Twixt de Coppola: du Parrain au poète maudit

Publié le 11 avril 2012 par Unionstreet

Cinéaste emblématique du Nouvel Hollywood – la génération des réalisateurs et acteurs des 70′s ‘Scorsese, de Niro, De Palma, Denis Hopper) – Francis Ford Coppola est un homme d’excès – 2 Palmes d’Or, des tournages épiques et de très gros budgets – qui semble être atteint d’une maladie incurable: la modestie.

Début des années 2000. On pense Coppola mort et enterré, cinématographiquement parlant: il croulerait sous les dettes, s’intéresserait plus à ses hôtels et ses vignobles qu’à son arlésienne MegaloPolis et surtout serait totalement dépassé par la hype soudaine de ses enfants, Sofia en tête. Et même si L’Homme sans Âge en 2007 n’est pas la réussite qu’on attend d’un maître sur le retour, son Tetro est une pure merveille et lui donne une seconde jeunesse. En fait de maladie, cette modestie nouvelle lui permet de revenir à un cinéma à échelle humaine, à des films en forme de confidence au public et exercice virtuose.

Un écrivain en panne de vitesse arrive dans une petite bourgade des Etats-Unis pour y promouvoir son dernier roman de sorcellerie. Il se fait entraîner par le shérif dans une mystérieuse histoire de meurtre dont la victime est une jeune fille du coin. Le soir même, il rencontre, en rêve, l’énigmatique fantôme d’une adolescente prénommée V. Il soupçonne un rapport entre V et le meurtre commis en ville, mais il décèle également dans cette histoire un passionnant sujet de roman qui s’offre à lui. Pour démêler cette énigme, il va devoir aller fouiller les méandres de son subconscient et découvrir que la clé du mystère est intimement liée à son histoire personnelle.

Qu’en est-il donc de ce Twixt, film d’horreur gothique à petit budget en dehors du studio system avec pour rôle principal un beau gosse has been de Hollywood, Val Kilmer? Twixt est un film bizarre, ni beau ni laid mais en fait les deux à la fois; les effets spéciaux sont cheap mais entre les mains de Sir Coppola, cette matière devient en fait poésie en mouvement, entre un film de Murnau et un tableau de Friedrich. A travers la lente dérive de cet écrivain gothique raté (Val Kilmer, excellent comme de retour de l’enfer d’Hollywood), Coppola nous entraine dans une rêverie numérique, un film où les échecs du personnage sont autant d’échos à la carrière du réalisateur qui rêva de b***** Hollywood. Un film où la frontière entre la fiction, le rêve et la mémoire sont difficiles à définir, Coppola s’inspirant d’un rêve où lui sont apparus une jeune fille à la bouche pleine de bagues métalliques et le poète américain Edgar Allan Poe et reprenant pour la mort de la fille de l’écrivain les conditions exactes de la mort de son fils ainé Gian Carlo. Tout le film est traversé par cette culpabilité; écœuré par lui-même, Hans Baltimore trouve dans ses conversations avec Edgar Allan Poe – lui-même hanté par le souvenir de sa défunte épouse Virginia – une sorte de réconfort, trouve dans les apparitions magiques de la jeune vierge sacrifiée la force de mener à bien son enquête, à coups de whiskys et de médocs. Coppola livre en creux un portrait cruel et poétique de l’artiste maudit qu’il fut jadis et cherche à faire la paix avec ses démons.

Côté style, rien à déclarer réellement: Coppola se reste fidèle et fait preuve d’une mise en scène sobre, voire minimaliste. Pas de mouvements de caméra, une 3D (dans 2 séquences seulement) très discrète… Et surtout des thèmes récurrents depuis son retour en 2007. Twixt clôt une trilogie entamée avec L’Homme sans âge et Tetro et dans laquelle on retrouve un conflit permanent entre père et enfant, une réflexion vertigineuse sur le temps, une vérité qui se trouverait entre le rêve et la réalité, toujours difficiles à définir… Moins graphique et émouvant que le sublime Tetro, Twixt est un film au charme plus discret, qui ne tape pas juste à tous les coups forcément, parfois maladroit parfois sublime….

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