Salle 5 - vitrine 4 ² : les peintures du mastaba de metchetchi - 34. des domaines avicoles ...

Publié le 21 avril 2012 par Rl1948

   Lors de notre premier rendez-vous de rentrée après les quinze jours de congés printaniers, je vous ai annoncé, amis lecteurs, d'une manière très pédagogique que nous entamions aujourd'hui la seconde partie du programme de l'étude détaillée des quarante-trois fragments peints provenant du mastaba memphite de Metchetchi exposés ici dans la longue vitrine 4 ² de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre et que, souvenez-vous, j'avais engagée à votre intention le 15 novembre 2011.

   Ce que toutefois je n'ai point précisé dans ma synthèse de mardi, c'est le sujet du nouveau thème qui inaugurera notre dernier trimestre avant les vacances scolaires d'été : les différentes activités rencontrées dans les domaines ruraux que Metchetchi surveille, patronne ou ordonne ...


   Certes, il y eut celles, mythiques, de Junon, au Capitole qui, s'avisant de la pénétration des Sénons une nuit dans Rome, auraient, de leurs cacardements stridents, indiqué l'imminent danger, sauvant ainsi la ville d'une invasion gauloise. 

   Certes, il y eut également celles, sauvages, sur les ailes desquelles m'emmenait Nils Holgersson : grâce à lui, je m'échappais, jeune adolescent imaginatif, sans besoin d'emprunter l'avion d'Antoine de Saint-Exupéry, vers d'autres horizons explorés par le Petit Prince où m'attendaient un allumeur de réverbères, un renard ou une rose ... ainsi que mes premières découvertes de ce que je saurai, bien plus tard, être la réflexion philosophique humaniste.

   Bien évidemment, il y a celles de l'une ou l'autre ferme spécialisée de "ma" province de Liège, élevées pour la table à l'instar de leurs cousines périgourdines mises en valeur à chaque coin d'exploitation ou de commerce de bouche, comme celui, dans le centre historique de Sarlat, tenu par un "artisan conserveur" au nom on ne peut plus prédestiné.

   Toutes ces oies, qu'elles participent de l'histoire romaine, de mes rêves d'enfant ou de la gastronomie que, depuis, j'ai grandement apprécié, saviez-vous, amis lecteurs, qu'elles évoluaient déjà sur les rives du Nil antique ?

   A propos de l'Égypte, évoquer ce volatile peut ressortir à plusieurs domaines : j'ai en effet déjà eu l'opportunité d'indiquer, notamment le 22 juin 2010, que sa graisse pouvait entrer dans la composition de remèdes thérapeutiques, le 25 octobre 2011, qu'elle - ou plutôt qu'il, puisque cela concerne plus spécifiquement le jars - personnifiait le dieu Geb, tout en étant d'autre part une des manifestations d'Amon ...  

   Mais ce qui m'importe aujourd'hui et mardi prochain, c'est, à partir du fragment peint (E 25519) de 34 cm de haut et 27 de large, dont je n'ai, d'emblée, qu'agrandi le registre supérieur, - celui du dessous, rappelez-vous, présentant le khepech -, d'uniquement vous le présenter sous l'angle de l'élevage et, bien sûr, de sa suralimentation quotidienne de manière à indiquer qu'avec d'autres animaux d'ailleurs, elle était déjà pratiquée dès les premiers temps de la civilisation nilotique. 

   Avec d'autres animaux ???, seriez-vous en droit de vous étonner.

Eh oui ! Et pas nécessairement d'aussi inoffensifs, je vous assure. Car si personne n'ignore que grues, canards et autres pigeons pouvaient eux aussi être gavés, - tableaux qu'à l'envi proposent les mastabas de Ty, de Mererouka, de Kagemni et de Ptahhotep, parmi les plus connus -, beaucoup d'entre vous s'étonneront, je présume, d'apprendre que l'hyène, ce dangereux prédateur, l'était également. 

   C'est ce que nous révèle cette scène notamment gravée en léger relief puis peinte au premier registre du mur nord de la chambre A 13 du complexe funéraire de Mererouka que vous pouvez découvrir sur l'excellent site d'OsirisNet, à défaut de l'avoir peut-être réellement visité.

   Si Tenir l'hyène pour gaver par le gardien, peut se lire dans certaines tombes, c'est simplement Gaver l'hyène qu'indiquent ici chez Mererouka les six hiéroglyphes se lisant de gauche à droite au-dessus de chaque bête renversée sur le sol.

   Deux hommes sont requis pour effectuer le travail : à chaque fois, l'un lui maintient les pattes liées pendant que l'autre lui enfourne des morceaux provenant de pièces de viande et de volaille semblables à celles que vous distinguez dans l'étroit registre supérieur.

   A en croire le savant français Pierre Montet, les Égyptiens n'ont pas pris le parti de considérer de tels carnassiers comme nourriture de choix pour les défunts. De sorte que les gaver relève très probablement d'une tout autre finalité : dissuader l'hyène de se repaître du gibier quand elle était participait à une chasse dans le désert.

   Cette petite parenthèse terminée, permettez-moi, pour honorer le titre que j'ai donné à cette mienne intervention, d'évoquer maintenant les domaines avicoles de l'Ancien Empire égyptien.

   Les annotations hiéroglyphiques qui accompagnent les scènes d'élevage des chapelles funéraires des notables que je citai voici quelques instants, nous permettent de définir les deux types distincts de basses-cours dans lesquelles étaient élevés volailles et volatiles.

   Ainsi, sur la paroi sud du portique, à gauche de l'entrée du mastaba de Ty - (A nouveau, grand merci Thierry !) -, au registre inférieur, cet enclos   

 

dont le dessin reproduit ci-après vous permettra d'assurément mieux visualiser les différentes composantes.

 

   Nous sommes ici dans une des hérout, comprenez une exploitation rurale se composant, en plus du logement pour les membres du personnel, d'un espace rectangulaire tel qu'ici représenté dans lequel évoluaient des volatiles en relative liberté dans la mesure où, comme l'indiquent les lignes ondulées dans les trois cases centrales bleutées, mais aussi les trois mêmes signes qui déterminent le terme dans l'espace rosé numéro 6, ils disposaient d'un plan d'eau, vraisemblablement entouré d'herbacées au sein desquelles, à l'instar de leurs congénères des marais du Delta, ils dénichaient eux-mêmes partie de leur nourriture ; compensée, vous l'aurez remarqué, par un substantiel apport de graines que déversaient deux éleveurs portant leur couffin sur l'épaule gauche : Jeter l'orge, spécifient les hiéroglyphes au-dessus du premier d'entre-eux.

   En revanche, et toujours en détaillant les scènes pariétales du même tombeau, notamment au niveau du troisième panneau du mur ouest de la cour péristyle, il est indéniable que la quotidienneté que vivaient ceux des volatiles parqués dans les chétébou, était tout autre : là, dans des cabanes fermées par un grillage, ils étaient rassemblés pour y être manifestement engraissés, gavés avant que, dans une petite cour, ils aient loisir de s'ébattre quelques courts instants post-prandiaux, puis de réintégrer leur cabane en attendant le "repas" suivant.

   C'est précisément de ce gavage qu'il me siérait de vous entretenir, amis lecteurs, le 24 avril prochain.

   A mardi ...

(Montet : 1925, 114-25 ; Vandier : 1969, 83-6 ; 410-8 ; 445)