Rencontre avec erik orsenna

Par Geybuss

C'était il y a quelques semaines à Rennes, toujours à l'Espace Ouest France et sous l'invitation de la Librairie Lefailler... Un invité de marque supplémentaire et non des moindres. Un immortel ! Monsieur Erik Orsenna, de l'académie Française.

Saviez vous qu'Orsenna est un pseudonyme,  tiré d'un roman de Julien Gracq : c'est le nom de la vieille ville du Rivage des Syrtes.

Le vrai nom de ce grand Monsieur est Arnoult. A une époque  il devient chercheur et enseignant, dans le domaine de la finance internationale et de l'économie du développement puis conseiller au ministère de la Coopération, en 1981 auprès de Jean-Pierre Cot, s'occupant des matières premières et des négociations multilatérales. Pas étonnant que ce romancier, académicien, se soit lancé dans une série d'essais "Petits précis de la mondialisation", qui évoque l'histoire, l'usage et l'avenir de certaines matières premières avec :

Voyage aux pays du coton, l'avenir de l'eau etc....

Ce jour là, Erik Orsennaprésentait son dernier né :

Sur la route du papier.

L'homme est d'un dynamisme rare, très volubile, éloquent, loquace. Un parfait orateur qui captive son publique, l'instruit tout en le divertissant et l'amusant beaucoup. Ce fut une conférence que je qualifierais "d'euphorisante". Alors, j'ai noté ce que j'ai pu, comme j'ai pu.... Extraits !

Le conférencier : Pourquoi vous intéresser aujourd'hui à la mondialisation du papier vous qui, justement écrivez sur papier ?

E.O : Bonjour ! Je suis ici à la maison (la Bretagne), alors tout va bien ! Je veux dire merci au papier, qui est mon plus vieux compagnon. La lecture puis l'écriture sont dans ma vie depuis mes 10 ans ! Je me suis dit que je ne savais pas vraiment ce qu'était le papier. J'ai découvert un support d'histoires, mais surtout une formidable histoire !

On ne prête pas attention à ce qu'il y a de plus proche de nous. Et le papier, plus je le connaissais, plus je l'aimais.

Grâce au succès imprévu de mon livre sur le coton, mon éditeur m'a dit : "tu vas où tu veux, je paie" ! J'ai donc cette chance immense de pouvoir prendre un temps infini pour aller où je veux, réveiller mes réseaux ), partager, préparer les voyages, rencontrer. Ce qui amène parfois des dialogues surréalistes au fin fond de l'Australie, du Brésil ou de Sumatra avec un Breton, car il y a des Bretons partout dans le monde, donc on a toujours un copain quelque part.

Ce qui est sûr, c'est que ce livre aurait été impossible sans internet ni Bretons !

  Le conférencier : Il y a le papierd'hier et d'aujourd'hui qui apparaît en Chine. Pourquoi les chinois sont passés de la soie au papier pour l'écriture ?

E.O : Tout à commencé pour moi dans le Finistère. Je m'informe grâce aux deux avantages d'être académicien. 1/ Plus il y a de fauteuils libres, plus on est gentil avec vous. 2/ On a bien plus facilement des contacts avec les autres académies.

Erik Orsenna y rencontre Jean Pierre Grevet (ortho aléatoire!), grand spécialiste du papier chinois et qui vit près de Quimper.

La première leçon  de papier a donc lieu à Plogonnec. La relation entre la pâte à crêpes et la pâte à papier est très proche.Il suffit de rajouter de l'amidon à l'une pour obtenir l'autre !

Les plus vieux papiers ont été trouvé sur la route de la soie car on y trouve aussi les endroits les plus secs !

Erik Orsenna est donc parti faire la route de la soie avec Catherine Despeux (ortho incertaine aussi).

E.O : Les matières premières sont l'occasion de rencontrer des gens qui me parlent d'eux, des lieux, de leurs métiers.

A Samarcande, au 8ème siècle (dans l'actuel Ouzbékistan), les Arabes battent les Chinois et découvrent ainsi le papier. Le papierest très fragile donc se révèle très utile contre l'usage des faux (difficile de gratter, d'imiter des signatures...). Le papier est une surface travaillée qui peut accueillir des feuilles d'or... et donc la parole divine. Les Arabes vont y calligraphier le Coran.

De ce fait, les Chrétiens ne veulent pas utiliser le papier jusqu'en 1260 ou en fin, en Italie, via des moulins, l'Europe va enfin fabriquer du papier. Les moulins fabriquent la farine en été et le papier, farine de l'esprit, en hiver.

Le rôle du papier va plus loin qu'on ne l'imagine... Le 1er vol habité (en Montgolfière) doit beaucoup au papier.

  Le papier a beau être très romantique à nos yeux, il a un impact économique énorme. La CA du papier est supérieur à celui de l'aéronautique.

Le conférencier : Quelle est la santé du papier aujourd'hui ?

E.O : La papier graphique décline plutôt face à l'émergence de l'électronique.

Par contre, l'usage de papier d'emballage, de kleenex, de papiers toilette explose.

Les containers qui repartent par mer vers la chine après avoir livré textiles ou autres ne voguent pas vides ; ils sont pleins de papierà recycler.

Erik Orsennaa été très amusé de rencontrer des fabricants de papiertoilette qui demandaient à leurs ingénieurs : "Pouvez vous objectiver la douceur ?". L'auteur s'est prêté de bonne grâce à quelques expérience d'objectivation !

Le papier a un côté très traditionnel mais en même temps, il y a de la haute technologie ce qui génère de l'espionnage industriel.

 

  Le conférencier : Qu'en est il de l'écologie, de l'usage massif du bois pour la fabrication du papier ?

E.O : Il y a une bataille entre le Nord et le Sud. ll y a plus de forêt dans le Nord - froide - boréale- mais qui pousse moins vite que dans le Sud.

Dans le Nord, un pin va mettre 40 à 50 ans à grandir et donnera de longues fibres pour du papier solide.

Dans le Sud, un Eucalyptus poussera en 5 ans et donnera des fibres courtes pour du papier plus fragile.

Il y a une différence de rentabilité à l'hectare. Il y a des forêt très bien gérées et d'autres, comme à Sumatra, qui subissent de véritables massacres !

 

Le conférencier : Quelle est la position d'Erik Orsenna face au numérique ?

E.O : Si tout se passe en numérique, il n'y aura plus de manuscrit, ni différentes versions. J'écris sur papier et au crayon.

"Ce que nous allons apprendre vaudra-t-il ce que nous allons oublier ?" avec le livre numérique. C'est un nouveau monde qui commence et qui peut entraîner des disparitions. Le libraire doit être un lieu de conseil et de compagnie. Le vrai libraire est celui chez qui vous entrez pour un livre, et vous en repartez peut-être avec ce livre, mais sûrement beaucoup d'autres. La librairie, c'est la tentation. Vous allez dans un sujet et une autre porte s'ouvre etc....

Et bien moi j'en conclus que les blogueuses que nous sommes sont donc souvent de bonnes libraires en puissance !!! 

Et maintenant, le moment tant attendu, mes effets de mains d'auteurs et j'avoue qu'avez Erik Orsenna, j'ai été très gâtée, ma collection s'agrandit bien au point que je ne peux choisir et vous les mets toutes les photos qui entrent dans cette dite collection.