Le Japon et le peintre calligraphe Georges Mathieu.

Par Mango
"J’arrivai à Tokyo au début septembre 1957 pour y faire en trois jours vingt et une toiles (dont quelques-unes de grandes dimensions) qui devaient être exposées aussitôt.Mais ce fut dans la plus grande humilité, à la pensée que j’allais confronter (après ce qu’avait dit de moi Malraux) ma calligraphie intuitive avec  un art millénaire.Deux heures après mon arrivée, j’étais reçu chez le plus grand antiquaire de la ville, qui devait me montrer les objets de l’époque Kamakura, qui correspond à notre Haut Moyen Âge, et qui, comme lui,  représente pour le Japon l’apogée de sa civilisation.  C’est à cette époque et aussi à celle de Muromachi, qui la suit immédiatement, que le bouddhisme zen fut porté à son maximum de raffinement. Ce fut durant cette visite que je compris, en quelques secondes,  toute la distance qui nous sépare de ce peuple. Il me fit donné de regarder, de contempler une statuette, de la saisir  dans mes mains et de la reposer sur son petit tapis de soie verte. Mais il me fut donné surtout de voir comment, après moi,  un historien d’art allait appréhender la même statuette.Après avoir fait cinq toiles le premier jour, quinze le second: une Bataille d’Hakata de huit mètres sur deux le troisième, j’acceptai, une heure avant le vernissage , de réaliser devant le peuple  de la rue une fresque de quinze mètres de long.
Trois jours après mon arrivée, j’avais atteint la plus grande popularité. Je ne pouvais plus entrer dans le moindre bar ou le moindre magasin de cette ville de neuf millions d’habitants, sans qu’on me présentât un petit carton blanc, carré, bordé d’or, sur lequel j’étais invité à peindre, c’est-à-dire à écrire, à écrire, c’est-à-dire à peindre."L’abstraction lyrique. Diffusion et contagion mondiales : 1956-1962, de Georges Mathieu, 1962Pour les 10 jours japonais de choco