Ma plus grande frustration...

Publié le 28 mars 2012 par Alcfeoh

Cette dernière anecdote exprime ma plus grande frustration, ou tout du moins l'une des plus grandes frustrations ressenties au quotidien depuis que nous avons quitté les USA en août 2010. L'exemple choisi en est un parmi des centaines d'autres, celui-ci étant probablement le plus significatif.


Loin de tous les problèmes de la civilisation, la paix lunaire de la Vallée de la Mort en Californie
Nous sommes en 2009. Comme bien souvent, je prends mon repas du midi avec Sean,l’un des responsables marketing de mon ancienne entreprise, lequel me dit « ce serait super si on avait la possibilité de vendre ce genre de service. Dommage que notre service R&D en France ne veuille pas faire ça ».Bien évidemment, Sean me connait bien et sait où il veut en venir en lançant ce sujet sur la table. Si je suis devenu ingénieur, c’est aussi parce que nouvelles idées et challenges techniques me stimulent particulièrement.

Je lui réponds alors que j’avais déjà commencé à travailler sur un projet similaire en France, mis en pause après une réorganisation des équipes et des priorités. Sean est curieux :

« C’est vrai ? Et tu pourrais y poursuivre ici ?

-Bien sûr ! Donnes moi un mois de budget pour le faire et je te fais ça. Aucun problème. Je peux même y ajouter ça, ça et ça si tu veux ! »

Deux visites à San Francisco et à chaque fois je suis passé dire bonjour à Google. La prochaine fois sera la bonne !Le lendemain, j’organise une démonstration pour le service marketing. Une semaine plus tard, ils ont dégagé un mois de budget afin de lancer le projet, obtenant même de la hiérarchie que je puisse travailler dessus dès maintenant.Quelques semaines après, l’entreprise présente le tout en grandes pompes lors d’un salon international à Las Vegas, écrans 52 pouces à l'appui. Quelques mois plus tard, ma réalisation est finalement adoptée par les équipes françaises, qui le vendent à plusieurs clients dans le monde sans trop m'en parler ni même me remercier, amour propre oblige…Je ne suis pas un grand fan de Las Vegas, bien que McCarran nous ait déjà accueilli à 4 reprises. Et ce n'est pas fini !Aux USA, innover et prendre des risques pour faire bouger les choses est favorisé, encouragé et récompensé. On a même le droit d’échouer, mais pas de ne pas essayer. J’ai adoré travailler aux US principalement pour cette raison-là : Mes idées étaient écoutées avec attention, respectées et bien souvent suivies. Une fois ma réputation faite, il n’était pas rare que des collègues de différents services viennent me stimuler pour faire avancer les choses : « Alain, je venais voir si tu n’aurais pas une idée pour… ». C'était juste génial !En France, je suis la même personne avec les mêmes idées, mais toutes sont rejetées en premier abord, question de principe. Dire à quelqu’un que ce qu’il fait est bien, ce n’est pas dans notre culture et c’est malheureux. Et pourtant, neuf fois sur dix, après des semaines de débats et de réunions, une fois que toute mon énergie et ma motivation sont définitivement évanouies, l’idée est finalement adoptée dans l’indifférence générale. En fait, j'ai l'impression que dans notre culture, chacun doit se convaincre qu’il apporte une quelconque contribution à l'édifice en critiquant le changement avant de pouvoir l’accepter.J'imagine les milliers d'heures de réunions, de débats autour de docs Word et de Powerpoint qu'il a fallu faire pour construire un tel édifice :-)

Peut-être que cette différence culturelle débute dès notre éducation, où les petits Américains visent les « A » à l’école, tandis qu’en France l’objectif est d’avoir 10 sur 20. Le type qui réussit est cité en exemple en Amérique, rabaissé en France, où l’on ne verra toujours que le verre à moitié vide. Chez nous, le meilleur de la classe subit les railleries des camarades et son bulletin scolaire lui dit que c'est bien, mais qu'il pourrait faire encore mieux.

Aux USA, on dit « Awesome », « good job », « great stuff ». En France, c’est « pas trop mal », « pas bête », « assez bien », ou « pas mauvais ». En bref, d'un côté de l'océan on vous tire vers le haut, de l'autre on semble vous tirer inexorablement vers le bas. C’est regrettable et cela devient même presque déprimant après un séjour hors de l’hexagone. Ces comportements sont tellement ancrés dans nos gênes que nous ne nous en rendons même pas compte.

Je vois déjà les commentaires critiques fuser, dans le style typique du "tu n'as qu'à partir ailleurs si tu n'es pas content", mais j'établis là un simple constat qui me désole au plus au point : Je serais le premier à aimer voir mon pays changer dans le bon sens.

Une chose est certaine, le jour où Adeline et moi prendrons nos valises pour mettre le cap sur une nouvelle contrée lointaine, il est certain que l'un des points positifs sera la fuite de cette « sinistrose » ambiante, une spécialité locale mondialement reconnue.

Il y a tellement de raisons de positiver et de vivre son existence de manière optimiste, heureuse et ambitieuse... Pourquoi est-ce si difficile dans notre propre pays ?

En bref... California, I'm waiting for your call...