Y a d'la joie !

Publié le 29 avril 2012 par Vivreenislande @vivreenislande
A l'Alliance Française de Reykjavik, une exposition chasse l'autre. Les courriers de Marie s'en sont allés. Les quadrichromies de Lola sont arrivées. Elles y resteront jusqu'au 21 juin prochain. Jeudi dernier, afin de célébrer une partie de son travail, un vernissage a été organisé en présence de certains des artistes Islandais dont la jeune photographe a fait les portraits. Pendant que quelques visiteurs admiraient les clichés affichés sur les murs de l'Alliance, l'écrivain Gudrún Eva Mínervudóttir a d'abord lu, à haute voix et en islandais, des passages de l'un de ses textes. Extraits qu'une dame a ensuite gentiment repris, en français cette fois. Sa lecture énergique et inspirée a réveillé en moi le souvenir ému de la fougue que mettait en son temps mon instituteur récitant nos noms par ordre alphabétique, la tête penchée sur sa feuille de présence. Durant la dizaine de minutes qu'a durée cette prestation inattendue, j'avoue avoir été partagé entre l'envie de rêver au bon gros vieux radiateur de mon enfance, grâce auquel de nombreux cancres trouvaient une justification à leur présence à l'école, et le désir tout aussi vif de me laisser emporter par le ton monocorde de cette mélopée sédativeJe n'ai cédé ni à l'une ni à l'autre, considérant que le talent d'un Fabrice Luchini déclamant Baudelaire ou Nietzsche sur la scène d'un théâtre n'était pas à la portée du premier orateur venu, fut-il animé des meilleurs intentions du monde. A défaut de parvenir à décrypter les murmures de la dame, je me suis contenté d'observer jalousement l'incessant va-et-vient des enfants picorant des chips et d'une partie de l'assistance ayant pris soin de rester à bonne distance de la paisible narration. Les compositions de Jara, conviée elle aussi au vernissage, allaient-elles satisfaire mon humeur rock'n roll ? Pas davantage.  Il m'arrive d'être anormalement exigeant. J'ai longtemps ignoré la délicate attention de ceux qui m'offrirent à voir le "Voyage dans la lune" de Mélies après m'avoir promis "2001, l'Odyssée de l'espace" de Kubrick. Je reconnais bien volontiers que je suis parfois un sale gosse capricieux. Il n'en reste pas moins que la performance musicale de Jara et de son acolyte violoncelliste ne m'a pas enthousiasmé. La présence du violoncelle aurait pu me mettre la puce à l'oreille. L'instrument n'est qu'assez rarement propice à la jubilation. J'ai d'ailleurs compris dès les premières mesures que l'ambiance ne le serait pas. Jubilatoire. Ajoutons que ce jour-là, Jara n'ayant pas non plus montré la créativité improvisatoire d'un Mark Knopfler, la prestation ne portait pas à l'indulgence. Je conclus que tout cela avait un sens. La mélodie lancinante de la lectrice, les deux accords plaintifs des musiciennes... Il eut même pu être intéressant, sur un plan purement expérimental s'entend, de juxtaposer les deux représentations puis de comptabiliser le nombre de suicides post-inauguration. Un sale gosse vous dis-je. Ayant un dîner à préparer, j'ai loupé, à regret, le court-métrage de Logi Hilmarsson qui pouvait être visionné le même jour. Titre du film en question ? « Þyngdarafl », qui signifie "Gravité" en islandais.