Produire un disque de hip hop n'est pas dur en soi. Avec les sampleurs, séquenceurs, et autres groovebox référencés sur
la marché, c'est même devenu un jeu d'enfant. Une bonne banque de sons, un ordinateur couplé à Cubase ou Pro Tools et le tour est joué. Le phénomène a pris tellement d'ampleur ces dernières
années, que dans tous les quartiers de toutes les villes du monde on pourra rencontrer des DJ en herbe rêvant de la boucle parfaite ou du beat universel sur lequel tout le monde se
retrouvera.Mais produire un bon disque de hip hop est évidemment bien moins aisé qu'on pourrait le supposer, ce serait trop facile.
N'en déplaise aux musiciens allergiques à l'intervention systématique des machines dans cette musique, être créatif et original demande une acuité et un effort identique et tout à fait similaire
à celui de l'instrumentiste face à ses idées. Seul l'acte de création diffère. Pourtant, de ces 2 cheminements distincts se joue la même scène, essentielle : travail, plaisir et partage. Des
préceptes largement exploités par Apollo Brown sur son LP "The Reset" paru en 2010, premier "vrai" album du producteur de Detroit si l'on oublie les nombreuses
collaborations, projets instrumentaux et mixtapes qui l'ont précédé.Un disque que l'on peut définir en 2 mots : "strickly hip hop". Ou encore en 5 : "petit budget pour gros son".
L'esthétique générale n'est au fond pas très originale en soit puisqu'elle reprend l'esprit old-school des sons minimalistes de l'ère Wu Tang, Grave Diggaz,
Black Moon ou J Dilla.Apollo Brown prend du vieux pour en faire du jeune. Alors d'accord ce n'est pas très innovant, je le
reconnais, mais c'est très bien fait et c'est tout ce qui m'importe. En détournant le patrimoine musical et culturel américain (rock, soul, funk, jazz), et en passant le tout au mixeur pour n'en
utiliser que des bribes de mesures reconstituées, il recolorise la trame à la manière d'un architecte sonore et la modélise avec classe. Efficaces, les morceaux ne sont jamais trop chargés. Des
"featurings" en masse (Oddisee, Med, Declaime, Prince Po, Kenn Starr, Stik Figa...), la
précision diabolique des boucles simplistes et suffisantes, des "beats" qui tournent naturellement (et qui n'empêcheront pas les inévitables hochements de têtes), tout se mange et rien ne se
jette sur "The Reset".A l'instar des membres du
collectif "Low Budget" avec quiApollo Browna déjà croisé le fer plusieurs fois, l'énergie des 15 titres est très proche de celle insufflée dans les albums deKev Brown,KaimbrouKenn Starr. Oubliez claviers et instruments, ce
n'est pas ce qui est recherché dans la musique de cette "école classique" du hip hop à la notoriété grandissante. Il n'y a que du sample et aucun supplément; un régal pour les adeptes du genre
qui sauront en apprécier l'authenticité. Pour les non initiés, libre à vous de juger de la qualité de ce disque à partir des morceaux que je vous ai sélectionnés ci-dessous. Moi j'adore.AmazoniTunes
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