Mohamed Salah BEN AMOR commente un texte de Patricia LARANCO.

Par Ananda

Ce texte poétique est généré à partir d’une question obsessionnelle sur la singularité d’un point bien déterminé du temps cosmique : quatre heures du matin.Cette question relève très précisément du côté psychique et non psychanalytique, car elle révèle une angoisse intense face à l’existence et non un état névrotique . Bien entendu , un géophysicien y répondrait que cette heure n’a rien de particulier par rapport à toutes les autres heures. Mais il n’en est pas de même pour une âme humaine hypersensible qui projette sa psyché sur le monde externe, lui donnant   , sans le vouloir , des dimensions qu’il n’a pas du point de vue scientifique pur , même s’il semble à la locutrice que ce moment   bien précis a des effets non seulement sur elle mais aussi sur les êtres inanimés de l’univers (Entre chaque atome, cet immense état creux et les astres, gigantesques aspirateurs… ) . Cette projection reflète , en réalité,une sensibilité extrêmement aiguisée à l’égard du vide et de l’absence de l’humain . Et il faut chercher sa cause profonde dans l’humeur innée de la poétesse qui paraît être marquée par une vision tragique de l’univers selon le sens que Georg Luckacs donne à ce terme , c’est à dire une vision née d’une rupture avec le monde . Et ce qui confirmerait la justesse de cette interprétation est que pour ceux dont l’âme est en communion totale avec l’univers comme les romantiques par exemple, ce moment-là se présente comme une source de jouissance et d’extase . Sur le plan du style , la poétesse nous a gratifiés ,comme d’habitude , de toute une série d’images de création pure telles que un gigantesque accroc dans la trame des heures / trou où s’échappe, en hémorragie, la substanceoù la nudité des astres, on le sent, fait mal / repères éclipsés. Mutisme lisse, entre chaque grain de matière.

Mohamed Salah Ben Amor.

Quatre heures du matin.

par Patricia Laranco

Quatre heures du matin.

C’est l’heure la plus froide.

L’heure où le monde, dans son ensemble, s’absente de soi.

Un gigantesque accroc dans la trame des heures.

Un hiatus où le vide, enfin, peut s’engouffrer.

L’heure où l’on se demande si ce Tout (ce tout-ça) va renaître. Monumentale, maximale hésitation.

Quatre heures du mat’.

Moment de l’absolu exil.

Insondable silence des choses désertées…

Trou où s’échappe, en hémorragie, la substance…où la nudité des astres, on le sent, fait mal.

Quatre heures de la nuit noire. Repères éclipsés. Mutisme lisse, entre chaque grain de matière.

Entre chaque atome, cet immense état creux.

Et les astres, gigantesques aspirateurs…

Que fait-on là ?

Attend-on l’éternel retour ?