UNE SURPRISE, d'après Maupassant

Publié le 13 avril 2012 par Dubruel


Nous avons été élevés,

Mon frère et moi,

Par notre oncle l’abbé Gambois,

Nos parents étant décédés

Quand nous étions enfants.

Notre oncle était un curé osseux et grand.

Il nous éleva rudement,

Nous apprenant à trembler

Plus qu’à aimer.

Adolescents,

Il nous mit en pension.

J’y songe encore avec des frissons.

Oh ! les évangiles médités !

Les lectures pieuses aux diners !

Oh ! ces cérémonies sans fin !

La messe froide chaque matin !

Nous vivions là dans la piété forcée

Et aussi dans la saleté

Car on ne faisait laver les pieds aux enfants

Que les veilles de vacances, soit trois fois l’an.

À vingt ans,

Nous allâmes habiter à Paris.

Agents de bureau à la Mairie,

Nous gagnions chacun mille francs.

Peu à peu les bals, les amis

Nous ont légèrement dégourdis.


S’éveillèrent en mon frère et moi

Des désirs nouveaux, et ma foi

Un soir nous nous sommes laissés…

Pour bien dire…

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Par deux jeunes employées.

Un échange eut lieu entre les deux ménages,

Un partage.

Mon frère prit l’appartement des deux belles

Et garda l’une d’elles.

Je m’emparai de l’autre

Qui vint chez moi.

La mienne s’appelait Laure.

Elle avait vingt ans.


C’était une bonne fille, ma foi

Mon frère aussi était très content.

Vers une heure, une nuit,

On frappa à mon huis.

Je ne dormais pas,

Mais pas du tout à ce moment-là !

Laure me dit :

-Qu’est-ce que c’est ?

Je répondis :

-Je ne sais

On se trompe sans doute d’étage.

Nous nous assîmes dans notre lit-cage.

On ne se trompait pas ;

C’était bien à nous qu’on en voulait.


Je passais vite un pantalon,

Je mis mes chaussons,

Courus à la porte et demandai :

-Qui est là, que me veut-on ?

Une voix, celle de mon oncle, répondit :

-C’est moi, ouvre, nom de nom !

Je n’ai pas envie

De coucher là.

Après avoir dit à Laure : -Cache-toi !

Je le fis entrer : -Pourquoi

Ne m’ouvrais-tu pas ?

-Mon oncle, je dormais.

-Mais tu causais…

Pour éviter d’autres explications,

Je lui plaquai un gros baiser sur le front.

-Me voici

Pour quatre jours à Paris.

Tu vas me loger où tu voudras.

Nous retirerons de ton lit le matelas…

Mais où est ton frère ? Va l’éveiller !

-Jacques n’est pas rentré.

Il a, au bureau, un travail supplémentaire.

L’abbé vers la chambre se dirigeait.

Je lui sautais presque au collet :

-Non, mon oncle…Non, par ici.

Et je lui souris ;

Une idée venait de m’illuminer ;

J’ajoutai :

-Vous devez avoir faim, après ce voyage

Vous prendrez bien un bon potage.

Et je le poussai dans la cuisine ;

Mon oncle se lécha les babines.

Enfin il se leva. Je me sentais défaillir ;

Je voulus le retenir :

-Allons, mon oncle, un verre d’eau de vie !

-Non, cette fois, j’ai fini.

Voyons ton logement.

Je le suivais prestement.

Des frissons me couraient ipso facto

Dans le dos

Qu’allait-il arriver ?

Il entra dans la chambre à coucher…

Laure avait fermé les rideaux du lit.

-Nous n’allons pas nous coucher maintenant…

-Si, moi, j’ai besoin de dormir longtemps.

D’un seul coup, il tira le matelas !

Laure s’était roulée dans les draps.

Mon oncle s’écria :

-Ah ! ah ! plaisantin !

Vois comme je le réveille ton frangin !

Et je vis sa grosse main se lever

Puis retomber…

Sur les contours exposés devant lui.

Il y eut un terrible cri.

Laure se débattait, s’agitait

Réussit à se dégager.

Elle apparut nue, secouée.

Mon oncle recula, muet.

Je jugeai la situation trop grave pour l’affronter.

Je me sauvais avec célérité.

Je ne revins que deux jours après.

Laure était partie.

Jamais je ne la revis.

...Et mon oncle m’a déshérité !

Maud Cambronne

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Aux enfants, il faut laisser un bel héritage de conscience plutôt que d’or.

Platon

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