Sarkozy J-10: Du Pipo et Des Accusations

Publié le 27 avril 2012 par Juan
En mars, le chômage avait connu sa plus forte progression depuis 3 ans. Mais allait-il s'inviter, enfin, dans la campagne ? Pas sûr.
Nous étions à dix jours du dernier tour, mais Nicolas Sarkozy préférait parler de Tarik Ramadan, d'islam, d'immigration, des horaires différenciés dans les piscines pour les femmes et les hommes, des « frontières qui rassurent un peuple », de la Grèce ou de l'Espagne, et d'un nouveau fait divers.
Au passage, il chipa trois mesures proposées par Marine Le Pen. Il voulait « être précis ».

De la France imaginaire
Quand il était président, il parlait des sujets qui l'intéressaient, sauf quand l'actualité lui en imposait d'autres. Il visitait une France imaginaire, composée de militants UMP qui applaudissaient et souriaient, parfois même de figurants, dans des petits villages ou des zones reculées, soigneusement bouclées par des cohortes de CRS ou de gendarmes. Parfois, il y avait même des enfants qui agitaient des drapeaux français en criant Nicolas ! Nicolas ! Il ne restait jamais longtemps, et repartait aussi sec avec le même jet ou hélicoptère présidentiel.
Pendant la campagne officielle,  Nicolas Sarkozy fut à nouveau hors sol. Il s'inventait des déplacements à Fukushima. Il critiquait vertement des propositions de son rival qui n'existaient pas comme la prétendue suppression du quotient familial ou l'augmentation du nombre de fonctionnaires. Il remerciait des foules fantômes, comme ce mardi à Longjumeau.
Sarkozy croyait qu'en les criant, les mensonges deviendraient vérité. Ils devenaient plus visibles.
Depuis dimanche dernier, il tentait de comprendre cette mauvaise surprise que les Français lui avaient fait, le placer second au premier tour, et talonné par une Marine Le Pen qu'il croyait déstabilisée par son offensive sur les thèmes frontistes traditionnels.
Tariq Ramadan plutôt que le chômage
Il était si sonné qu'il fut pris de moments d'absence.
Ainsi, il accusa François Hollande d'être soutenu par Tariq Ramadan. C'était faux. Mais répéta l'accusation, jeudi matin sur France Inter: « La déclaration de Tariq Ramadan c’est le 11 mars 2012 à Lyon, dans le cadre du Printemps des quartiers, sur le thème “justice sociale, Palestine et islamophobie”. Ils furent trois à appeler à voter pour monsieur François Hollande, monsieur Ramadan et deux autres orateurs, monsieur Brakni, représentant le parti des Indigènes de la République (sic!), et monsieur Marwan Muhammad, représentant le collectif contre l’islamophobie en France. Ils ont tous les trois, dont Tariq Ramadan, appelé les personnes présentes, ainsi que leur entourage, ont-ils précisé, à voter pour François Hollande ou pour un parti politique qui serve l’islam. » C'était faux. Jeudi matin, Tariq Ramadan démentit avoir lancé un quelconque appel à voter Hollande: « Jamais de ma vie, je n’ai appelé à voter François Hollande». Ramadan ne voulait ni de Sarkozy, ni Hollande. Les deux autres prétendus supporteurs de François Hollande nièrent également tout soutien au candidat socialiste.
Sarkozy accusa aussi Hollande d'être soutenu par les recteurs de 700 mosquées de France. c'était faux. Deux mensonges en deux jours.
Le programme FNUMP
Plus tard, il était en meeting, au Raincy, la ville d'Eric Raoult. Il récupéra trois propositions de Marine Le Pen: imposer un examen de français et sur les valeurs de la République pour les immigrés (et non pas les naturalisés); imposer dix années de présence sur le territoire et cinq années de cotisations pour bénéficier des prestations sociales quand on est immigré (i.e. cotiser tout de suite, mais attendre 10 ans pour bénéficier de la Sécu...); et instaurer une présomption de légitime défense pour les forces de l'ordre.
Ses premiers mots furent « pour les fonctionnaires de police ». L'un d'entre eux venait d'être mis en examen pour homicide, suspendu de ses fonctions (mais pas de son salaire). Le Monarque proposa donc une présomption de légitime défense, une mesure qu'il chipait à Marine Le Pen.
« Je suis du côté des fonctionnaires de la République, voilà la réalité. Que la justice dise le droit et nous nous inclinerons, mais je demande que le droit de la légitime défense évolue dans un sens plus protecteur pour les policiers et les gendarmes. Il doit y avoir une présomption de légitime défense. Dans l’Etat de droit, on ne peut pas mettre sur le même plan le policier dans l’exercice de ses fonctions et le délinquant dans l'exercice de ses fonctions à lui »
Il était en rage: contre l'Humanité, « être traité de fasciste par un communiste, c’est un honneur !». Contre le Monde, « ce grand journal dit… Grand. Que j’ai franchi la ligne jaune, la ligne blanche, la ligne rouge ». Contre Hollande, les mêmes caricatures: « Si vous voyez un riche – comprenez quatre mille euros de plus par mois –, faites-lui les poches ». Il surjoua évidemment la victime (« il y a des sujets où, avant même d’avoir commencé, j’avais tort, je ne devais pas en parler.»).
Dans l'équipe de campagne, c'était la curée. Le trop jeune Geoffroy Didier, poulain de Brice Hortefeux et secrétaire national de l'UMP, accusa François Hollande de «se préparer à brader notre citoyenneté» en «accordant le droit de vote aux sans-papiers». C'était faux. Cette mesure n'existait pas dans le programme du candidat. Lionnel Luca, député UMP de la droite populaire qualifia la compagne du candidat socialiste de rottweiler. Des propos ignobles condamnés, avec effort, par Nathalie Kosciusko-Morizet quelques heures plus tard, puis Nicolas Sarkozy sur France2.
Du Pipo et Des Accusations
Le soir, il était à Des Paroles et Des Actes. Il arriva sur le plateau vers 21h50, essoufflé, gris et cassé. C'était curieux. Le coeur battait-il trop vite ?
Au début, il était nerveux, faussement calme.
Il était content de son score, et ne comprenait pas pourquoi on le donnait perdant. «Avec un Front national à 18%, pour un président sortant faire 27,2% après quatre années de crise, c'est pas rien !» A l'Elysée, ses conseillers faisaient leurs cartons.
« Ah bon... quand on dit que Marine Le Pen dit que le soleil est jaune... » Il était agacé qu'on l'accuse de courir après Le Pen. Il s'égara aussi: « Je n'ai pas apprécié la mise en cause par Monsieur Hollande et les responsables socialistes des forces de police dans l'affaire Merah ». Puis il raconta, avec de multiples détails, le fait divers qui valut au policier sa mise en examen. Quasiment mot pour mot comme l'après-midi au Raincy. Il cherchait la formule:  « Pour les habitants de la Seine-Saint-Denis, un délinquant et un policier, c'est pas la même chose ! »
Peut-être conscient d'être allé trop loin, il lâcha qu'il lui paraissait normal que le policier soit inculpé. «Que la justice fasse son travail c'est normal (…) La qualification quand même choque beaucoup les policiers ».


Confronté à ses mensonges, il dut reconnaître. Ses aveux furent parfois déroutant
Sur l'expression « vrai travail », qu'il avait nié avoir utilisé, « j'ai voulu dire une vraie fête du travail »... «Est-ce que cette expression je la reprendrai ? Non je ne la reprendrai pas».
Sur son déplacement inventé à Fukushima, « Dans le meeting, ça faisait mieux de dire que j'avais été à Fukushima.»
Il dut reconnaître que l'ultra-cumul des mandats et des fonctions était une faute. A dix jours du dernier tour, il n'était pas trop tard pour bien faire: « Ce n'est pas normal que les ministres puissent être maires ou présidents d'exécutif. Quand on est ministre, on ne doit faire que ça ». Quand il était ministre, avant 2007, il était resté maire et président du conseil général de la région la plus riche de France.
Il fut flou, était-il trop stressé ?
Sur la préférence nationale, il n'était pas d'accord, ou peut être pas... On ne savait plus. Il préférait la préférence communautaire, sauf peut-être pour quelques cas bien précis. On ne savait plus. «Nous avons commis l'erreur d'accueillir des gens sans nous préoccuper de leur intégration» ou encore: «Notre système d'intégration ne marche plus».
En cas de duel FN/PS aux prochaines législatives, ... Nicolas Sarkozy refusa de répondre (« je choisis le moment où je réponds ! »), puis confia : « nous verrons au cas par cas. »
Devant des journalistes, il n'osa pas les tacler, il n'osa pas répéter ce qu'il disait à longueur de meetings contre la presse et les médias. Vers la fin, il dénonça les « journaux de gauche » et la « une de l'Humanité » qui le figurait à côté de Pétain.
Nicolas Sarkozy n'était plus un président normal.