean-Claude MICHÉA, Le complexe d'Orphée - La gauche, les...

Par Placebo
Jean-Claude MICHÉA, Le complexe d'Orphée - La gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès, Climats, Paris, octobre 2011 (357 pages).
Dans la foulée de l'essai de Dany-Robert Dufour, je vous recommande celui de Jean-Claude Michéa. Cet ouvrage est la version remaniée d'un entretien, sous forme de dix questions et autant de réponses, avec un professeur du département de sociologie et d'anthropologie de l'université d'Ottawa et consacré, pour l'essentiel, au concept d' « anarchisme tory » cher à George Orwell ainsi, dans la foulée, qu'à la notion de common decency -- décence commune, équivalent qui ne me plait guère, lui préférant « bon sens » proposé par Dufour.
 Essai « scintillant » selon l'éditeur, certes, mais qui demande à son lecteur un surcroît d'effort et de patience. Si, en effet, la démonstration brille, sa formulation tend à obscurcir. Le travers de Michéa est une phrase longue et compliquée, coupée de nombreuses parenthèses et incises, et même d'incises dans les parenthèses... De plus, chaque chapitre est suivi « par un buissonnement de notes et de "scolies" de nature à décourager tout lecteur normal. » Il est certes intéressant d'échapper aux limites « d'une écriture purement linéaire », le lecteur étant averti qu'il peut lire les chapitres en entier avant de se reporter aux notes, mais cette technique, ainsi que la phrase spaghetti, desservent l'auteur. Cette phrase convient au roman, et vous savez comment je chéris celle de Rinaldi notamment, mais pas à l'essai. En un mot, je reprocherais à Michéa de s'écouter parler, un peu comme s'il était à la radio, mais de bien peu penser au lecteur. Pour emporter l'adhésion, ne faut-il pas séduire ?
Voir aussi :
L'empire du moindre mal,  
La culture du narcissisme - La vie américaine à un âge de déclin des espérances
La double pensée, retour sur la question libérale
Présentation :
« Semblable au pauvre Orphée, le nouvel Adam libéral est condamné à gravir le sentier escarpé du "Progrès" sans jamais pouvoir s'autoriser le moindre regard en arrière. Voudrait-il enfreindre ce tabou - "c'était mieux avant" - qu'il se verrait automatiquement relégué au rang de Beauf, d'extrémiste, de réactionnaire, tant les valeurs des gens ordinaires sont condamnées à n'être plus que l'expression d'un impardonnable "populisme".

» C'est que Gauche et Droite ont rallié le mythe originel de la pensée capitaliste : cette anthropologie noire qui fait de l'homme un égoïste par nature. La première tient tout jugement moral pour une discrimination potentielle, la seconde pour l'expression d'une préférence strictement privée. Fort de cette impossible limite, le capitalisme prospère, faisant spectacle des critiques censées le remettre en cause. Comment s'est opérée cette, double césure morale et politique ? Comment la gauche a-t-elle abandonné l'ambition d'une société décente qui était celle des premiers socialistes ? En un mot, comment le loup libéral est-il entré dans la bergerie socialiste ? Voici quelques-unes des questions qu'explore Jean-Claude Michéa dans cet essai scintillant, nourri d'histoire, d'anthropologie et de philosophie. »