François Hollande, la stratégie du choc égalitaire

Publié le 04 avril 2012 par Variae

François Hollande a fait paraître la présentation de sa première année de présidence – s’il est élu – et c’est une très bonne chose pour la campagne présidentielle. Nombre de commentateurs et de citoyens se plaignent du niveau affligeant de cette dernière, et ce constat, que l’on ne peut pas totalement nier, tient beaucoup à la stratégie employée par Nicolas Sarkozy. Présentation la plus tardive possible de son propre programme ; refus de jeu avec une entrée en campagne volontairement peu précoce ; antijeu pur et simple (pour filer la métaphore sportive) avec une succession de coups politiques, de petites phrases, de meetings agressifs et de mesures (comme la pseudo-taxation des exilés fiscaux) sans cohérence, et s’expliquant seulement par les nécessités de la tactique anti-Hollande. Bref, une « opération réélection » où toutes les manœuvres sont permises pour empêcher un bilan public du sarkozysme, ainsi que la comparaison approfondie des différents projets en lice.

A la grande foire des mesures spectaculaires aussitôt présentées, aussitôt oubliées (bientôt trahies) et ne valant que par leur impact médiatique immédiat, l’exercice auquel se sont livrés François Hollande et son équipe a le mérite d’opposer la mise en perspective sur un temps court et donc concret. On remet les mains dans le cambouis, en reposant la seule question qui compte vraiment, celle du comment – celle qu’évitent à la fois les partisans du « on continue ce qu’on a commencé » (Nicolas Sarkozy) et ceux du « on vend du rêve, et après moi le déluge » (Jean-Luc Mélenchon).

En l’occurrence, le « comment » est suspendu à une situation plus que dégradée : défiance record de la population envers la classe politique (voir les taux d’abstention que l’on annonce, notamment au sein des classes populaires, pour l’élection) ; pays traversé par des tensions internes sociales qui sont le fruit direct du sarkozysme ; enfin et évidemment, le contexte économique international, avec l’épée de Damoclès (réelle ou fantasmée, mais l’effet est le même) de la faillite au-dessus de nos têtes. Une telle situation, probablement sans état de grâce pour les vainqueurs, ne laisse pas beaucoup de choix à un exécutif et à un parlement nouvellement élus. Il faut agir immédiatement, en parallèle sur tous les sujets, et de façon suffisamment concentrée pour faire bouger la France avant que les pesanteurs intérieures (intérêts corporatistes et privés divers et variés) et extérieures (l’Europe, l’économie mondiale) n’écrasent tout velléité de changement. Administrer un remède de cheval qui soit suffisamment fort pour faire dévier le pays de sa pente descendante, étonner positivement les Français, et refaire comprendre à l’échelle européenne et internationale que la France compte et qu’il faudra faire avec elle. Bref, se créer son propre état de grâce. Et montrer, raconter qu’il se passe quelques chose.

La « première année du changement » de François Hollande me semble répondre à ce réquisit car elle propose, tant sur le fond que sur la forme, ce que j’appellerai un choc égalitaire. Une poussée d’égalité dans la société française. Sur le plan des symboles et de la coupure entre gouvernants et gouvernés : baisse de la rémunération du président et des ministres (dès juin), réforme du statut pénal du chef de l’Etat (dans l’année). Sur le plan scolaire : augmentation immédiate de l’allocation de rentrée, recrutement de personnels d’encadrement pour les établissements à problèmes. Sur le plan des écarts de richesse : réduction de 1 à 20 des écarts salariaux dans le secteur public, blocage des prix de l’essence, réforme fiscale imposant plus les plus riches. Sur le plan du logement : l’Etat qui se porte caution pour les jeunes, l’encadrement des loyers. Sur le plan social : retour à la retraite à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler tôt, création des100 000 premiers emplois aidés, et le fameux contrat de génération pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes et le maintien des seniors. Sur le plan de la République et des droits de l’Homme : abolition de la politique d’expulsion des étudiants étrangers, lutte contre les délits de faciès dans la police, mariage gay.

Cette seule « charrette » de mesures peut valoir doublement, à la fois par ses effets concrets et également par l’ambiance, le climat qu’elle va contribuer à installer dans le pays, en faisant souffler un courant d’optimisme. En remplaçant la peur et la résignation par un début d’espoir. Le « choc égalitaire » ouvre la voie au « choc de confiance » et donc à la possibilité, ensuite, de transformations plus ambitieuses du pays.

Romain Pigenel