Présidentielle française: grossièretés, désinformation et lutte finale

Publié le 27 avril 2012 par Francisrichard @francisrichard

Au Salon de l’Agriculture, il y a quatre ans, Nicolas Sarkozy tend la main à un homme qui la lui refuse:

  -  Ah non, touche-moi pas, dit cet homme

  -  Casse-toi alors, répond Nicolas Sarkozy

  -   Tu me salis

  -  Casse-toi alors, pauvre con

C’est grossier. Le dialogue impromptu ressemble à du Audiard, sans l’humour. Les propos sont surprenants dans la bouche d’un président de la République.

Mais ils ne devraient pas émouvoir plus que cela les bobos…qui en disent certainement d’autres et qui d’ailleurs lisent Jean Genet… et parfois Céline.

Au début de cette année, lors d’un déjeuner de presse, François Hollande imite Nicolas Sarkozy:

"Je suis le président de l'échec, je suis un sale mec, mais, dans cette période difficile, je suis le seul capable."

C’est grossier de traiter implicitement le Président de la République de "sale mec" en lui attribuant de tels propos. Cela révèle le peu d’estime que François Hollande a pour Nicolas Sarkozy, d’autant que c’est voulu, réfléchi et pesé devant des journalistes, mais cela reste dans un registre tout au plus grossier.

Depuis le premier tour des présidentielles, sentant le doux fumet du pouvoir parvenir à ses narines, le monde politico-médiatique de gauche ne se retient plus et se croit tout permis puisque les sondages lui accordent 80 à 90% des voix dans la plupart des rédactions ici.

En principe les deux candidats du second tour ont besoin de récupérer des voix au centre et à l’extrême-droite pour l’emporter. Statistiquement, comme le montre l’équation de la droite de tendance de Bertrand Lemennicier, vérifiée 7 fois sur 9, lors des précédentes élections présidentielles de la Ve République, Nicolas Sarkozy devrait l’emporter au second tour, de justesse ici.

Cela devrait se vérifier une nouvelle fois le 6 mai prochain, sauf  "si une fraction des électeurs de droite choisit son représentant sous l'empire de la passion et préfère voter pour le camp adverse".

Il faut donc que la gauche réussisse à susciter un rejet passionnel de Nicolas Sarkozy de la part d’une fraction significative des électeurs de droite en pratiquant la bonne vieille méthode de la désinformation.

En grande partie, Marine Le Pen a réussi à dé-diaboliser le FN, d’où son score. Il faut donc que les électeurs de droite croient que Nicolas Sarkozy est pire que Marine Le Pen.

Le thème simple de la campagne de désinformation est exprimé, le 24 avril dernier, par le père Emmanuel Todd dans l’émission Ce soir ou jamais de Frédéric Taddeï :

 "En vérité, je vous le dis, l’UMP est passée à la droite du FN."

Ce soir-là la campagne de désinformation est lancée. 

Le lendemain L'Humanité, qui a retrouvé ses bonnes couleurs rouges, comme au bon vieux temps de l'Union soviétique, publie à la une, sous le titre Le raid de Sarkozy sur le 1er mai, la photo de Sarkozy et celle de Philippe Pétain, placées l’une à côté de l’autre, illustrées par des propos, respectivement du 19 février 2012 et du 11 octobre 1940, qui se ressemblent. L’amalgame est un des moyens de la désinformation…

Tout cela pourquoi ? Parce que Nicolas Sarkozy a eu le malheur de parler de "vrai travail" et surtout d'organiser lui aussi un rassemblement le 1er mai,comme les syndicats de gauche (et le FN) alors que c'est une chasse gardée des travailleurs et que, quand un homme de droite parle de la valeur travail, il ne peut être que pétainiste. CQFD.

Aussitôt les caisses de résonance se mettent en branle :

-   Le Nouvel Observateur pose ingénument la question : Sarkozy dans les pas de Pétain ?

-   Marianne titre en couverture, photo de Nicolas Sarkozy désavantageuse à l’appui : La honte de la Ve République

-   L’édito de Pascal Riché dans Rue 89 s’intitule : Vrai travail and co. Au secours Pétain revient !

-   L’Express titre : Sarkozy, Pétain et « le vrai travail ».

Etc.

Aujourd’hui c’est au tour des alliés politiques de gauche de François Hollande, qui fait mine d’être au-dessus de la mêlée, de résonner :

-  Jean-Luc Mélenchon sur France-Inter : "La phrase qui consiste à dire "se faire traiter de fasciste par un communiste est un compliment" est une reprise mot pour mot de Pierre Laval le collabo, de la même manière que parler de fête du travail et dire que c’est le "vrai travail", c’est mot pour mot le texte de l’affiche du Maréchal Pétain en 1941" et "Lui, il sort des mots, des phrases, des expressions qui sont directement tirés de la collaboration, pourquoi le fait-il ? A qui parle-t-il ? A qui veut-il inoculer ce poison ?"

-  Eva Joly sur i-télé accuse Nicolas Sarkozy de "[mettre] en avant des propos pétainistes".

Cette désinformation réussira-t-elle à ébranler les électeurs de droite et à les diviser? Permettra-t-elle à François Hollande de l’emporter? Si c’est le cas, quoique l’on pense de Nicolas Sarkozy, ce climat malsain, avec ses relents de lutte finale, préfigure mal de l’après 6 mai 2012…

Francis Richard